« Moonlight » : noir et gay, la fin d’un tabou

— Par Nicolas Schaller —

Dans « Moonlight », qui vient de recevoir l’Oscar du meilleur film, Barry Jenkins déconstruit avec grâce les préjugés hypermachistes de la culture hip-hop afro-américaine. Entretien.

Trois temps dans la vie de Chiron, jeune Black de Liberty City (Miami), de l’enfance à l’âge adulte : « Moonlight », sacré Oscar 2017 du meilleur film, ne serait qu’un récit d’apprentissage de plus s’il n’était aussi et surtout celui d’une romance homosexuelle refoulée. Une coming-of-age story du coming out, dirait-on à Hollywood. Ou comment le déterminisme social et les codes de son milieu transforment un gamin du ghetto en ce qu’il n’est pas avant que l’amour ne le libère. Tiré d’une pièce de théâtre autobiographique de Tarell Alvin McCraney (« In Moonlight Black Boys Look Blue »), « Moonlight » est un objet de cinéma unique, l’un des plus beaux de ce début d’année. Comme un point final idéal à l’ère Obama.

Entretien avec son réalisateur, Barry Jenkins.

Votre film semble le premier à traiter aussi frontalement de l’homosexualité dans la communauté afro-américaine. « Moonlight » a-t-il été compliqué à monter ?

C’est terrible à dire mais je n’ai pas rencontré tant de difficultés que ça. J’avais à mon crédit un premier film, « Medicine for Melancholy », tourné pour seulement 13.000 dollars et que les gens de Plan B, la société de Brad Pitt, avaient apprécié. Le hasard aidant, je me suis retrouvé au Festival de Telluride pour animer le débat autour de « 12 Years a Slave » en même temps que Brad Pitt, présent en tant que producteur. Quand il m’a demandé sur quoi je travaillais, je lui ai parlé du scénario de « Moonlight » que je venais de terminer. Je n’ai donc pas vraiment ramé.
A côté de ça, vous avez raison, le cinéma afro-américain mainstream ne parle pas des gays. A tel point qu’on était incapables de savoir s’il existait un marché pour « Moonlight ». Certains réalisateurs abordent le sujet mais ils travaillent à la marge, dans un circuit très indépendant. Je pense, par exemple, à Patrik-Ian Polk et à son film « Blackbird ». « Moonlight » a très bien marché aux Etats-Unis au regard de son budget. Cela va-t-il permettre à d’autres projets sur des Afro-Américains homosexuels de voir le jour ? J’en doute….

 

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