Les Mains Vides

 Par Yves Untel Pastel —-

J’ai les mains vides
Pourtant j’irai aux champs
J’irai aux champs récolter la providence
En rivière de sueur sous un soleil brutal
J’irai recueillir tout ce que la vie
Veut bien offrir au travailleur

Au craquement de mes os rompus
Supportant les morsures de l’arthrose
À la déchirure de mes muscles meurtris
Usés comme lanières maintes fois battues
J’irai retourner, ensemencer, arroser,
L’humus tantôt aride, tantôt détrempé

J’ai les mains vides
Et la peau tannée de paysan besogneux
Fidèle à caresser ce ventre qui nourrit
Cette terre passée de main en main
Où les miens, tant et tant, ont trimé
Pour en accueillir chaque fruit

J’irai les mains vides
Mains labourées de crevasses,
Sans vaines paroles, ni jérémiades.
Comme un homme fait sa tâche,
Comme une femme porte sa charge,
J’irai, le dos brisé mais la tête bien levée.

Mais, alors, si un beau jour,
J’ai les deux mains bien pleines,
À la grâce du Bon Dieu tout-puissant,
Qu’aucun de ces gens profiteurs fainéants,
Point ne s’avise d’en prélever l’injuste impôt,
Ôtant ainsi le pain de la bouche de mes enfants.

Mes doigts soudés en un seul poing,
Tiendraient bien ferme le coutelas
Qui n’a jamais craint d’affronter
L’herbe scélérate ou la friche rétive.
Mes mains calleuses que d’autres méprisent
Sauront trancher les mains bien trop avides.

Non, Mesdames, Messieurs,
On ne joue pas avec les gains
De ceux qui n’ont, pour survivre,
Que leurs mains, leurs muscles,
Et l’effort rude et sans nul relâche
Qu’exige le pain qu’on arrache.