Mini Miss : des concours pas si innocents !

par Huguette Bellemare.

 

—Nés aux USA, passés ensuite en France, les concours de mini miss ont débarqué chez nous. Malgré les affirmations des organisateurs, ils soulèvent de nombreux problèmes.

D’abord, il n’est pas vrai qu’ils soient très encadrés. En effet, ils s’adressent à des enfants de 4 (en France 6 !) à 12 ans. (Et les 13-17 ans ? accéderaient-elles directement aux concours pour « adultes » ?!) Par ailleurs, ces petites filles défilent dans des attitudes et des tenues sans rapport avec leur âge : mains sur la hanche, hauts talons, maquillages plus ou moins discrets, plumes, paillettes, tulle, bustiers… Certes, sont exclus pour le moment faux ongles, faux cils, faux cheveux, fausses poitrines, fausses dents… comme aux USA, mais pour combien de temps encore ?

Ce n’est pas vrai non plus que c’est un jeu. Quelques petites candidates présentent sur les photos des traits franchement tirés. En effet, pendant les deux mois de préparation (au moins), leur emploi du temps n’est pas non plus de leur âge : mondanités (y compris le soir), séances de travail : promotion dans des boutiques, photos, apprentissage de chorégraphie, de maintien… Et puis, en apothéose, une finale longue et éprouvante. (Et le travail scolaire pendant tout ce temps ? Et la législation sur le travail des enfants ?)

Ce n’est pas vrai davantage que ce sont les petites filles qui souhaitent concourir. Il n’y a qu’à regarder les reportages pour s’apercevoir que les mères s’investissent entièrement dans ces concours : elles préparent les discours, soufflent les réponses lors des interviews, suggèrent les attitudes et poses, sont présentes en coulisses, « essuient quelques larmes » – larmes de triomphe ou de chagrin, d’humiliation ou d’indignation, venant d’elles et/ou de leur fille … Poussent « leur pouliche » sur la scène, puis de concours en concours, jusqu’à « miss Martinique »… ou  « mieux » ! 

Citons enfin pour mémoire – et pour rire ! ceux qui prétendent que ces concours forgent la personnalité ou qui avancent des arguments patriotiques du genre « promouvoir la culture martiniquaise » et même  « la Martinique » tout entière !

En réalité, les organisateurs ne sont mus ni par la philanthropie, ni par le patriotisme, mais tout simplement par la recherche de profits juteux ! Pour preuve la multiplication de ces concours, les guerres entre les comités, les prix d’entrée pratiqués : en Martinique, 20€ en prévente, 30 sur place et 10 pour les moins de 12 ans ! (Sans compter le « bizness » autour : certaines robes pouvant atteindre, paraît-il, le millier d’euros et même davantage !) Ils exploitent sans scrupules la crédulité – et les modestes moyens – des mères qui, en ces temps de chômage, rêvent d’offrir à leur fille une « chance » qu’elles n’ont pas eue.

Peu leur importe les conséquences psychologiques : les ravages dans la personnalité à peine formée de ces petites filles. On leur vole leur enfance, on leur apprend à se soumettre au jugement de n’importe qui, à ne s’intéresser qu’à leur apparence physique, à ne compter que sur leur charme, à considérer les autres filles comme des rivales… Et après, on affirme que les filles (et donc les femmes) sont naturellement dépendantes, frivoles, coquettes, séductrices, narcissiques, incapables de s’entendre entre elles… Comme dirait Simone de Beauvoir, ce n’est pas parce qu’elles sont nées ainsi qu’elles se présentent aux concours, mais parce qu’on les présenteà ces concours qu’elles deviennent ainsi !

La société aussi pâtit de tout cela. Le malentendu (et l’apartheid) entre les sexes s’accroît : les garçons méprisent les filles de se soumettre à ces concours où eux ne veulent pas se « rabaisser » (selon les propres mots d’un des organisateurs !) tandis que les petites filles sont formatées pour devenir des objets sexuels dédiés au plaisir masculin. Cela contribue à la dégradation de l’image de la femme. L’espace public est hypersexualisé avec toutes les dérives que nous avons déjà dénoncées et dont nous pâtissons, hommes et femmes.

Il est urgent que les autorités, à tous les niveaux, assument leurs responsabilités dans la protection de l’enfance et interdisent ces concours (car, nous l’avons vu, les mesures d’ « encadrement » sont des leurres). Que les associations de défense des enfants protestent contre leur organisation. Que les féministes – femmes et hommes – continuent de les combattre. Que les parents prennent conscience des dangers qu’ils présentent et refusent d’y exposer leurs enfants.