Le pluralisme sélectif de Marinique la 1ère

On trouvera ci dessous un échange de lettres entre Philippe Pierre-Charles, tête de liste de la section Fort de France de la liste R.ESP.É et Philippe Sans, Rédacteur en chef Télévision et Radio Martinique, à propos de la place respective accordée aux différentes listes candidates aux élections territoriales. Y aurait-il donc des « petites listes », moins légitimes que d’autres?

L’ordre règne à la tour Lumina!

Lettre ouverte à Martinique la première, de Philippe Pierre-Charles, tête de liste de la section Fort de France de la liste R.ESP.É

Monsieur le rédacteur en chef de Martinique la première,

Mesdames et Messieurs les responsables de cette station .

La place très particulière occupée dans le paysage audiovisuel de la Martinique par votre média, est sensée vous imposer une impartialité rigoureuse en particulier lors des échéances électorales comme celle dont nous sommes aujourd’hui à quelques jours. Nous nous permettons à ce titre de vous interpeller sur le traitement que vous continuez à réserver à la liste RÈSPÉ conduite par MARCEL SELLAYE.

Contrairement à beaucoup d’autres, notre liste n’a jamais pu bénéficier de la couverture d’une seule de ses réunions publiques.

Le samedi 12 juin, je signalais cette curiosité insolite à Monsieur Philippe SANS tout nouveau rédacteur en chef de la station. Ce dernier nous avait été présenté comme très soucieux de faire régner l’équité dans l’accès des différentEs candidatEs à l’expression à cette » grande » station. Un espoir malpapay semblait même pouvoir être caressé. Un changement radical dans cette station aurait pu avoir un effet de contagion sur sa principale concurrente ATV.

Le film du week-end est éclairant sur la valeur de cette illusion.

Retour sur image !

Dimanche 13 juin vers 9h30, une journaliste m’appelle pour me demander de montrer la liste en campagne dans un lieu « pas loin de Fort de France ». Quelques minutes plus tard, nous rappelons pour proposer un cadre : une prise de parole de RÈSPÉ devant le marché de l’Asile à Fort de France.

Quatre camarades se rendent donc au lieu du rendez-vous et commencent à s’adresser à la population présente par tracts, échanges verbaux et prise de parole au micro. Il se trouve qu’une autre liste distribue des tracts dans les environs.

Après cette action éclair, nous appelons à nouveau le directeur de publication. Nous nous étonnons de la légèreté de la méthode et lui confirmons notre demande de couverture d’une de nos conférences, en l’occurrence celle du lendemain le lundi 14 juin à Fort de France.

Mr Sans, reconnaît alors notre retard en temps de passage à sa station. Il tente de nous expliquer que les meetings, c’est ringard, qu’en France même ceux de Xavier Bertrand ne sont pas couverts, etc, etc. Nous lui répétons : ringard ou pas, nous réclamons d’être traités comme les autres. Il finit par promettre de faire couvrir la conférence du lundi 14 juin.

En réalité, il n’en a rien été. Aucune de nos conférences n’a donc été montrée jusqu’à ce jour.

À la place, le reportage sur l’action du samedi matin au marché de l’Asile achève d’illustrer la grande déontologie et la remarquable impartialité régnant dans ce média.

On y apprend que la liste RÈSPÉ est venue avec ses gros moyens empêcher une autre liste de s’exprimer. On y sélectionne une personne pestant contre tous les politiques, mais aucune des personnes du public disant du bien de la LISTE RÈSPÉ lors de cette même prise de parole n’est signalée malgré le constat fait par la journaliste de visu. La tête de section de Fort de France où se déroulent les faits, est interrogée, mais toute trace de son propos est enlevée dans le reportage. Une militante de la liste est bien entendue dans le sujet mais uniquement pour répondre aux propos anti politiques cités plus haut ! Au final, reportage orienté qui n’a point permis à notre liste de présenter la moindre once de son programme.

