Un documentaire de Johanna Bedeau | 59 minutes | Disponible sur France.tv
Quand dénoncer l’inceste devient un crime aux yeux de la justice.
En France, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, soit un toutes les trois minutes. Pourtant, lorsqu’une mère dénonce des faits d’inceste commis par le père de l’enfant, la justice ne la croit pas toujours. Pire : dans de nombreuses affaires, elle l’accuse de manipulation ou d’aliénation parentale.
Dans Mères en lutte, la réalisatrice Johanna Bedeau suit le combat de trois femmes — Pauline, Cynthia et Virginie — qui, après avoir tenté de protéger leurs enfants d’agressions sexuelles intra-familiales, se retrouvent condamnées pour non-représentation d’enfant, privées de garde, et parfois même poursuivies pénalement.
Un système à rebours de sa mission
Plutôt que de déclencher la chaîne de protection attendue — signalement, expertise médicale, protection de l’enfant —, ces mères voient le système judiciaire se retourner contre elles. La parole des enfants, pourtant appuyée par des éléments médicaux, psychologiques, ou des témoignages concordants, est souvent reléguée au second plan, considérée comme suspecte parce qu’elle viendrait de la mère.
La justice, par peur d’instrumentalisation ou en invoquant un prétendu « conflit parental », maintient parfois des droits de visite voire une garde partagée avec le parent agresseur. Certaines mères, comme Pauline, ont dû remettre leur fille à son agresseur pendant trois ans, avant d’obtenir gain de cause — au prix d’un combat juridique exténuant.
Témoignages rares et puissants
Aux côtés de Pauline Rongier, avocate experte des violences faites aux femmes et aux enfants, et de Édouard Durand, juge des enfants et ancien coprésident de la CIIVISE (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), le documentaire met en lumière des affaires emblématiques d’un dysfonctionnement structurel.
Les récits de Virginie, Pauline et Cynthia, recueillis avec pudeur, dessinent les contours d’une violence invisible : l’effacement institutionnel des mères protectrices et le refus de reconnaître pleinement la parole des enfants. À travers leurs mots, leurs regards, leurs silences aussi, se révèle une machine judiciaire qui isole, culpabilise, et parfois condamne celles qui veulent simplement protéger.
Une œuvre engagée, un cri d’alerte
Dans sa note d’intention, Johanna Bedeau dénonce « un système défaillant qui aggrave les violences qu’il était censé prévenir ». Spécialiste des violences sexuelles et de l’inceste, la réalisatrice tire ici la sonnette d’alarme face à un phénomène systémique que la CIIVISE a mis en lumière à travers des milliers de témoignages.
Mères en lutte est un documentaire puissant, urgent et nécessaire, qui appelle à repenser les réponses judiciaires face aux violences incestueuses et à former les magistrats au psychotrauma et à ses manifestations.
À voir absolument sur France.tv jusqu’au 15 avril 2026
Une production 416 PROD, avec le soutien de la Région