Peut-on encore sauver les forêts tropicales et comment ?

—Par Plinio Sist, chercheur, écologue, spécialiste des forêts tropicales humides et directeur de l’unité de recherche Forêts et Sociétés au Cirad —

Tribune. Les forêts tropicales continuent de disparaître à un rythme alarmant pour être converties en terres agricoles, pâturages ou plantations industrielles. Elles subissent également des dégradations importantes liées à la surexploitation de leurs ressources. De ce fait, elles sont de plus en plus vulnérables aux effets du changement climatique et aux incendies, comme cela fut le cas en Amazonie et en Indonésie cet été.

Si au milieu des années 2000, la perte de forêts tropicales semblait ralentir, comme ce fut le cas au Brésil avec une baisse de 80% de la déforestation entre 2004 et 2012, depuis 2016, la tendance est malheureusement à nouveau à la hausse. En effet, entre 2001 et 2009, la perte annuelle moyenne de forêts tropicales naturelles a été de 2,8 millions d’hectares (Mha) contre 3,7 Mha pour la période 2010-2018, soit une augmentation de 25%. L’année 2019 confirmera sans doute cette tendance, comme en Amazonie, où les incendies de l’été dernier ont largement contribué à battre le triste record de près d’1 million d’hectares de déforestation soit le taux annuel le plus élevé jamais enregistré depuis dix ans. En Indonésie, si l’on assiste à une baisse significative de la déforestation depuis 2016, les feux de 2019 ont mis à mal les efforts du pays à combattre la déforestation et ont contribué à affaiblir des écosystèmes forestiers déjà bien dégradés. Enfin, dans les pays du bassin du Congo jusqu’à récemment encore relativement épargnés par la déforestation, la perte de forêts naturelles a plus que doublé, passant de 184 760 ha en moyenne par an entre 2002 et 2009 à 460 500 ha en moyenne par an entre 2010 et 2018.

Cette recrudescence de la déforestation en région tropicale est très préoccupante, car les forêts tropicales jouent un rôle clé dans la régulation du climat, dans le maintien de la biodiversité et de la fertilité des sols. On dénombre aujourd’hui plus de 2 milliards d’hectares de terres dégradées issues de la déforestation. On estime que cette dégradation des terres compromet le bien-être de plus de 3 milliards de personnes dans le monde.
Facteurs socio-économiques

Pour toutes ces raisons, il est urgent à la fois de préserver les dernières forêts tropicales mais aussi d’initier des programmes ambitieux de restauration forestière.

Les régions victimes du déboisement sont pour la plupart couvertes de…

Lire la Suite & Plus => Liberation.fr