Autonomie : la Convention du Morne-Rouge a cinquante ans.

Par Yves-Léopold Monthieux

L’introduction par le ministre des Outre-Mer du mot ”autonomie” en plein milieu du charivari sociopolitique a jeté un froid en Martinique et en Guadeloupe. Le gouvernement aurait-il décidé de larguer les Antilles ou est-ce simplement du chantage ? Qui, croyez-vous, s’en inquiètent ? Ce sont les autonomistes, eux-mêmes. Et les indépendantistes !

Retour en arrière, moins de dix ans après le vote de la loi de 1946, un bilan négatif de l’assimilation est acté par la Fédération communiste martiniquaise au sein duquel se trouve encore Aimé Césaire. La mise en œuvre de la loi avait été laborieuse et il avait fallu attendre 1948 pour lui connaître un début d’application. En réalité, cette transformation avait été surtout décidée pour des objectifs de géopolitique, la priorité étant de reconstruire le pays. A la Fédération communiste martiniquaise, dès le milieu des années 1950, l’idée d’autonomie se substitue à l’euphorie assimilationniste. Mais si l’autonomie sera incarnée par Aimé Césaire et le PPM, on doit au Parti communiste martiniquais (PCM) la date officielle de sa naissance à la Convention du Morne-Rouge, organisée par la municipalité communiste de cette commune les 16, 17 et 18 août 1971.

L’objectif de cette convention est de « définir institutionnellement, politiquement et économiquement » ce que peut être un statut d’autonomie au sein de la métropole. Quinze organisations politiques et syndicales y sont représentées, dont les partis communistes des 4 territoires et le Parti progressiste martiniquais. En cette période de relations turbulentes déclenchées par le départ de Césaire du PCF en 1956, la présence du PPM à cette convention ne manque pas de signification politique. D’ailleurs, c’est le secrétaire général du PPM qui porte la charge la plus dure contre la départementalisation. « Vingt-cinq ans plus tard, dit-il, la départementalisation est un échec, un leurre, un moyen pour la métropole de maintenir (le) système colonial ». L’objectif est identifié : « sortir le pays de son sous-développement colonial, réaliser un développement harmonieux, liquider les déséquilibres économiques et sociaux, répondre aux besoins et aux intérêts fondamentaux du peuple ». Cependant la résolution majeure est ambigüe, qui outrepasse le cadre de l’autonomie dans la métropole : « c’est la raison pour laquelle les partis et organisations signataires appellent tous les démocrates, tous les honnêtes gens de leurs pays à réaliser un front uni contre le colonialisme, pour la libération et le développement, quelles que soient leurs opinions philosophiques et religieuses. » Une convention pour l’indépendance ne se conclurait pas autrement. D’où la difficulté de distinguer, aujourd’hui encore, entre les argumentaires de l’autonomie et de l’indépendance. C’est en effet la faiblesse de l’idée d’autonomie que de se vouloir être à la fois le facteur de décolonisation et la confirmation du maintien dans la « métropole ».

Quoi qu’il en soit, le bilan n’est pas suffisant pour fêter le 50ème anniversaire d’une convention qui s’est voulu fondatrice. « Le chemin vers l’autonomie est ouvert », indiquait la Convention. A entendre les réactions et les silences qui font suite à la déclaration de Sébastien Lecornu, le moratoire semble en avoir durablement fermé le chemin. Bref, de la Convention du Morne-Rouge en 1971 au Moratoire de Césaire en 1981, l’autonomie n’aura connu que 10 années de vraie vie militante.

Fort-de-France, le 1er décembre 2021

Yves-Léopold Monthieux