Pourquoi (ne) donne-t-on (pas) aux mendiants ?

— L’altruisme nous semble aller de soi, mais contredit les principes de la théorie de l’évolution —

Pourquoi tant de gens font-ils l’aumône ? Par empathie, pitié, sentiments auxquels se mêlent parfois le souci de se donner bonne conscience ou de se faire bien voir du bon Dieu. Jusque-là rien de surprenant.

On peut aussi inverser la question. Pourquoi tant de gens ne font-ils pas l’aumône, ou rarement? Par manque d’empathie ou de pitié ; par égoïsme ou avarice ; par cynisme, parce qu’on ne voit pas ce que ce geste nous rapporte ; par lucidité, si l’on perçoit le racketteur sous le mendiant ; par mépris, si l’on pense que le geste de mendier est dégradant ; par conviction, si l’on croit que donner incite le clochard à demeurer dans son état au lieu de chercher à s’en sortir.

Nous avons donc d’excellentes raisons de donner ou de ne pas donner. Là où les choses deviennent surprenantes, c’est quand on replace la première question, «pourquoi tant de gens font-ils l’aumône ?», dans le contexte plus général de l’évolution de l’homme. Nous sommes des animaux culturels, mais des animaux quand même, et la théorie darwinienne s’accommode mal des gestes désintéressés.

Dans le monde animal non humain, l’altruisme existe mais est réservé aux relations entre individus ayant un lien de parenté, même éloigné. Il faut que d’une manière ou d’une autre le geste profite à certains au moins des gènes propres à notre famille, présents chez l’individu aidé. Rien de tel dans la relation au mendiant.

La théorie de l’évolution, censée tout expliquer, est-elle impuissante à rendre compte de l’altruisme désintéressé ? Ce problème obsède depuis longtemps bon nombre de biologistes, de psychologues, de philosophes et même de mathématiciens, et a fait l’objet d’une abondante littérature, que «BoOks» a déjà évoquée à plusieurs reprises.

Mais comment expliquer qu’un homme ayant amassé une énorme fortune en donne plus de 99 % à des œuvres caritatives ? Et plus frappant peut-être: qu’un homme très riche, dans la force de l’âge, marié avec des enfants, puisse non seulement donner quasiment toute sa fortune mais l’un de ses reins à un inconnu ? La théorie de l’évolution peut-elle expliquer ce genre de choses ou doit-elle déclarer forfait ? Sommes-nous typiquement devant un comportement montrant, voire démontrant, que l’homme est un animal qui, à certains égards, échappe à la nature, celle que l’on peut expliquer par des lois scientifiques ?

La question est explorée de manière approfondie par deux économistes comportementalistes, Daniel Bowles et Herbert Gintis. En deux mots, leur thèse est que l’altruisme désintéressé, représentant un coût net pour l’individu, profite au groupe auquel l’individu appartient, à condition qu’il se répande au sein du groupe et soit donc le fait d’une fraction significative de la population

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