Penser les Antilles, hier et aujourd’hui

Hier, Frantz Fanon 

Une date anniversaire :

Le 20 juillet 1925 naissait à Fort-de-France à la Martinique, Frantz Fanon. On ne dira jamais assez l’importance de ses essais sur la colonisation, et sur les catastrophes engendrées par la psychiatrie. Un auteur qu’on aime citer, mais qui serait aujourd’hui assez peu lu, si l’on en croit certains critiques. Peau noire, masques blancs (Seuil, 1952),  L’an V de la révolution algérienne (Maspero, 1959), Les Damnés de la Terre (Maspero, 1961), son livre le plus connu préfacé par Sartre, ou son ouvrage posthume Pour la révolution africaine (Maspero, 1964) : son œuvre en a influencé plus d’un, des indépendantistes africains aux leaders du Black Panther Party notamment. (Extrait du Journal Jeune Afrique)

Très jeune homme, Frantz Fanon décide de quitter son milieu natal. Engagé volontaire pendant la Seconde Guerre Mondiale, blessé au combat, puis étudiant en médecine à Lyon, il subit pendant ces années de formation l’expérience mortifère du racisme, cette « déviation existentielle ». Dans Peau noire masques blancs , il écrit  « le Noir n’est pas un homme » ; il refuse l’assimilation, se révolte contre le déni des cultures dites indigènes, l’oppression économique et identitaire des colonisés, la violence faite aux peuples dominés.

Psychiatre à l’hôpital de Blida en Algérie, Frantz Fanon va mener un double combat. Combat du médecin qui pourfend les théories raciales prétendument scientifiques, et lutte pour désaliéner les malades mentaux victimes des traumatismes de la colonisation, qu’il analyse en clinicien. Combat de l’homme engagé pour le renversement radical du colonialisme et la restauration de la dignité de l’homme. En 1956, il donne sa démission de l’hôpital de Blida, part pour Tunis où il devient un membre actif du FLN, avant de mourir d’une leucémie en 1961.

Fanon ne verra pas l’Indépendance de l’Algérie et ne connaîtra pas les lendemains désenchantés de l’ère post-coloniale. Quelle a été son influence sur le processus de libération de l’Algérie et la prise de conscience des peuples sous domination étrangère ? Sa pensée subversive a été occultée aux lendemains ambigus de la décolonisation par les peuples qu’il avait contribué à libérer.

La pensée de Frantz Fanon :

Quelle place donner aujourd’hui à sa pensée, toujours actuelle sous bien des aspects ? Bâtisseur d’Histoire ou bâtisseur de rêves ? Frantz Fanon fait partie de ces figures idéalistes dont l’illusion lyrique est le moteur de l’Histoire  — laquelle peut trahir leur rêve. Et quel est aujourd’hui l’héritage de la vie et de la carrière de ce révolutionnaire qui fut aussi un éminent psychiatre ? Le journal martiniquais en ligne Montraykreyol pose ainsi la question : « En cette date d’anniversaire de la naissance de Fanon, une seule question importe en fait : en quoi son oeuvre peut-elle nous aider à comprendre la situation glauque dans laquelle vit la Martinique aujourd’hui ? Qu’aurait-il pensé du cirque électoraliste de nos élus (es) de tous bords et du cirque noiriste d’une fraction de notre jeunesse ? Quelles voies, quels chemins de traverse, sa pensée pourrait-elle nous aider à emprunter pour tenter de sortir de l’impasse tragique dans laquelle se trouve la Martinique ? Impossible évidemment de répondre à des questions aussi graves dans le cadre d’un banal articulet de site-Internet… Les réponses se trouvent dans les écrits de Fanon et pas dans la « commémorationite » en tout cas. Il faut d’abord et avant tout lire et relire Fanon. Ses textes sont tous en livre de poche, chacun d’eux coûtant moins de 10 euros. Moins cher donc ou pas plus cher qu’un Big Mac complet chez McDo… »

Laissons encore résonner en nous les mots de Frantz Fanon : « Le Noir qui veut blanchir sa race est aussi malheureux que celui qui prêche la haine du Blanc »

 

Aujourd’hui, Matthieu Gama

Parution de l’essai : « Le jour où les Antilles feront peuple », préfacé par Ernest Pépin

L’Usine à rêves, le 10 juillet, indique la naissance de ce nouvel ouvrage, disponible en ebook sur Amazon, Kobo et iBooks , et qui nous parle de la quête identitaire, telle que vécue aujourd’hui aux Antilles : « Nous ne sommes pas peu fiers de vous présenter en exclusivité l’ouvrage de Matthieu Gama intitulé “Le Jour où les Antilles feront peuple”. Cet essai est né de l’Usine à rêves et par conséquent il appartient à tous les porteurs d’espoir de la Tribu des rêveurs ! Enfin un rêve qui se matérialise : c’est possible ! » Matthieu Gama nous avertit aussi : « Ils sont arrivés… les livres sont en vente au 38, Bd du Gal de Gaulle à Fort-de-France. Mais aussi à la Librairie Antillaise et à la Librairie Présence Kréole ».

Présentation de l’ouvrage sur Amazon :

Matthieu Gama se fait chantre de son peuple. Évoquant le besoin de résilience, qui pourrait mettre fin aux souffrances de la victimisation, il est le porteur d’espoirs !

« L’esclavage nous a appris à survivre, mais il nous a empêché d’apprendre à vivre en peuple ». C’est par ce terrible constat que Matthieu Gama pose la question fondamentale de l’ambition des populations des Antilles à faire peuple. 

C’est au travers d’une réflexion très personnelle que l’auteur partage sa vision de l’identité antillaise. Cette identité qui porte en elle le poids d’une histoire dramatique et le miracle de la résilience. Une pensée qu’il nous livre, en abordant avec clarté les concepts établis par d’éminents auteurs antillais, de Césaire à Fanon en passant par René Ménil ou Jacky Dahomay, mais également par des artistes plus contemporains. Cet ouvrage éclaire d’un jour nouveau la psyché antillaise, dressant, en trois actes, une analyse sans concession des réflexes comportementaux qui altèrent l’ambition collective au sein de la communauté antillaise, de l’époque esclavagiste à nos jours. 

Mais quelle est cette communauté ? Quel est donc ce « Nous » ? Comment des populations tant malmenées par l’Histoire pourraient-elles parvenir à se construire un Destin commun ? 

Loin de tout fatalisme, l’auteur délivre un manifeste empreint d’espoir, et nous propose sans prétention des pistes de désaliénation économique, sociale et psychologique, à l’échelle individuelle et collective pour une seule et même aspiration : celle de faire peuple. « Le jour où les Antilles feront peuple » est un formidable exercice de projection mentale dans un avenir radieux, tout aussi ambitieux que bouleversant, qui nous invite indubitablement à changer notre façon d’appréhender et considérer les Antilles françaises.

Présent hier soir, dimanche 19 juillet au journal télévisé de Martinique la Première, Matthieu Gama, avenant et serein, a répondu aux questions de ses interviewers. Écoutons ici quelques-uns de ses mots : « Nous les Antillais nous sommes les miracles identitaires de l’histoire du monde…  Nous venons de partout et dans le même temps, nous sommes d’ici. Nous sommes Antillais et nous sommes bien plus que la somme de nos souffrances passées et actuelles ».