Sa la CTM pé poté ba nou ?

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Contribution au débat

Proposée par le Conseil National des Comités Populaires.

Peut-on croire sérieusement que la CTM (collectivité Territoriale de Martinique) qui sera effectivement installée au lendemain des élections de Décembre, quelle que soit l’équipe qui en arrivera aux commandes, sera en mesure de porter solutions aux énormes difficultés que nous connaissons ? Non ! Absolument non ! Pourquoi, dans ces conditions, des personnes se battent-elles avec tant d’acharnement pour en prendre le contrôle ? Cela vaut-il que notre peuple s’y intéresse ?

Nous souhaitons, à travers cette « contribution au débat », porter des éléments de réponse à ces questions. Mais, plus globalement, notre objectif est de dépasser les polémiques centrées sur la CTM, pour nous pencher sur la question essentielle : « Comment nous donner réellement les moyens de connaître une vie meilleure ? »

Notre objectif à tous est, sans nul doute, de nous donner les moyens de changer en mieux notre vie. La question est donc de savoir si la CTM (collectivité territoriale de Martinique) qui sera installée en Décembre peut être une institution nous permettant d’atteindre ce but.

Pour appuyer notre réflexion sur cette question, penchons-nous ensemble sur toutes ces difficultés qui pourrissent notre vie et évaluons les marges de manœuvres de la future collectivité.

L’une de nos plus grandes difficultés est celle du travail et de l’emploi. Voila le tableau : 55.000 chômeurs, 60 % des jeunes victimes du fléau, une masse de ceux qui travaillent connaissent la précarité. Même dans les services publics, vacataires et contractuels remplacent les emplois stables. Les collectivités locales ne sont plus en état d’embaucher. L’économie locale continue à s’enfoncer dans la crise. Il suffit de jeter un regard sur le bilan des mesures prises par le Conseil Régional sur les dix ans passés : On peut se réjouir que quelques centaines de personnes aient pu bénéficier de chantiers d’insertion ou de CDD et que quelques dizaines d’autres aient pu accéder à des emplois valorisants, mais la collectivité n’a pas pu agir sur les causes structurelles du chômage et il ne pouvait en être autrement ! Ajoutons à cela que, ceux qui, pour pallier l’incapacité du système de porter réponse au problème du chômage, mettent en place des activités économiques de survie, ceux-là sont criminalisés indistinctement.

Les 13.000 travailleurs indépendants, qui on le sait, continuent à se débattre dans d’énormes difficultés, écrasés par la concurrence déloyale des entreprises européennes, par une législation et des normes totalement inadaptées à notre réalité. Le RSI qui était censé assurer leur protection sociale se révèle être un nouveau facteur d’étranglement. Les dispositifs d’aide aux entreprises mis en place par la collectivité Régionale n’ont eu aucun effet significatif sur leur situation. La CTM n’aura pas davantage de marge de manœuvre.

Les ménages qui veulent construire, les chefs d’entreprise qui se battent pour travailler, malgré toutes les difficultés, se heurtent à l’arrogance des banques qui utilisent l’épargne martiniquaise pour aller s’enrichir ailleurs. Les compétences qui sont celles de la CTM ne donnent à celle-ci aucune possibilité de changer cet état de fait.

Sous l’égide des collectivités locales, des opérations de réhabilitation de logements insalubres ou la construction de logements collectifs ont été une réalité. Mais, là encore, les moyens ne leur permettaient pas de répondre à un niveau significatif. Il en sera de même pour la CTM. Des milliers de famille vivront encore dans des logements précaires ou attendront sans illusion une réponse à leur demande de logement

Les masses populaires, qui dans leur écrasante majorité ne disposent pas d’un revenu suffisant pour vivre décemment, sont dans des situations effroyables à cause de la politique fiscale inéquitable que la France nous impose. Pas plus que la Région, la CTM n’aura aucun pouvoir lui permettant de transformer cette réalité là. La retraitée de qui l’on exige 1200 euros de taxe foncière chaque année, alors qu’elle vit d’une pension de 6OO euros, subira toujours son calvaire !

Quant à la honteuse « profitasyion » pratiquée dans notre pays en matière de prix dans la grande distribution, dans la vente de pièces automobiles, de matériel médical, pour ne citer que ces exemples, jamais elle n’a été aussi insolente. Pas plus que le Conseil Régional, la CTM ne dispose du pouvoir et des compétences nécessaires pour mettre fin à ces abus.

