« Les Mains parallèles », de Frantz Fanon, m.e.s. Élie Pennont

Jeudi 29 mai à 19h, auditorium du Lycée Schoelcher
« Les Mains parallèles » est une réflexion sur l’action, la décision. Fanon se demande si un individu peut changer le cours de l’Histoire et à quel prix. Il dit l’importance de l’engagement actif et de la relation interhumaine pour le vivre ensemble.
La pièce offrira, à travers ce spectacle vivant, une expérience, un vécu puissant de l’esprit de FANON à tous les Martiniquais désireux de mieux connaître son œuvre. Ce texte vit étonnamment lorsqu’il est dit.

Argument :
Du néant à l’Être justifié
De l’être injustifié au Néant
D’où l’allure finie de l’expression.
Les rideaux sont fermés. Le chœur paraît.
Les faces prismatiques de mes mains anxieuses promènent leurs images au cœur de l’obscur. Des visages circulent en tranches parallèles et la génuflexion, centre de gravité de l’humaine nature, apaise. De date immémoriale, Lébos, d’implacables ténèbres cimentent les esprits.
Je viens abreuvé de sueur d’homme m’appuyer aux contreforts de cette ville. Las.
C’est pourtant de l’obscur que naît le spectacle ! La pensée humaine parvenue aux limites maximales ne peut qu’elle ne se transmue.
L’essentiel est d’empêcher le spectacle. Deux mille ans que le soleil a disparu. Cité de Polyxos, aveugle depuis deux mille ans, je m’arrête dans tes murs.
La lumière, source dissolvante, cède sa place à la parole. Car la parole ne s’altère d’aucunes visions.
Abreuvé de sueur d’homme, repu de visages circonflexes, j’étends sur le monde somnolent un manteau introué.
Ô Polyxos, tu fus sage le jour où par ton ordre les lumières furent éteintes.
Fixé dans ce non-spectacle l’homme endormi parle et s’oublie.
L’étrange, première prétention du regard, s’abolit aux portes de l’exprimable et la mer caresse le squelette de l’aventure.
Dors, ville qui m’est propice.
Bénie soit l’Obscurité
Car la lumière est terrible.
Les peignures du jour maussade ont disparu et le monde retrouve son originelle contingence…

Extrait :

Mais les mots m’évitent
la seule tragédie, le langage me bat la pensée
la mort me barre la route
mais le mot doit y chercher la vie
ne plus voir le blanc muet
la mort,
le vide affolant…
Un jour
Un jour et c’est l’amour
Un jour et c’est la mort.
Un jour et ma vie est arrachée de cette pesanteur.
Un jour et l’obscurité prudente de la vieillesse s’anéantit.
Un acte ! Je veux éclabousser le ciel enceint d’un acte vertigineux.
Mains parallèles, d’un acte nouveau faites retentir le monde empesé.
Un jour, un seul jour, l’homme a un jour à vivre.
Et un jour doit clore son existence.
Un jour
Un seul jour et c’est la mort.

La parole n’est plus le repos du monde.
La parole parvenue aux extrêmes volcaniques s’érige en
Acte.

Un langage hanté d’exaltantes perceptions.
Le soleil à regarder en face.
Un jour, un seul jour et c’est trop tard
Un jour,
Un acte et l’homme ouvre le cercle où s’enlise la conscience.
Paix aux dieux inutiles
C’est avec le sang que nous laverons nos morts.

Je parlerai
Je parlerai le baptême poursuivi
L’ablution existentielle
Je parlerai l’erreur fondamentale.
Je parlerai le crépuscule retourné
Je parlerai l’opulence de vos défaites.
Je parlerai vos raisonnements
Vos ardeurs émigrées à l’aube
Et moi, l’allumeur des mondes
Des mots ! des mots ! des mots !
Je cherche des étoiles à « ailer » la raison.
Je m’élabore
Surgi de la puissance de l’acte
Moi contestation absolue
Je meurs et ma mort m’est inconnue
Ne plus voir
Ne plus voir la mort
Le gouffre

Je vois ma vie vertigineusement

Attachée à l’acte
Ruée contre l’acte
Ma vie de cet acte élaborée
Ma vie dure, pesante
L’acte parvenu aux cimes éruptives
Ne peut qu’il ne s’absorbe
Un jour et la conscience saisie de soi se légitime
Un jour
Un jour et c’est la mort
Un jour et la question retombe inerte
Un jour et la conscience se suicide
Seul
J’exprimerai
Seul, je veux aller à l’abîme où s’enlise la conscience
Ah, le chemin est long qui conduit à l’homme !
Seul, j’irai aux portes ouvertes sur l’impossible certitude
Je m’élève
Acte sacrificiel
Le chemin est rude qui me conduit à moi-même
Ah
Ah, si je pouvais
Ah, si je pouvais ne plus flécher le monde, mais m’ancrer en son éternelle vacuité
Si je pouvais
Ah, si je pouvais
Mots arrachés de moi-même
Mots repus de mon sang répandu
Mots assassins
Si je pouvais
Langage habilité par l’acte, soulevez le monde
C’est nourris du spectacle que vous créerez d’absolues exigences

Si je pouvais

Astres hémorragiques qui me condamnez
Cessez !
Oh ! Ne plus voir
Ne plus voir le blanc muet
Ne plus voir la mort.