Ne pas céder à la politique de l’offre pour manger autrement

— Par Gérard Le Puill —

La lecture  de « l’état des lieux »  fait par la FFAS  (voir nos deux articles précédents) nous indique que « 60 à 70% des protéines  alimentaires consommées en France proviennent  des produits animaux contre 30% à l‘ échelle mondiale». Pour réduire la part des protéines animales dans notre bol alimentaire, l’évolution des comportements individuels ne suffira pas. Car la politique de l’offre,  telle qu’elle fonctionne en France, pousse dans la mauvaise direction depuis des décennies.

Sachant  qu’un adulte de 70 kilos a besoin d’environ 70 grammes de protéines par jour, il peut les trouver en mangeant environ 100 grammes de poisson, 240 grammes de pain, 200 grammes de lentilles cuites, un yaourt et quelques fruits à coque.  Mais, à supposer qu’il ne mange que des bananes, il lui faudrait en ingurgiter une vingtaine de kilos pour avoir son compte quotidien de protéines. Pour la pomme de terre comme unique aliment, il faudrait une dizaine de kilos par jour. D’où l’intérêt  d’avoir des repas équilibrés  et diversifiés  dans lesquels la viande n’est pas indispensable tous les jours, si on  augmente notre consommation de légumes secs comme la lentille, le haricot, le pois chiche et la galette de soja.

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Car, nous dit le texte  de la FFAS, « l’association  de certaines familles de végétaux  dans le même repas  permet d’assurer des apports concomitants pour tous les acides aminés  indispensables. Il s’agit ici d’une  complémentation des protéines végétales. Ainsi, l’association  de céréales  et de certaines légumineuses permet de compenser  leur déficit respectif  en lysine  et en acides aminés soufrés. Cette technique  est largement utilisée en zootechnie pour l’alimentation animale. En alimentation humaine, l’association est traditionnelle  dans les pays où les modes alimentaires  ont peu recours aux produits animaux  (ex : maïs et haricots au Mexique, semoule et pois chiche  au Maghreb, riz et lentilles en Inde). En France, elle n’est vraiment indispensable   qu’en cas d’alimentation végétalienne, c’est-à-dire excluant  tous les produits d’origine animale », nous dit le texte.

Faisons la promotion des lentilles aux lardons

En France toutefois, les associations de légumineuses   et de certains produits carnés- trop peu utilisés de nos jours en cuisine-  mériteraient d’être promues  pour réduire le bilan carbone de nos assiettes. Avec des lentilles aux lardons,  tel jour de la semaine, il est possible d’avoir  son compte journalier de protéines. Cela faciliterait aussi la consommation de toutes les pièces de l’animal  quand on sait que la France importe beaucoup de jambon pour répondre à la demande des grandes surfaces  et doit brader beaucoup de lard jusqu’en Asie, du fait de la faible consommation intérieure de cette partie du cochon  dans lequel on a oublié que tout est bon. Car la politique de l’offre fondée sur la recherche du profit est devenue incompatible avec ce que pourrait être une information éclairée du consommateur dans son propre intérêt, comme dans le but de préserver la planète contre les effets dévastateurs de réchauffement climatique.

 Le texte de la FFAS aborde le sujet de la digestibilité  des protéines en ces termes : « Si la digestibilité iléale réelle des protéines végétales a fait l’objet de nombreuses études  chez les animaux monogastriques (porc), elles ont peu porté sur des aliments comparables  à ceux que consomment les humains. Généralement, les scores de digestibilité sont plus faibles pour les protéines végétales, de l’ordre de 85 à 90%  contre 95%  pour les protéines animales; cet écart  apparaît relativement faible  et sans doute négligeable  lorsque les apports  protéiques sont nettement supérieurs aux besoins».

Les effets bénéfiques de la complémentarité des deux protéines

En réalité, cette étude ne cesse  de mettre en exergue la complémentarité  entre  les protéines d’origine animale et d’origine végétale. En témoignent encore ces deux extraits : « Les aliments végétaux sont sources de nutriments spécifiques peu présents ou absents dans la plupart des    produits animaux (….) Les aliments d’origine animale, viande, poisson, lait,  apportent, eux aussi des nutriments  spécifiques, absents, en faible concentration ou avec une biodisponibilité  faibles dans les produits végétaux, auxquels s’ajoutent  principalement des lipides  et du lactose. C’est notamment le cas du fer de la viande, des minéraux  indispensables comme le zinc, l’iode, le calcium, des acides gras oméga 3 à longue chaîne.

Ajoutons pour finir ce que dit l’étude à propos du végétalisme  que certains parents croient devoir imposer à leurs enfants: «L’exclusion des produits d’origine animale du répertoire  diététique  des enfants  entraîne inexorablement  des carences nutritionnelles. Les produits  alimentaires d’origine animale  (viande, lait et poissons surtout)  constituent en effet les sources  principales de calcium, fer, zinc  et DHA et exclusives de vitamine B12. Leur éviction totale  du répertoire alimentaire  expose donc à des carences à une période de la vie où les besoins sont les plus élevés, carences à l’origine de séquelles à vie».

Voilà  qui a le mérite d’être clair et qui doit inciter à rechercher le meilleur équilibre possible  entre la consommation de protéines animales et végétales. En sachant aussi  que « les aliments d’origine végétale  contribuent à la prévention  des maladies chroniques  (maladies cardiovasculaires, diabète, cancers) grâce à l’ensemble  de leurs constituants  et notamment leur apport en fibres», nous dit encore le texte de la  FFAS.

Source : L’Humanité.fr