Se laver les mains… à sec !

— Par Yan Monplaisir —

Nous sommes très nombreux à ne pas accepter le fatalisme que voudrait nous imposer la plupart de nos dirigeants.

Tout serait la faute au changement climatique contre lequel nous ne pouvons rien, sinon changer notre mode de vie et nos habitudes…

Il serait inutile de chercher ailleurs les causes de cette situation scandaleuse et catastrophique, qui prive d’eau : nos hôpitaux, nos personnes âgées, nos entreprises, voire quasiment toute la population, dans un territoire où la ressource existe et où on peut même convenir qu’elle est abondante.

Ma culture d’entrepreneur et mon sens des responsabilités me commandent de ne pas accepter ce fatalisme coupable.

Les Martiniquais n’auraient jamais dû subir cette épreuve. Si « les spécialistes des affaires des Martiniquais », acceptaient enfin d’assumer leurs responsabilités.

Le fait d’être reconnu responsable, en politique ne vise ni à soumettre le coupable à un rituel expiatoire, ni à fustiger, tel ou tel élu, voir tel ou tel parti.

Cessons, pour des motifs inavouables, de nier la réalité et de prolonger dans des missions, où ils se sont prouvés défaillants, des Martiniquais dont le seul mérite serait d’appartenir à un groupe politique, à la famille ou au cercle des amis de ce parti.

Le principe de responsabilité impose de définir de manière claire et transparente, les incompétences ou les défaillances, ayant conduit au constat d’un échec.

Responsables et coupables

Le dirigeant ne peut en permanence s’absoudre de ses obligations et les dissoudre dans l’eau trouble des connivence organisées.

Il ne peut en appeler à l’État quand il est, lui-même, à l’origine des défaillances. Le « spécialiste de nos propres affaires » n’est ni responsable, ni efficace.

Face à cette crise sans précédent dans son ampleur, mais dont le caractère répétitif aurait dû prévenir la survenance, les premiers responsables sont les élus locaux car ils ont failli à la mission et à la confiance dont le suffrage universel les a investi.

Cela ne signifie pas que l’origine de la situation ne serait imputable qu’à la seule autorité politique. Mais au bout du compte ils sont ceux à qui le peuple peut et doit demander des comptes car c’est sur leurs épaules que repose l’obligation de résultat.

Quand les choses fonctionnent, normalement, « les spécialistes » se bousculent pour nous expliquer que nous leur devons tout.

Quand c’est un fiasco, comme pour la gestion de l’eau, c’est la fatalité, la faute des autres et personne ne veut assumer une quelconque responsabilité.

Si nous n’avons pas d’eau aujourd’hui, c’est en raison d’une accumulation d’erreurs et d’insuffisances dans les rouages de l’administration du pays.

-l’État, qui, par son impartialité, et son manque de vision aura servi les intérêts de la SME au détriment de l’intérêt général.

-La CTM plus préoccupée par son hymne, son drapeau et son exercice de concentration des pouvoirs que par le bien-être des Martiniquais.

-Les élus, plus soucieux de leur réélection que des réponses au défi de l’efficacité.

-Les entreprises, chargées du bon fonctionnement de la distribution des eaux, plus soucieuses de leurs intérêts égoïstes ou du confort mesquin de leurs dirigeants.

Mains sales

Aujourd’hui, ils veulent tous se « laver les mains », dans la même bassine : celle de l’irresponsabilité.

Espèrent-t-ils ainsi rendre impossible le discernement dans une eau troublée par les mains sales qui y trempent ?

L’État est responsable, pour avoir facilité la maîtrise de l’essentiel de la ressource, dans les mains de la seule, SME lui permettant ainsi d’organiser la répartition de la pénurie au profit de ses clients afin de conforter sa position dominante, à l’occasion du prochain renouvellement des marchés en 2027.

La CTM qui n’a pas payé son prestataire, la SAUR, ce qui a entraîné l’arrêt des travaux nécessaires sur l’usine du Lorrain, mettant hors service deux dessableurs sur trois et réduisant ainsi le volume d’eau disponible.

Cap Nord, qui a refusé de participer à une équitable répartition de la ressource en interdisant la connexion de l’eau de la source Morestin pourtant excédentaire et en refusant d’organiser des coupures tournantes.

Espace Sud qui s’est laissée manipuler par la SME et qui a imposé avec cette communauté de communes l’attribution de l’ usine de la Rivière Blanche à la SME .

Odyssi, qui, du fait d’une mauvaise gouvernance, a démontré son inefficacité et a contribué ainsi à se discréditer. La CACEM qui n’a pas su imposer ses directives à son satellite, Odissy.

Faudrait-il passer tout cela sous silence, en appeler à l’État et renoncer à identifier les responsabilités ?

Pour ma part, je crois que le principe de responsabilité est consubstantiel à l’efficacité.

Beaucoup de nos institutions et de nos villes seraient mieux administrées s’il n’y avait pas cette politique de l’Omerta qui fait que, dans ce milieu fermé, le réflexe d’auto-protection ne conduise à la complicité passive.

La Martinique n’aurait pas dû manquer d’eau si :

Les travaux de l’usine de Vivé (Lorain) avaient été engagés dans les temps.

La gestion de la ressource n’avait été confiée qu’à la seule volonté de la SME.

Le réseau Cap Nord s’était montré plus solidaire.

Odyssi avait remis en état la pompe du forage de Fond Lahaye, qui est restée arrêtée plusieurs mois avant d’être remplacée, il y a 15 jours.

Un groupe électrogène avait été installé plutôt sur le forage de cœur Bouliki.

Des investissements avaient été réalisés pour réduire les fuites sur le réseau CACEM.

Bref, si chacun avait pris ses responsabilités “ nou pa téké sali dlo a ” !

Alors, à ceux qui pensent qu’il ne faut pas s’indigner, qu’il ne faut pas rechercher de responsabilités et qu’il ne faut pas évincer un certain nombre de dirigeants et changer de système, je dis haut effort : ne comptez pas sur moi pour me laver les mains dans un robinet sans eau !

Yan MONPLAISIR

Le 19 mai 2024