Les arrière-petits-fils d’esclaves martiniquais sont-ils les plus heureux de la terre ?

par Yves-Léopold Monthieux —

La Martinique et les Martiniquais d’origine africaine ont connu la déportation, l’esclavage, les insurrections dont celles de 1848 et 1870, l’expédition du Mexique en 1861, la grève de février 1900, l’éruption de la montagne Pelée en 1902, les départs vers le Panama et le Vénézuéla vers 2010, la guerre 1914 – 1918, la marche de la faim de 1936, la guerre 1939 – 1945, l’Amiral Robert, 1939-1945, (la dépendance au ” biscuit américain” et la menace d’envahissement de Fort-de-France par les USA), la départementalisation – assimilation de 1946, les évènements du Carbet, de Bassignac et de Basse-Pointe entre 1948 et 1950, les morts de décembre 1959, l’ordonnance d’octobre 1960, les morts du Lamentin en 1961, l’OJAM en 1962, le BUMIDOM en 1963, la grève de février 1974, le traumatisme du chlordécone, la grève de février 2009, les incidents de 2021 liés au covid, la revendication en cours contre la vie chère, déclenchée par le RPPRAC en 2024.

Que de chemin de croix parcouru par les Martiniquais et la Martinique depuis la déportation d’Afrique, de la guerre pour la liberté et contre la faim jusqu’aux batailles pour la consommation ! D’où les soucis de riches, de surabondance en matière de gestion des déchets, en plus des tares communes à tous les peuples : des inégalités entre riches et pauvres, entre fonctionnaires et non fonctionnaires, entre sachants et non sachants, entre actifs et non actifs. En effet, les arrière-petits-fils d’esclaves martiniquais pourraient bien, avec leurs semblables des autres territoires d’Outre-Mer, se vanter de détenir les moins pauvres des plus pauvres du monde ; se retrouver parmi les plus grands consommateurs de la terre ; posséder le calendrier de divertissements le plus rempli de la planète ; finalement, constituer les arrière-petits-enfants d’esclaves les plus heureux de la terre.

Mais telle est la leçon de la fable de La Fontaine, Le Loup et le Chien, qu’importe l’abondance pour le premier si, au prétexte de “continuité territoriale”, il devrait se retrouver l’esclave de la source d’abondance ! Le loup s’était enfui à la seule vue du collier que portait le chien. Tandis que pour la Martinique, le choix n’est pas fait, la contradiction n’est pas levée. Ni par les élus qui conjuguent sans angoisse rupture et allées-venues en Métropole. Ni par le RPPRAC qui, sur l’air endiablé de “Ici nous sommes chez Nous”, voudrait consommer en Martinique comme à Paris, au prix de Paris. Ni enfin par la population qui est prise dans ce triangle des Bermudes et ne sait pas comment s’en sortir.

En ce vendredi 14 février 2025, entre la Saint-Valentin et le souvenir de Chalvet 1974, quelle aura été le symbole le plus mobilisateur ?

Fort-de-France, le 14 février 2025