Mathieu Grégoire : « Il existe un modèle alternatif plus juste et moins coûteux »

—Entretien réalisé par M.-J. S.—
clownsQue répondre aux arguments employés depuis des lustres qui consistent à dire des intermittents qu’ils sont des privilégiés, qu’ils coûtent chers ?
Mathieu Grégoire. Que ce n’est pas la réalité. Même s’ils bénéficient d’un régime plus adapté à l’intermittence 
de l’emploi, les intermittents 
ne sont pas des privilégiés. 
Ils sont 3,5 % des allocataires 
et représentent 3,4 % des dépenses. Bref, rien d’extravagant. Mais 
l’idée est profondément ancrée. 
Le Medef et une presse à scandale les stigmatisent pour leur prétendu « déficit » d’un milliard d’euros. Pourtant rien n’est plus normal, dans le cadre d’une assurance – a fortiori quand il s’agit d’une assurance sociale – que certains présentent des excédents qui compensent le solde négatif de ceux
qui éprouvent le risque assuré 
et reçoivent plus d’allocations qu’ils ne cotisent. C’est le principe même de l’assurance ! Même si 
la bataille a été longue tant 
les idées préconçues ont la vie 
dure, cette évidence est aujourd’hui un fait largement admis… même par Laurence Parisot dans 
une tribune parue lundi dernier dans les Échos.

Pour le Medef, le débat est-il juste 
un débat comptable ou idéologique ?
Mathieu Grégoire. Les deux. 
C’est une lutte économique 
parce qu’il est évident que priver une partie de la population 
de couverture chômage est une source d’économie. Les attaques contre le système de protection sociale, fondée sur la cotisation sociale, sont le meilleur 
moyen de faire baisser la masse salariale globalement versée 
aux salariés. C’est aussi un enjeu 
politique et idéologique dans la mesure où les intermittents constituent un fâcheux exemple 
de « flexisécurité » dans lequel 
la sécurisation de la flexibilité 
passe par une socialisation 
du salaire, c’est-à-dire par 
un revenu financé par 
les employeurs mais déconnecté 
de la subordination à un employeur ! 
Et ça, ce n’est pas prévu par 
la flexisécurité à la mode néolibérale.

Comment analysez-vous 
cet acharnement à ne pas trouver 
de solutions pérennes 
(et moins coûteuses) de la part 
des gestionnaires de l’Unedic 
(Medef et CFDT) ?
Mathieu Grégoire. Je ne me l’explique 
pas vraiment. Des propositions des intermittents et de leurs organisations sont sur la table. Comme l’a montré un rapport, rédigé pour le Syndeac par Olivier 
Pilmis et moi-même, elles permettraient de revenir à des règles d’éligibilité plus raisonnables que celles imposées en 2003, d’avoir un régime qualitativement supérieur, c’est-à-dire moins générateur d’incertitude et d’irrégularité des revenus, et considéré comme plus juste par les intermittents. Notre rapport montre qu’avec des paramètres qui semblent acceptables pour les organisations du comité de suivi, ce modèle alternatif n’est pas plus coûteux.

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