Ne creusons pas la tombe de nos enfants avec nos dents

— Gérard Le Puill —

Les incendies qui ont brûlé les forêts et les récoltes agricoles ces derniers mois dans plusieurs régions du monde sont des signes précurseurs de ce qui nous attend au cours des prochaines décennies. Ils doivent aussi nous interroger sur notre manière de manger. Avec une population mondiale qui aura quadruplé entre 1950 et 2050, consommer moins de protéines d’origine animale devient impératif. C’est ce que suggère un « Etat des lieux » effectué récemment par le « Fonds Français pour l’Alimentation et la Santé » dont nous rendons compte dans quatre articles successifs cette semaine .

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Le début de l’année est souvent utilisé pour prendre de bonnes résolutions diététiques, lesquelles sont parfois abandonnées en cours de route. En cette année 2020 une décision portant sur la modification de son régime alimentaire ne doit pas seulement viser une perte de poids, comme c’est souvent le cas. Nous vivons sur une planète qui compte 7,5 milliards d’habitants aujourd’hui contre 2,5 milliards en 1950. Nous pourrions approcher les 10 milliards en 2050, soit un quadruplement de la population mondiale en un seul siècle.

L’augmentation exponentielle des émissions de gaz à effet de serre est la principale conséquence de cette croissance rapide d’une population mondiale consommant de plus en plus d’énergie fossile pour produire sa nourriture comme pour se déplacer et se chauffer. D’où un réchauffement moyen de la température de la planète de +1°C depuis le début du XIXème siècle. D’où, aussi, cet avertissement des scientifiques du GIEC sur l’impérative nécessité de ne pas dépasser le seuil de +2°C, voire si possible +1,5°C, d’ici la fin du siècle en cours faute de quoi la situation risque de devenir ingérable.

Ce que nous disent les phénomènes climatiques extrêmes

Or nous avons dans de nombreuses régions du monde des phénomènes climatiques extrêmes qui provoquent déjà des dégâts considérables. Les récentes inondations dans le Roussillon nous le montrent. Avec la poursuite du réchauffement, la situation peut devenir incontrôlable. Les gigantesques incendies qui ont ravagé la Californie, la Sibérie, l’Amazonie et surtout l’Australie depuis des mois en sont l’illustration la plus préoccupante. Les feux de forêts de ces derniers mois dans ces quatre régions du monde ont, selon certaines sources, émis autant d’émissions de gaz à effets de serres qu’en émettent les Etats Unis sur douze mois, soit 14% des émissions annuelles.

Nous voyons aussi que la vulnérabilité d’un pays aux incendies résulte pour une bonne part de quelque décennies de production intensive de céréales et de viande pour l’exportation, plus que pour nourrir les populations locales. Cette agriculture intensive tournée vers l’exportation fonctionne aux Etats Unis, en Amérique du sud, en Australie et dans plusieurs pays européens avec des filières agricoles beaucoup trop spécialisées. C’est notamment le cas de la France pour les céréales, le cas de l’Espagne pour les fruits et légumes, celui des Pays Bas pour la viande et les produits laitiers. Aux Pays Bas, la viande et le lait proviennent d’élevages concentrés tandis qu’une une trop grande partie des aliments du bétail est importée.

Voilà pourquoi notre régime alimentaire doit aussi changer. En France, comme dans la plupart des pays développés, nous consommons deux tiers de protéines d’origine animale pour un tiers de protéines d’origine végétale. Pour contribuer à freiner le réchauffement global, il nous faudra réduire la part des protéines d’origine animale dans notre alimentation quotidienne en augmentant parallèlement la part des protéines végétales. En ce début de XXIème siècle, chaque Français consomme en moyenne 1,7 kilo de légumes secs (lentilles, haricots secs, pois chiches ) par an contre 7 à 8 kilos un siècle plus tôt.

Les préconisations raisonnables du « Fonds Français pour l’Alimentation et la Santé »

Dans un « Etat des lieux » d’une vingtaine de pages publié sur le sujet en octobre 2019, le « Fonds Français pour l’Alimentation et la Santé» écrit dans son résumé publié en première page : « En France, comme dans la plupart des pays occidentaux, les apports alimentaires entre protéines animales et protéines végétales sont voisins d’un rapport de 2 pour 1. Un rapport plus équilibré, proche de 1 pour 1, est recommandé afin de réduire les conséquences pour la santé qu’induit une consommation excessive de l’une ou l’autre des sources de protéines alimentaires.

Sur le plan environnemental, la production d’aliments vecteurs de protéines animales a des conséquences souvent soulignées comme étant négatives. Cependant, des points positifs, par exemple en termes de services éco-systémiques, sont également à mettre en avant. Par conséquent, une baisse raisonnable des consommations protéiques d’origine animale est recommandée, plutôt qu’un objectif d’éviction. L’exploitation des synergies entre productions végétales et animales à l’échelle d’un territoire constituera un des leviers majeurs pour l’établissement de systèmes alimentaires sains, sûrs et durables, assurant la sécurité alimentaire des populations tout en permettant la maîtrise des impacts environnementaux», nous indique ce texte .

Source : L’Humanité.fr