Nourrir notre solidarité plutôt que nos divisions

— Par Christian Rapha, maire de Saint-Pierre —
La Martinique traverse depuis mars 2020 une crise sanitaire, comme le reste du monde. La Martinique est entrée le 22 novembre dans une grève générale à l’appel d’une intersyndicale.

Aux principales et premières revendications qui étaient de reporter ou d’annuler l’obligation vaccinale de certaines professions et le pass sanitaire, se sont ajoutées des revendications liées à la vie chère, à la jeunesse et à l’emploi.

La Martinique connaît depuis près de 10 jours des barrages routiers de jour comme de nuit, des incendies, des exactions de la part de certains, dont les motivations semblent très éloignées de l’abrogation de l’obligation vaccinale ou du pass sanitaire.

Les forces de l’ordre ont essuyé des tirs à balles réelles, et certains fonctionnaires ont été blessés, parfois grièvement. La population ne peut librement se déplacer, sauf à accepter de payer un droit de passage à certains barrages.

Des personnels médicaux ont été empêchés de se rendre sur leur lieu de travail, rackettés, insultés au point qu’une pétition a été mise en ligne, alertant sur la situation globale des malades (dont les insulino-dépendants, les malades du cancer…) mis en grande difficulté, voire en danger de mort, du fait des pertes de chance qu’induisent les barrages routiers et les entraves à la circulation. Cette pétition a d’ores et déjà été signée par 11 130 personnes (le mercredi 1er décembre). Je condamne fermement ces exactions et ces agressions, qui font de trop nombreux martiniquais des victimes collatérales d’une guerre qu’ils n’ont pas choisie. C’est pour cela que j’ai signé cette pétition.

Le virus continue à tuer sans pitié

A l’heure où notre pays semble s’enliser dans une situation économique et sociale dramatique, le virus, lui continue à tuer sans pitié.

1400 personnes sont mortes du Covid à l’hôpital et à domicile. 1400 décès, cela correspond à une personne sur 257 (1/257) rapporté à une population totale de 361 000 personnes. Si nous devions extrapoler à la population nationale, nous atteindrions le total de 260 700 personnes décédées du fait du coronavirus.

Le Covid a tué massivement et continuera inexorablement si nous ne lui opposons pas une parade radicale : gestes barrières, bien sûr, mais aussi vaccination. Aujourd’hui notre territoire est vacciné à 40%. Ce taux a progressé depuis août où il n’était que de 25%. C’est lent. Trop lent.

Dans le monde, 4 milliards de personnes sont vaccinées. Le docteur Romana (professeur de médecine, généticien, chef de service à l’hôpital Necker Enfants Malades, par ailleurs président de l’association CM 98, qui défend depuis 1998 la mémoire des victimes de l’esclavage) affirmait, très récemment, devant l’assemblée des maires de Martinique, que s’ils avaient été vaccinés en temps et en heure, plus de 400 Martiniquais auraient eu la vie sauve pendant la quatrième vague, responsable de l’hécatombe que notre pays vient de vivre.

En effet, des statistiques récentes établies sur la base de millions de personnes vaccinées, démontrent que la vaccination divise le risque d’infection par 5 et le risque d’hospitalisation et de décès par 10 ! En France, conformément aux préconisations de la Haute Autorité de Santé (HAS), la campagne pour une 3e dose a d’ores et déjà commencé, parce que l’effet du vaccin diminue avec le temps. C’est difficile à comprendre, mais, c’est ainsi.

Ce n’est pas une nouveauté. D’autres vaccins requièrent des rappels. C’est le cas entre autres du vaccin contre la grippe, des vaccins contre les infections invasives à Haemophilus influenzae b, mais aussi des vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, l’hépatite B, les infections invasives à pneumocoque, la rougeole, les oreillons… Le Covid nécessite des rappels, jusqu’à ce que les scientifiques trouvent la bonne combinaison thérapeutique entre vaccination et traitement médicamenteux. Nous leur faisons confiance pour cela.

Des consultations ont été entreprises par le Président du conseil exécutif de la CTM, des négociations ont également commencé entre l’Intersyndicale et le préfet ; le ministre des Outre-mer a rencontré tous les interlocuteurs et je m’en félicite, mais, à la table des négociations, il manquera toujours un acteur majeur de la crise actuelle, le véritable ennemi : le virus.

Il sera toujours temps de continuer à discuter pour trouver les réponses aux maux profonds de notre sociét, vie chère, précarité, chômage des jeunes, mal logement, addictions, violences envers les femmes, insécurité, circulation des armes… selon la méthode qui aura été retenue : ateliers thématiques, avec calendrier de revoyure, engagement de l’État, de la CTM, des maires, des élus, ou toute autre forme qui conviendrait à l’ensemble des parties. Mais l’urgence demeure : arrêter le virus. Le nouveau variant du Covid 19, B.1.1.5.2.9, autrement appelé Omicron, est dans le collimateur de toutes les instances de santé. Il a été repéré en Afrique australe et a déjà fait son apparition à la Réunion et sur le territoire européen. (…) Nous devons protéger nos familles, nous devons entendre les personnels hospitaliers qui ont été mis à rude épreuve depuis près de deux ans et au plus fort de la 4e vague en Martinique, les protéger, protéger l’hôpital. Nous devons aussi penser aux jeunes générations qui souhaiteraient reprendre une vie normale. C’est pourquoi, le virus doit rester notre ennemi public n°1 et nourrir notre solidarité plutôt que nos divisions.

Christian Rapha, maire de Saint-Pierre