L’éphéméride du 6 février

Le reportage « Les derniers maitres de la Martinique », dans lequel un de ces descendants de colons blancs affirme que les historiens ne s’intéressent pas « aux bons côtés de l’esclavage » est diffusé en pleine crise sociale le 6 février 2009

C’est un reportage qui fait grand bruit, dans une Martinique en pleine crise sociale, en grève depuis huit jours « contre la vie chère ». Diffusé vendredi 6 février par Canal+, Les Derniers Maîtres de la Martinique, est un reportage de Romain Bolzinger sur les héritiers blancs des premiers colons installés sur l’île avant la Révolution Française.

Alain Huygues-Despointes, un des « békés » interrogés, regrette que les historiens ne s’intéressent pas « aux bons côtés de l’esclavage » et explique « vouloir préserver sa race ». « Quand je vois des familles métissées avec des Blancs et des Noirs, les enfants naissent de couleurs différentes, il n’y a pas d’harmonie », déclare-t-il.

Dans un communiqué en date du 2 février, envoyé à toutes les rédactions locales, M. Despointes affirme que ses propos ont été « sortis de leur contexte » et qu’ils ne reflétaient « en rien ses convictions profondes » sur l’esclavage, « un passé honni ». Il présente aussi ses « sincères regrets » à ceux qui ont été « blessés ».

« Parfaitement ignobles »

Pour autant, Yves Jégo, le secrétaire d’Etat à l’outre-mer, a jugé jeudi « parfaitement ignobles » ces propos. « On a des lois qui interdisent ce genre de choses dans la République », a souligné Yves Jégo sur Europe 1, ajoutant que le parquet de Martinique avait ouvert une information judiciaire pour « apologie de crime contre l’humanité et incitation à la haine raciale. »

Sur son site Internet, le quotidien Le Parisien met en évidence une autre conséquence des propos de l’entrepreneur : le déménagement du préfet Ange Mancini, qui a a quitté son logement – appartenant à la famille Despointes – pour s’installer à l’hôtel. Dans le même temps, des gendarmes ont été déployés au Cap-Est, la principale zone de résidence des békés – estimés entre 1 % et 2,5 % de la population martiniquaise.

« Il y a des békés au chômage’

Les manifestations d’hostilité contre les békés se multiplient : des appels au boycott, circulant sur Internet et par SMS, ont été lancés contre des produits commercialisés par leurs enseignes. « La Martinique est à nous, la Martinique c’est pas à eux » est l’un des slogans des manifestants qui campent toute la journée sous les fenêtres de la préfecture, promettant à cette « bande de profiteurs et voleurs » de « les mettre dehors ».

Dans France Antilles, mercredi, deux membres de la famille Hayot, une autre famille békée, se désolidarisent totalement des déclarations de M. Huygues-Despointes, affirmant ne pas « se reconnaître dans ce qui a été dit ». Également interrogé par le quotidien, Eric de Lucy de Fossarieu et Roger de Jaham, deux figures du monde béké, estiment que le reportage de Canal+ est « un travail affolant de désinformation et de nuisance ». Et d’assurer : « la communauté békée reflète la société martiniquaise. Il y a des békés smicards. Il y a des békés au chômage… Les békés ne sont pas tous chefs d’entreprise agricole sous leur véranda. C’est fini ça ».

Mais en ces temps de crise, le reportage n’en finit pas d’échauder les esprits, reflétant, selon l’écrivain Patrick Chamoiseau, une « animosité diffuse qu’on aurait tort de sous-estimer ».

Sur Internet, des Martiniquais ont cependant choisi de traiter cette polémique par l’humour : un site a mis en ligne une vidéo intitulée Welcome to Cap-Est, parodiant Les Derniers Maîtres de la Martinique.

Les traîtres de la Martinique parodie bobi production!!
par bobiandjaks

Source : LeMonde.fr