La conclusion faisant suite au reportage est de la même eau :  » ce n’est pas ainsi que les petites listes se feront entendre ». Les listes cataloguées  » petites » sont donc vouées par la grâce de nos impartiaux journalistes à… rester petites. En guise de temps de parole, pas question de rendre compte de ce qu’elles disent dans leurs conférences. Il suffit de les maltraiter dans des reportages donc qui seront bien entendu décomptés de leur temps de parole. Et le CSA bon prince se déclare satisfait.

À Martinique la première, c’est comme dans la vie en régime capitaliste et colonial : lè ou piti.. fok ou rété piti. L’ordre règne à la tour Lumina. Et vive la démocratie à Martinique la première !

Pour la liste RÈSPÉ conduite par MARCEL SELLAYE,

Philippe Pierre-Charles. Tête de section de la LISTE RESPÉ à Fort de France.

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Réponse à la lettre ouverte à Martinique la 1ère

de Philippe Pierre-Charles X

 

Monsieur Pierre-Charles,

Je suis assez surpris de votre lettre ouverte à mon attention et à celle des responsables de cette station, ainsi que des fausses déclarations ou intentions que vous me prêtez et surtout, chose encore plus grave à mes yeux, que vous prêtez aux journalistes de notre rédaction. Et de l’impartialité dont elle se doit de faire preuve.

Vous m’avez effectivement appelé le samedi 12 juin pour vous étonner qu’aucune réunion publique n’ait été couverte par une de nos équipes de reportages. Je vous ai d’abord rappelé que le 6 mai un reportage avait été fait et diffusé sur votre présentation de liste, et qu’il n’y avait aucune obligation de tourner un reportage pour chacune des 14 listes sur un meeting (ou réunion publique). Je vous ai pris en exemple les couvertures en cours de l’ensemble des élections régionales sur les médias. Je vous ai dit que si dans les années 80 la couverture des meetings était la règle rédactionnelle, aujourd’hui on cherchait beaucoup plus des « angles ». Que si vous regardiez les journaux actuels il n’y avait que rarement des meetings, et que même parfois des candidats importants (comme Xavier Bertrand ou autres Anne Hidalgo…) n’était pas forcément filmé en meeting. Je vous ai dit que certains téléspectateurs pouvaient trouver ces couvertures de meetings comme n’apportant rien et parfois même zapper, ce qui vous en conviendrez n’est pas le but recherché ni par un média, ni par un candidat. A aucun moment je n’ai promis de couvrir la conférence du 14 juin.

Dès le vendredi soir, nous avions fait le choix sur les jours à venir d’ici le 1er tour de privilégier certaines listes qui comptaient moins de temps de parole sur l’ensemble de nos trois médias (Télé-Radio et web). Votre liste était concernée. Dimanche matin, l’angle proposé en réunion de rédaction (parmi d’autres propositions) a été de suivre un dimanche de campagne au marché pour une ou deux listes. Vous avez donc été contacté (comme d’autres) par une de nos journalistes.

Contrairement à vos affirmations, ce sont bien deux militants de R.esp.é ! » (et non une seule) qui sont interviewés dans le sujet. Avec pour la première militante, une justification en interview de sa part de la réaction épidermique que peuvent avoir des passants face à des listes (les gens seraient déçus des promesses non tenues d’autres candidats ou élus).. Et pour le deuxième militant, un point de programme et justification de candidature de la liste.

Il n’y a eu à aucun moment intervention de ma part pour faire enlever une interview (de la tête de section ou autre personne), la journaliste construisant son reportage en fonction de choix divers rédactionnel et de déroulé de l’angle.