Nul ne peut nier les efforts faits par le Conseil Général ces dernières années pour faire face aux ravages causés par les toxicomanies, au besoin croissant en structures d’accueil pour la petite enfance les personnes âgées et/ou dépendantes ; mais il faut bien admettre que cette collectivité n’avait pas les moyens de répondre à l’ampleur des problèmes. Or, la CTM héritera des compétences du Conseil Général dans des conditions plus tendues ; il serait illusoire de croire qu’il pourrait en être autrement.

Les mouvements sociaux ne cessent de nous rappeler les effets désastreux de la politique de sabotage des services publics de santé et d’éducation menée par le gouvernement français. La CTM ne dispose absolument pas des leviers nécessaires pour inverser la tendance.


Peut-on honnêtement, après avoir entendu tout cela, prétendre que la CTM serait la solution à tous nos problèmes ?

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La CTM sera confrontée à des limites objectives :

La plus importante de ces limites est qu’elle ne dispose pas des pouvoirs politiques, législatifs et fiscaux qui lui seraient indispensables pour porter des réponses significatives à nos difficultés. Certains laissent entendre que le fait que la CTM dispose de la possibilité de demander des « habilitations » est une réponse suffisante. Cela est absolument faux. Les habilitations, ne pouvant concerner que des domaines particuliers, ne permettent pas l’application d’une politique globale ; elles sont accordées pour des périodes limitées et le parlement français peut refuser de les accorder.

Une autre limite majeure à l’action de la CTM, c’est que l’Etat Français réduit fortement les dotations financières qui étaient octroyées aux collectivités, en même temps qu’il exige que celles-ci interviennent dans des secteurs de plus en plus vastes. L’augmentation de la fiscalité locale ne suffira pas à résoudre le problème, d’autant plus que la débâcle économique s’aggrave et réduit la masse des contributions potentielles.

Mais alors, pourquoi certains candidats ne parlent-ils pas de ces vérités là et viennent semer des illusions quant à leur future gestion ?

Certains, c’est parce qu’ils bénéficient du système, et tirent leur épingle du jeu ; d’autres, c’est parce qu’ils privilégient les intérêts de leur chapelle politique ou leur plan de carrière par rapport aux intérêts supérieurs du pays ; d’autres encore, hélas, parfois sincères, c’est parce qu’ils n’ont pas analysé la question en profondeur.

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LES LIMITES DE LA CTM JUSTIFIENT-ELLES QU’ON LUI TOURNE LE DOS ?

cmt_orga-400-bS’il est important de dénoncer les illusions concernant les marges de manœuvre de la CTM, il faut néanmoins rappeler ses compétences et prendre conscience de son importance en tant qu’institution.

La CTM détiendra à la fois les compétences qui étaient jusqu’alors dévolues au Conseil Régional et au Conseil Général.

Le Conseil Général intervenait dans les domaines de l’action sociale et de la solidarité, de la santé, de l’éducation, des transports, de l’aménagement du territoire, des infrastructures, de l’action culturelle et sportive, de la pêche et de l’agriculture, de la prévention des risques, etc.

Le conseil Régional, lui, avait compétence en matière de planification et d’aménagement du territoire, passait les contrats Etat Région et coordonnait les interventions économiques. Il pouvait aider à la création d’entreprise et il avait en charge l’entretien des établissements scolaires de second degré, etc.

On comprend bien que, avec toutes ces compétences cumulées, la CTM va obligatoirement impacter notre vie quotidienne par son action… en bien ou en mal !

Il est donc important de savoir quels seront ceux qui y serviraient au mieux nos intérêts. Certains peuvent choisir de dépenser des centaines de milliers d’euros pour installer des panneaux sophistiqués nous indiquant si la circulation est fluide ou pas ; d’autres peuvent préférer financer plusieurs établissements d’accueils pour personnes dépendantes avec cette même somme.

 

Il y a une deuxième raison qui nous appelle à accorder de l’intérêt aux élections à la CTM. Ceux qui en auront la gestion deviendront des interlocuteurs pour les autorités politiques et administratives françaises. S’ils ne sont pas honnêtement du côté du peuple, et surtout s’ils se font relais des partis politiques de France, ils serviront de caution et d’alibi démocratique au gouvernement français et à l’Union Européenne pour nous imposer toutes les mesures dévastatrices qui relèvent de leur politique de libéralisme économique sauvage.

On aura compris que, non seulement il est impératif que nous nous intéressions à la CTM, mais, plus encore, que nous pesions sur les choix à venir.

