— Par Nicolas Dutent —
Que pense le poème ? d’Alain Badiou. Nous, 192 pages, 20 euros
« La Cité dont nous venons d’établir le principe est la meilleure, grâce aux mesures prises à l’encontre de la poésie ». La citation est glaçante, comme un son perçant dans la nuit. Ce coup porté à la poésie, entendue comme mimèsis, ne vient pas de nulle part. Il est asséné par le premier philosophe, Platon, du côté d’Athènes, à l’époque classique. C’est à partir de ces prémisses, de cette méfiance lointaine qui ressemble désormais à un contentieux, que le philosophe Alain Badiou invite rapidement le lecteur à se frotter à sa problématique : Que pense le poème ? Il fallait un amoureux de la poésie et un philosophe savants pour démêler un tel nœud philosophique.
Voilà pour le décor. Mais quel paysage avons-nous sous les yeux ? Si la poésie compte encore des alliés, force est de constater que « le décompte culturel est oublieux du poème. C’est que la poésie supporte mal qu’on exige d’elle la clarté, l’audience passive, le message simple.

Le capitalisme est en pleine expansion mondiale, il se porte à merveille. Les crises et les guerres font partie de son mode propre de développement.
À la recherche du réel perdu, éditions Fayard, 80 pages, 12 euros.
Aujourd’hui, le monde est investi en totalité par la figure du capitalisme global, soumis à l’oligarchie internationale qui le régente, et asservi à l’abstraction monétaire comme seule figure reconnue de l’universalité.
Invité de l’Institut du monde arabe, le philosophe a déplié de façon progressive, vivante et accessible, son raisonnement sur «les promesses» des «émeutes» qui ne sont pas (encore?) devenues «révolutions» dans les pays arabes. Récit.
Le Séminaire Lacan. L’antiphilosophie 3, 1994-1995, d’Alain Badiou. Éditions Fayard, collection « Ouvertures », 288 pages, 18 euros. Considéré comme l’un des plus grands philosophes français, il s’est fait connaître du grand public avec De quoi Sarkozy est-il le nom ? Penseur du « multiple sans Un », platonicien ayant récemment réécrit la République (bientôt adaptée sur scène aux Amandiers), Alain Badiou est une figure intellectuelle et politique aux nombreuses faces, parmi lesquelles celle du séminariste. Depuis 1983 en effet, Alain Badiou anime un séminaire ouvert à tous, lors duquel il expose l’évolution de son parcours philosophique, parole vivante d’une pensée en formation, en semis. Cette année encore, à près de soixante-dix-sept ans, il parle chaque mois à l’École normale supérieure de « l’immanence des vérités » et s’en prend avec allant aux idéologies de la finitude et de la consommation, soutenant que les vérités sont bien de ce monde, qu’elles viennent trouer et renouveler. Comme un matérialiste qui croirait aux éclairs.