L’éphéméride du 12 avril

Le Grand Prix des Antilles est décernée à Mayotte Capécia pour son roman autobiographique « Je suis une Martiniquaise » le 12 avril 1949

Malfamée mais sauvée de l’oubli grâce à Frantz Fanon, Etiemble et quelques admirateurs parisiens qui l’aidèrent à écrire, Mayotte Capécia ne fut identifiée qu’en 1993 pour le monde des lettres.

Née au Carbet (Martinique) d’une mère célibataire, en 1916, Lucette Céranus Combette ne fit jamais d’études et travailla comme sa jumelle dès l’âge de quatorze ans à Fort-de-France dans une chocolaterie puis géra de petits commerces. Mère à dix-sept ans, et deux fois par la suite, sa passion pour un lieutenant de marine protestant et pétainiste fournit la trame d’un premier roman tandis que le second est axé sur l’inconfort du métissage à l’aube de «la Négritude». Elle se fit reconnaître par son père et s’embarqua pour la France en 1946.

Les deux romans de Mayotte Capécia sont des créations collectives, en partie inspirées du journal du lieutenant. Elle réussit, grâce au bon accueil de son premier livre, à faire venir ses enfants et sa jumelle en France, mais elle fut atteinte d’un cancer et mourut dès 1955.

– Christiane Makward => Lire Plus 

Considérée comme la première femme de couleur à raconter sa vie, Lucette Combette – de son vrai nom- est un bel exemple d’intégration ultramarine dans la France d’après-guerre. Son œuvre sera dénoncée par Frantz Fanon comme l’expression d’un  » complexe de lactification » tandis que René Maran ( Goncourt 1921) y voit une analyse impartiale du « problème des relations interraciales »

Lire aussi : Frantz Fanon, Lafcadio Hearn et la supercherie de « Mayotte Capécia » par Albert James Arnold

Fanon pris au piège

Si le nom de Mayotte Capécia, auteur présumé de Je suis Martiniquaise (1948), et La Négresse blanche (1950), nous est connu aujourd’hui, c’est à cause de la critique en règle qu’en fit Frantz Fanon dans sa thèse de doctorat en psychiatrie, publiée en 1952 sous le titre Peau noire, masques blancs. Quarante ans plus tard Stuart Hall, qui est avec Homi Bhabha à l’origine du fanonisme britannique, disait que ce livre était « l’un des plus étonnants, bouleversants et fondamentaux » dans ce champ d’études 
Fanon avait reproché à Mayotte Capécia, mulâtresse de la Martinique, d’avoir proclamé dans Je suis Martiniquaise sa haine de l’homme noir auquel elle préférait « un blond avec des yeux bleus, un Français » 
Cette phrase – d’ailleurs attribuée à une petite fille qui préparait sa première communion et s’était entichée de son prêtre français – a inspiré au Dr Fanon la réflexion que voici : « Nous sommes avertis, c’est vers la lactification que tend Mayotte. Car enfin il faut blanchir la race : cela, toutes les Martiniquaises le savent, le disent, le répètent. Blanchir la race, sauver la race, mais non dans le sens qu’on pourrait supposer : non pas préserver “l’originalité de la portion du monde au sein duquel elles ont grandi”, mais assurer sa blancheur. » Pour Fanon, la lactification dont Mayotte Capécia représente l’expression littéraire la plus récente et la plus effrontée est un fait de société martiniquais, mais un fait honteux. La thèse de Fanon repose sur l’idée qu’en 1950 les Antillais étaient individuellement les héritiers de névroses collectives formées par les structures coloniales qui, au moment de la départementalisation de 1946, conditionnaient la société depuis trois siècles déjà. Fanon préconisait que les Antillais se déclarent Antillais : qu’ils affirment la part africaine de leur être, mais sans verser dans la mythologie de l’Afrique proposée par Césaire au nom de leur présumée Négritude.

De 1948 à 1999 tous ceux qui ont écrit sur le roman Je suis Martiniquaise, à commencer par Fanon lui-même, ont été dupes d’une supercherie montée par l’éditeur Corrêa  Les recherches entreprises par Christiane Makward vers le milieu des années 1990 et publiées sous le titre Mayotte Capécia ou l’aliénation selon Fanon, permettent de rétablir la vérité sur Je suis Martiniquaise. Nous savons désormais que la jeune femme qui a rédigé de faux autographes à la demande de son éditeur et à des fins publicitaires était quasiment illettrée au départ du projet de roman. Intelligente, débrouillarde, ayant beaucoup de prestance, Lucette Céranus Combette n’avait fait que ses petites classes à la Martinique où elle était née, au Carbet, en 1916. Elle a pourtant donné des interviews à la presse et à la radio, à Paris et ailleurs en France, entre 1948 et 1950. Comment se fait-il que personne, à l’époque, n’ait levé ce voile, pourtant diaphane ? Mon hypothèse est la suivante :