Ici, nous voulons tordre le cou aux prétextes que certains prennent pour rester l’arme au pied : « On ne comprend rien ! » « On ne nous explique pas ! ». D’une part, chacun voit bien que des médias et des partis multiplient des opérations d’information, mais d’autre part, avec les moyens de communication moderne et les compétences en informatiques d’une large fraction de la population, ceux qui le souhaitent peuvent aisément accéder aux explications nécessaires. Et puis, ceux qui votent aux présidentielles, aux législatives ou aux européennes ont-ils jamais évoqué leur méconnaissance pour refuser de choisir ?

Cessons de nous auto-dévaloriser ! Nous sommes tous et toutes en mesure de comprendre les enjeux essentiels de la CTM et de nous positionner en connaissance de cause !

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Nous ne pouvons refuser d’assumer nos responsabilités car les enjeux sont de taille.

Nous sommes dans une conjoncture internationale qui impacte directement notre pays. Les institutions internationales et l’Union Européenne imposent, partout et de façon totalement anti-démocratique, des relations commerciales soumises aux diktats des pays impérialistes et la main mise des banques sur l’économie. L’exemple grec est symbolique à cet égard. D’autre part, la mise en œuvre d’une politique économique basée sur un productivisme débridé a, entre autres effets désastreux, celui d’accélérer le changement climatique. Tous les scientifiques l’attestent : les catastrophes naturelles seront de plus en plus violentes et fréquentes. Un pays comme le nôtre, île de la zone intertropicale, est en la matière particulièrement menacé.

Nous sommes donc confrontés à des défis majeurs et si nous voulons être en mesure de les affronter, nous devons prendre pleinement en compte cette réalité internationale.

C’est pour cette raison qu’il est essentiel que nous exigions de ceux qui aspirent à prendre la direction de la CTM qu’ils nous fassent savoir :

-quelle analyse globale ils font de la situation,

-quelles orientations ils entendent suivre pour porter réponse aux questions principales,

-quelle articulation ils envisagent de mettre en œuvre entre les différents fronts de lutte pour que les revendications du peuple Martiniquais puissent se faire entendre et aboutir.

Faute de réponses claires à ces interrogations, on ne saurait accorder aucune crédibilité au programme qu’ils promettent de mettre en œuvre. Mais surtout, faute de choix opportun de notre part et selon les intentions politiques de ceux qui vont diriger la CTM, soit nous pourrons espérer un « soulagement », soit nous connaitrons une dégradation dans nos conditions de vie quotidienne.

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« IL NOUS FAUT MARCHER SUR LES DEUX PIEDS ! »

Si nous entendons vraiment emprunter le chemin conduisant à l’amélioration de notre vie, il est évident que nous devons avoir une stratégie globale et mener le combat sur deux fronts :

  • Le combat doit se mener sur le front de la mobilisation pour porter à la tête de toutes les institutions locales des représentants aptes à défendre nos revendications et qui se battront pour mettre en œuvre nos propres projets ; En ce sens, il est évident que les élus qui marchandent leur place sur des listes et qui n’ont pas le courage d’oser l’alternative ne nous seront d’aucune utilité.

  • L’autre front sur lequel nous devons mener le combat, c’est celui du renforcement de l’organisation de notre peuple, dans toutes ses dimensions (qu’elles soient citoyenne, syndicale, politique ou autres.) avec l’objectif de nous constituer en force alternative, afin que nous soyons capables de nous faire entendre et d’imposer la prise en compte de nos revendications.

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EVITER LES PIEGES ET LES « WELTO »

Les propagandistes des classes dominantes et les politiciens opportunistes – se présentant comme les sauveurs indispensables, les seuls capables de décider du « que faire » – n’ont cessé de pousser les électeurs de base et plus généralement la population, à se sous-estimer.

Prenant ses racines dans la bourgeoisie occidentale, le système électoral en vigueur a été conçu pour garantir que le pouvoir n’échappe pas aux classes dominantes. Ceux qui détiennent la puissance financière et les moyens de chantage économique, qui contrôlent l’information et la diffusion du savoir, qui ont les moyens de la manipulation idéologique, sont généralement assurés de l’emporter. Ceux qui défendent les intérêts des couches populaires et qui parviennent malgré tout à gagner, parviennent rarement à atteindre leurs objectifs.

Les politiciens qui participent au jeu de l’alternance ont en commun de tout faire pour empêcher les débats de fonds et d’agiter des leurres pour pousser la clientèle électorale à se déterminer sur des bases superficielles. Les électeurs sont systématiquement appelés à sacrifier leurs convictions au nom d’un prétendu « vote utile » en faveur de celui qui « aurait plus de chances de l’emporter », même quand on admet les travers et les incohérences de celui-ci. Bien entendu, pour ces politiciens « doubleurs », seraient en mesure de l’emporter

– ceux qui parviendraient à comptabiliser des voix potentielles en constituant des alliances sans principe regroupant toutes sortes de chasseurs de primes et de mandats

– ceux qui disposeraient d’une soi-disant « notoriété » gagnée à coups d’opérations de communication.

