« Si le vent tombe » , un film de Nora Martirosyan

Lundi 25 janvier 2021 – 16h — Salle Frantz Fanon –

Le film est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2020 et à la sélection ACID 2020. C’est le seul film dans l’histoire du festival de Cannes à avoir eu cette double sélection. Wikipédia
Date de sortie : 18 novembre 2020 (France)
Réalisatrice : Nora Martirosyan
Scénario : Nora Martirosyan
Producteur : Julie Paratian
Bande originale : Pierre-Yves Cruaud

A propos de « Si le vent tombe » :
Il est des films au sein desquels nous ne pouvons pénétrer que par l’abandon de nos certitudes, de notre héritage culturel. Ici, il s’agit, avec le personnage principal interprété par Grégoire Colin, d’investir un minuscule aéroport d’où rien ne décolle, sur lequel rien n’atterrit. Un lieu, comme un sanctuaire, dont notre héros, au terme d’un audit, doit s’assurer de la conformité autant que de l’existence d’un minuscule territoire du Caucase.

Mais c’est à rebours de toute considération rationnelle que Nora Martirosyan nous entraîne. Elle s’emploie ainsi à nous démontrer qu’un territoire, un monde, n’existent en réalité que parce que nous décidons d’y croire. La réalisatrice fabrique avec minutie sa mise en scène en nous plongeant dans des paysages majestueux dans lesquels s’inscrivent ses personnages. Plans et décors ne formant plus qu’une seule matrice dans laquelle des rencontres, des amitiés naissent en dépit de toute raison. Ici, c’est par le prisme de l’émotion que se tissent des liens avec l’autre.

De la journaliste à l’ancien soldat, en passant par le directeur de l’aéroport et le chauffeur, la cinéaste crée des personnages auréolés d’une teinte mystérieuse, presque surréelle. De même, la guerre, les armes et le feu ne sont jamais loin, mais n’ont ni nom, ni visages, ni temporalité. Ils font partie du décor et sont dilués par le « réalisme magique » d’un quotidien ritualisé.

Tous ces éléments mis bout à bout trouvent une place subtile dans un récit construit en réseau. Dessinant le schème d’un territoire à délimiter, de relations inattendues à investir, nous sommes conviés à abandonner nos préjugés et, pour nous en convaincre, il faut suivre le quotidien d’un jeune garçon porteur d’une eau miraculeuse. Allégorie d’un espoir qu’on l’on pourrait distribuer à tout-va, c’est en réalité à une démonstration de la puissance de l’imaginaire que semble définitivement nous inviter la réalisatrice.

Décréter qu’une eau peut soigner, c’est tout autant pouvoir décréter qu’une frontière existe : en somme tout n’est qu’une question de foi. Un arbitraire, une esthétique qui tiennent selon la formule du poète allemand Hölderlin en cette précieuse croyance : l’homme doit habiter le monde en poète.