Contrairement aussi à vos affirmations, la conclusion du reportage ni même le retour plateau ne dit que « ce n’est pas ainsi que les petites listes se feront entendre ». Même si le qualificatif de « petites listes » a bien été employé de manière générique (et pas en citant votre liste de manière particulière) par la journaliste, le terme n’est nullement péjoratif. Il fait état d’une différence existant parfois entre différentes listes, sur le nombre de militants, les moyens…

Par contre, votre temps de parole a effectivement bénéficié de ce reportage qui, si vous écoutez bien à nouveau les interviews de vos deux militants, n’est nullement négatif puisque leurs propos expriment clairement un positionnement de R.esp.é sur la rancœur que peuvent avoir des citoyens à l’encontre d’élus ou de promesses non tenues, ainsi que sur la philosophie de votre candidature.

Je vous rappelle par contre qu’à travers les débats, les reportages et l’émission Sa zot ka di en radio, le débat du premier tour et reportages diffusés en télévision, sans oublier les articles parus sur notre antenne internet, Martinique la 1ère couvre largement l’ensemble des listes tout en restant dans la nécessaire neutralité.

Je tenais à vous rassurer sur le fait que nous entendons rester vigilants à l’expression de la diversité démocratique sur nos antennes.

Restant à votre disposition pour tout échange complémentaire,

Bien cordialement.

Philippe SANS, Rédacteur en chef Télévision et Radio Martinique

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Monsieur le rédacteur en chef de Martinique la première,

Votre réponse en date du 16 juin 2021 à mon courrier du même jour n’est qu’une grossière tentative d’échapper à une question simple et evidente: pourquoi notre liste est elle exclue de la possibilité de montrer ne serait ce qu’une de ses réunions publiques?

Vos explications sur l’intérêt ou pas de cet exercice démocratique, ne nous disent rien sur la discrimination dont nous sommes victimes.

Vous aviez à peine achevé votre démonstration condescendante que votre station nous donnait une nouvelle démonstration que la couverture des meetings n’est pas interdite pour tout le monde. Monsieur Yann Monplaisir vient d’en bénéficier une énième fois dans votre journal télévisé ! Alors que le sujet (votre fameux « angle ») c’est la compétition familiale entre lui et son frère, on voit son meeting, sa tribune, on entend ses propos sans contradicteurs et son public avec vue large et gros plans sur des visages hilares, heureux de participer à ce moment réjouissant. Ainsi donc le télespectateur manipulé par vous à tout le loisir de constater qu’il n’est pas une « petite liste », qu’il a des moyens et des militants (pour reprendre votre définition pédagogique de ce que serait une « petite liste » ), tandis que nous resterons aux yeux des mêmes téléspectateurs une « petite liste » puisqu’on ne peut pas apercevoir son public rassemblé pour l’occasion.

Mais vous faites mieux. Comme pour vous excuser de ne pas montrer un meeting du frère, votre journaliste prend la précaution de dire que lui ne fait pas de meeting ! Quel dommage !

Votre allusion à la couverture le 6 mai de notre présentation de liste ne fait qu’ajouter à l’hypocrisie du propos. La dite couverture réalisée sans public n’était qu’une mise en scène à laquelle nous avions consenti pour réparer la défaillance avouée de votre station qui n’avait pas daigné se présenter lors de la présentation faite la veille devant notre public de « petite liste » que vous vous êtes donc jusqu’au bout refusé de montrer.

Au lieu de vous excuser de cette anomalie inqualifiable, vous l’évoquez comme preuve de votre impartialité sans même vous rendre compte de ce que vous soulignez involontairement : depuis le 6 mai, début public de notre campagne électorale, vous n’avez strictement rien montré de notre campagne jusqu’au fameux reportage dont nous vous remercions de nous montrer gentiment à quel point il nous était bénéfique.

Quant à votre démenti concernant votre promesse de couvrir notre meeting de l’impératrice du 14 juin, ce sera visiblement votre parole contre la mienne mais vous comprendrez aisément que ma religion est faite quant à la valeur de la vôtre.

Recevez mes salutations distinguées.

Philippe Pierre-Charles, tête de liste du secteur Fort de France pour la liste R.ESP.É