Tout est fait pour empêcher que les programmes soient confrontés ; Le débat d’idées est totalement escamoté.

CHAK MOUN LA POU MET KO-Y !

Est-on maître de son destin quand, au lieu de baser son choix sur une réflexion relative à la qualité des propositions faites, on suit la consigne d’un élu ou d’un candidat motivé par des considérations électoralistes et généralement adepte du « zanzolaj » ? Est-on conséquent quand on fait campagne pour un candidat ou quand on vote avec l’espoir de bénéficier d’une faveur particulière, tout en sachant que la résolution de nos immenses difficultés s’en trouvera retardée ? Est-on maître de sa personne quand on se laisse influencer par le rabatteur d’un candidat qui dénigre les adversaires, colporte des rumeurs, sans à aucun moment parler des solutions concrètes concernant nos propres problèmes. Une chose reste sûre : MOUN NA KA DI-W ACHTE CHOUVAL GRO BOUDEN PA KA VINI FE ZEB EPI-W AN TAN LA PLI !

C’est de reprendre le pouvoir sur nos vies qu’il s’agit là ! Le règne des politiciens cessera dès lors que chaque Martiniquais et chaque Martiniquaise aura réalisé son poids en tant que citoyen et la force collective du peuple.

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AN NOU POTE MANNEV

Une chose est indiscutable, c’est que les choses ne changeront vraiment que si « pèp la poté manèv ».

Les démagogies et les manœuvres ne pourront plus nous empêcher d’avancer si chacun et chacune, au sein de la population, se donne les moyens de comprendre les enjeux et choisit sur la base de la vérité des programmes.

Les moyens financiers et logistiques de ceux du dessus seront impuissants à nous freiner si le peuple s’organise pour assumer ses choix sur la base du principe « grenn diri ka plen sak», s’il s’engage dans le travail pour faire circuler les bonnes informations et pour mobiliser ses « compagnons de misère », si, les jours de scrutin, il organise la présence dans les bureaux de vote pour empêcher les fraudes et les pressions.

« Fonmi chayé ravèt » dit le proverbe !

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En conclusion, pour répondre à la question : « Sa la CTM pé poté ba nou ? », nous dirons qu’il y a plusieurs possibilités.

Si une majorité d’électeurs en confie la gestion à ceux qui sont déjà aux commandes, dont nous avons pu constater que l’action n’a pas permis d’améliorer nos conditions de vie, mais qui prétendent poursuivre dans la même direction – attirer les investisseurs, faire confiance aux multinationales, et croire en la philanthropie de la « République française » – la CTM ne portera aucune solution significative nos difficultés.

Si une majorité « donne une chance » aux revenants de la droite pour qu’ils dirigent la Collectivité, à ceux là qui sèment l’illusion que notre peuple pourrait se faire une place dans la jungle du libéralisme économique, à ceux-là qui sont partisans du sabotage des services publics, la CTM sera une tête de pont efficace au service des grands capitalistes étranger. Elle accentuera nos difficultés.

Si les électeurs portent aux commandes une équipe qui prétend que la solution repose sur les capacités personnelles d’un individu conduisant une coalition de groupes politiques proches, coalition qui rêve de marginaliser toutes les forces populaires qui ne leur emboitent pas le pas et qui, surtout, n’a aucune stratégie pour organiser la mobilisation de notre peuple autour d’un projet collectif, la CTM ne pourra résoudre aucun des problèmes majeurs que nous avons évoqués au début de notre contribution.

Enfin, si la majorité de la population adhère à l’idée qu’elle doit s’impliquer dans une dynamique alternative citoyenne pour une Martinique solidaire vivante et écologique, si la majorité délègue aux commandes de la CTM des hommes et des femmes qui tiennent le langage de vérité, en particulier en ce qui concerne les limites de pouvoir de l’institution et la nécessité de mener un combat global impliquant toute la population dans le cadre d’une démarche de démocratie participative, de transparence et de cohésion sociale, alors la CTM pourra être un outil efficace dans la lutte pour notre émancipation et notre mieux vivre.

En définitive, chers compatriotes, la CTM nous portera ce que nous aurons décidé qu’elle devra nous porter. Ainsi, la réponse à la question « Sa la CTM pé poté ba nou ? » nous appartient à tous et particulièrement à chacun d’entre nous.
 

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