Ondes et chants de la terre

— Par Christian Ruby —

Des Aborigènes d’Australie au Loiret, deux ouvrages permettent de confronter deux tentatives de réinvention de la civilisation à l’échelle des communautés locales.

Barbara Glowczewski étudie les peuples autochtones qui cherchent à survivre sous la pression de l’Etat moderne. Anthropologue, directrice de recherches au CNRS et organisatrice de séminaires à l’EHESS, elle travaille avec des Aborigènes d’Australie depuis 1979. Elle avait pensé intituler son ouvrage Glissements de terrains, tant le sol se dérobe sous les pieds de ces derniers. S’ils existent, tout entourés qu’ils sont de ruines laissées par la colonisation, c’est de se confronter à ce qui reprend son essor dans les mémoires vivantes de civilisations menacées. Réveiller les esprits de la terre s’enracine ainsi dans un appel à la solidarité de cette terre avec les humains et des humains entre eux.

Le bourg d’Amilly, quant à lui, est situé dans le Loiret à 3 km de Montargis, entre deux bras du Loing. Au terme de trente années de gestion municipale renouvelée, ses habitants cherchent à sauver les échos, les contacts, les interfaces entre les mémoires qui ont contribué à faire des arts de l’espace un village entièrement redéployé et vivant. Amilly est une commune qui se restructure « artistiquement ». Elle modernise ses bâtiments et réorganise son tissu social.
 
Barbara Glowczewski insiste sur les vertus des luttes contre la conception anthropocentrée du rapport à la terre. Mais elle produit aussi une critique du concept d’anthropocène. En ce sens, cet ouvrage participe des débats contemporains, et l’ethnologie y conquiert une place que peu lui laissent habituellement. Adoptant alors la narration Warlpiri, elle souligne que les esprits de la terre, de l’eau, de l’air sont en colère quand les humains ne respectent pas certaines lois d’équilibre qui sont à la fois sociales, environnementales et cosmologiques.

Elle appelle donc, dans un échange de termes bienvenu entre civilisations, à se mettre à l’écoute de la mémoire de la terre, que l’on habite l’Australie, la France, voire la Montagne limousine (où elle travaille), la ZAD de Notre-Dame des Landes en passant par la Polynésie et la Guyane française. Ce que l’on retrouve aussi à Amilly, dès lors qu’il s’agit de redonner une centralité au bourg, revitaliser des quartiers, penser les lieux selon des rythmes différents selon les saisons et les événements…

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  • Date de publication • 27 juillet 2021