: Frantz Fanon, Lafcadio Hearn et la supercherie de « Mayotte Capécia » par Albert James Arnold

 


Première du Miserere de Gregorio Allegri le 12 avril 1639

Le Miserere ou Miserere mei, Deus ou Miserere d’Allegri (Aie pitié, ou Aie pitié de moi, O Dieu, en latin) est une célèbre polyphonie de type Renaissance et stile antico baroque, basée sur une simple psalmodie grégorienne. L’œuvre a été composée (vers 1638 ou 1639) par Gregorio Allegri, compositeur, prêtre, maître de chœur (maître de chapelle) et, à l’époque de la composition de l’œuvre (sous le pontificat du pape Urbain VIII), simplement chantre-choriste professionnel dans le chœur de la chapelle Sixtine au Vatican. Le texte du Miserere (psaume 50 du livre des Psaumes de la Bible) est nommé ainsi d’après son incipit. Ici, le chant est conçu pour un chœur adoptant une technique d’écriture appelée faux-bourdon. Il est à neuf voix, a cappella. Ce motet a été interprété pour la première fois le 12 avril 1639 dans la Chapelle Sixtine1. D’après une légende tenace, l’œuvre reste durant près de 130 ans jusqu’en 1771 propriété exclusive du Vatican sous peine d’excommunication, jusqu’à sa retranscription de mémoire (toujours selon la légende) par Mozart, alors âgé de 14 ans.
L’œuvre
Le Miserere d’Allegri est écrit sur le texte du psaume 50 attribué au prophète-roi David du Xe siècle av. J.-C.. L’incipit (ici réduit au premier mot, Miserere) signifie « Prends pitié ». L’œuvre était chantée à la chapelle Sixtine lors des matines du mercredi et vendredi de la Semaine sainte, et uniquement en ce lieu et à cette occasion. Un verset sur deux était psalmodié de manière monodique (comme cela se pratiquait depuis des siècles), à la fin de l’Office des Ténèbres, alors que les cierges qui éclairaient la chapelle étaient progressivement éteints l’un après l’autre. En présence du pape et des cardinaux agenouillés, les chantres de la chapelle improvisaient (selon la technique du Cantus super librum) de somptueux ornements sur la psalmodie, inscrite dans un canevas polyphonique relativement simple mais très efficace, en style de faux-bourdon. On est donc en présence d’une mise en forme post-tridentine basée sur une rhétorique baroque parfaitement maîtrisée. La technique vocale des membres de la chapelle perdant progressivement en éclat avec le temps, et leur capacité à improviser de savants contrepoints s’étiolant, les ornements disparurent et à la fin du xviiie siècle il ne restait plus, des ornements, que les plus aigus : ceux qui étaient réservés aux castrats et qui étaient appris par cœur par deux sopranos. Ceux-ci, avec le reste de la partition, nous sont parvenus par le biais de la première publication, faite par Charles Burney, au xviiie siècle (dans The Present State of Music in France and Italy, 1771).

Texte latin (avec quelques indications d’accentuation)

Miserere mei, Deus : secundum magnam misericordiam tuam.
Et secundum multitudinem miserationum tuarum, dēlē iniquitatem meam.
Amplius lavā me ab iniquitate mea : et peccato meo mundā me.
Quoniam iniquitatem meam ego cognōscō : et peccatum meum contra me est semper.
Tibi soli peccāvī, et malum coram te fēcī : ut justificeris in sermonibus tuis, et vincās cum judicaris.
Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum : et in peccatis concepit me mater mea.
Ecce enim veritatem dilexisti: incerta et occulta sapientiæ tuæ manifestasti mihi.
Asperges me, Domine, hyssopo, et mundābor : lavābis me, et super nivem dēalbābor.
Auditui meo dabis gaudium et lætitiam : et exsultabunt ossa humiliata.
Averte faciem tuam a peccatis meis : et omnes iniquitates meas dele.
Cor mundum crea in me, Deus : et spiritum rectum innova in visceribus meis.
Ne projicias me a facie tua : et spiritum sanctum tuum ne auferas a me.
Redde mihi lætitiam salutaris tui : et spiritu principali confirma me.
Docebo iniquos vias tuas : et impii ad te convertentur.
Libera me de sanguinibus, Deus, Deus salutis meæ : et exsultabit lingua mea justitiam tuam.
Domine, labia mea aperies : et os meum annuntiabit laudem tuam.
Quoniam si voluisses sacrificium, dedissem utique : holocaustis non delectaberis.
Sacrificium Deo spiritus contribulatus : cor contritum, et humiliatum, Deus, non despicies.
Benigne fac, Domine, in bona voluntate tua Sion : ut ædificentur muri Jerusalem.
Tunc acceptabis sacrificium justitiæ, oblationes, et holocausta : tunc imponent super altare tuum vitulos.

