« Monsieur le président, graciez Jacqueline Sauvage ! »

jacqueline_sauvageUne pétition demandant la grâce de cette femme condamnée à la prison pour avoir tué son mari violent a dépassé les 210 000 signatures. Parole 
à l’une de ses instigatrices, une militante féministe qui appelle à une grande mobilisation populaire contre les violences faites aux femmes.

Elles sont quatre : Lamia, Véronique, Carole et Karine. Quatre citoyennes choquées, comme tant d’autres, par le verdict prononcé au nom du peuple français par la cour d’assise du Loir-et-Cher, le 3 décembre dernier, à l’encontre de Jacqueline Sauvage. Cette femme de soixante-huit ans a été condamnée à dix ans de prison pour avoir tué son mari violent, après quarante-sept ans de coups et d’abus sexuels sur elle et ses enfants. Choquées, les quatre femmes décident de façon totalement spontanée, et en dehors de tout cadre collectif, de lancer une pétition sur Internet et les réseaux sociaux pour demander à François Hollande qu’il accorde sa grâce à cette femme qui a connu toute sa vie l’enfer. Elles fusionnent donc leur texte, qui a recueilli 218 707 signatures en moins de quatre semaines. Avant les vœux présidentiels, nous donnons la parole à l’une d’entre elles, Karine Plassard, adhérente d’Osez le féminisme !.

 Quels sont vos vœux pour 2016 ?

Karine Plassard Nous demandons au président de la République qu’il accorde la grâce présidentielle à Jacqueline Sauvage. Elle doit pouvoir sortir vite de sa cellule, et retrouver ses enfants, ses petits-enfants, et essayer de reprendre une vie normale. Nous avons été choquées, comme beaucoup de femmes, par ce verdict qui ne prend pas en compte la souffrance et le calvaire endurés par cette femme et ses enfants pendant quarante-sept ans et qui a abouti à l’assassinat de celui qui était son bourreau. Son geste, pour nous, est un acte de survie. On ne peut pas reprocher à cette femme, comme ce fut le cas lors du procès, de ne pas avoir quitté le domicile, de ne pas avoir déposé plainte, sans s’interroger sur l’omerta qui a régné autour de cette violence. C’était de la non-assistance à femme en danger.

Peut-on remettre en cause une décision 
de cour d’assise ?

Karine Plassard Le jury a estimé que les agissements de Jacqueline Sauvage ne relevaient pas de la légitime défense car ils ne répondaient pas, de façon proportionnée et immédiate, à une agression de son mari. Cela nous interpelle. Être victime pendant quarante-sept ans, ce n’est pas être victime de violence ? Quoi qu’il en soit, nous ne demandons pas un effacement du verdict ni de sa responsabilité, mais simplement une grâce, afin qu’elle n’exécute pas sa peine de prison. La place de cette femme de soixante-huit ans n’est pas en prison.

Comment expliquez-vous le succès fulgurant de cette pétition ?

Karine Plassard La sévérité de la peine a énormément choqué. Nous avons reçu 50 000 signatures durant le seul soir de Noël. Nous sommes actuellement à 218 000 signatures. Beaucoup de monde est interpellé par le décalage existant entre cette peine et celles prononcées vis-à-vis des agresseurs. Quand on en arrive à une telle situation, c’est aussi parce que la société dysfonctionne. C’est parce que les voisins n’ont rien dit, que les gendarmes n’ont pas agi, que l’environnement n’a pas détecté la situation. On ne peut condamner à dix ans de prison une femme qui n’a pas déposé plainte alors qu’aujourd’hui la société est incapable de la protéger, sans réfléchir à notre responsabilité collective sur le fait qu’il y ait encore 134 femmes qui ont succombé sous les coups de leurs conjoints, en France, en 2014.

La ministre de la Justice a annoncé qu’elle ferait des instructions aux parquets…

Karine Plassard Sur le papier, il y a une multitude de dispositifs existants. Mais les moyens mis à disposition restent insuffisants. Il y a encore trop peu de structures d’hébergement spécifiques pour ces femmes victimes. Elles quitteraient le domicile conjugal si elles savaient où elles peuvent aller, si elles savaient qu’elles sont prise en charge. Aujourd’hui, le parquet met à leur disposition un téléphone avec un bouton d’appel relié directement à la police. Il y en a six pour toute la région Auvergne… Cette question relève de la responsabilité des pouvoirs publics, mais aussi de l’ensemble des citoyens et des citoyennes. Un nouveau rassemblement de soutien à Jacqueline Sauvage est organisé à Paris le 23 janvier. C’est important que beaucoup de monde descende dans la rue, en plus de signer la pétition en ligne. L’Espagne a la meilleure loi-cadre sur la question des violences faites aux femmes. L’an dernier, ils ont eu 48 décès de femmes victimes de violences. Ce n’est pas un hasard. Le 7 novembre, ils étaient 500 000 dans les rues de Madrid pour dénoncer ce fléau et faire bouger les choses.

Karine Plassard est Militante féministe 
de Clermont-Ferrand

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Signer la pétition

 

Publié sur l’Humanité.fr