Traduction
Pitié pour moi, mon Dieu, dans Ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense.
Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi.
Contre Toi, et Toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.
Ainsi, Tu peux parler et montrer Ta justice, être juge et montrer Ta victoire.
Moi, je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère.
Mais Tu veux au fond de moi la vérité ; dans le secret, Tu m’apprends la sagesse.
Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur ; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige.
Fais que j’entende les chants et la fête : ils danseront, les os que Tu broyais.
Détourne Ta face de mes fautes, enlève tous mes péchés.
Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de Ta face, ne me reprends pas Ton Esprit Saint.
Rends-moi la joie d’être sauvé ; que l’esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ; vers toi, reviendront les égarés.
Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur, et ma langue acclamera Ta justice.
Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera Ta louange.
Si j’offre un sacrifice, Tu n’en veux pas, Tu n’acceptes pas d’holocauste.
Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; Tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé.
Accorde à Sion le bonheur, relève les murs de Jérusalem.
Alors Tu accepteras de justes sacrifices, oblations et holocaustes ; alors on offrira des taureaux sur Ton autel.

Transcription légendaire de Mozart
Dès les premières années, le Vatican avait interdit de le reproduire ou de le diffuser afin d’en préserver le caractère unique. À l’époque, l’idée même de droit d’auteur n’était pas encore née, et on raconte que le transcrire ou le chanter ailleurs qu’en ces lieux aurait été puni d’excommunication, spécialement pour les choristes qui étaient les seules personnes à même de diffuser l’œuvre dans son intégralité. Celle-ci était alors propriété du commanditaire et de la chapelle musicale du Vatican, puisque aucun artiste n’exerçait de manière indépendante. L’individualisme musical apparaîtra tout à la fin du xviiie siècle, avec Joseph Haydn et Mozart, mais ne se développera qu’au xixe siècle.

Il y eut malgré tout de nombreuses transcriptions supposées de ce Miserere parmi les cours royales d’Europe, dont trois exemplaires autorisés de la partition distribués à l’empereur du Saint-Empire romain germanique Léopold Ier de Habsbourg, au roi du Portugal, et au musicologue compositeur Giovanni Battista Martini, sans qu’aucun d’eux ne parvienne à restituer la dimension de l’œuvre chantée avec ses ornements au Vatican. Selon de nombreuses lettres, en 1770, Mozart, âgé de quatorze ans, réussit à retranscrire de mémoire l’interprétation vaticane de l’œuvre, après seulement une ou deux écoutes. Alors qu’il visitait Rome avec son père Leopold, il eut la chance de pouvoir écouter le Miserere le mercredi de la Semaine sainte, le 11 avril. Le soir même, il retranscrivait le morceau de mémoire4. Il l’écouta encore une fois le vendredi qui suivit pour pouvoir faire quelques modifications. Leopold Mozart écrit dans une lettre à son épouse Anna Maria Mozart du 14 avril 1770 : « A Rome, on entend souvent parler du célèbre Miserere, tenu dans une considération telle que les musiciens de la chapelle ont l’interdiction, sous menace d’excommunication, d’en prendre même une partie, de la copier ou de la donner à qui que ce soit. Mais nous l’avons déjà, Wolfgang a retranscrit l’œuvre de mémoire et, si notre présence n’était pas nécessaire au moment de l’exécution, nous l’aurions déjà envoyée à Salzbourg. En fait, la manière de la chanter compte autant que la composition elle-même, et nous allons donc la prendre nous-même pour la ramener à la maison. ». Léopold précise à son épouse dans une lettre du 19 mai suivante : « Il n’y a pas la moindre raison d’être inquiet […] Tout Rome (et même le pape) sait qu’il l’a transcrite. Il n’y a absolument rien à craindre, au contraire, son travail lui a valu un grand crédit ». Moins de trois mois après avoir entendu le psaume et l’avoir transcrit, Mozart est appelé à Rome par le pape Clément XIV, qui, loin de l’excommunier, salue son génie et ses grandes qualités musicales en lui décernant l’Ordre de l’Éperon d’or le 4 juillet 17705. Le Miserere obtenu fut publié en 1771 à Londres et l’interdiction papale levée, mais cette version n’incluait pas l’ornementation baroque qui faisait une partie du succès et de la beauté du chant (Mozart compose durant ce voyage en Italie (entre juillet et août 1770) son propre Miserere qu’il découpe en huit parties). Néanmoins, la partition n’a aucun lien avec celle d’Allegri.

Le compositeur Félix Mendelssohn fit une autre transcription en 1831 et le prêtre Pietro Alfieri transcrivit les fioritures en 1840. Smyth Rockstro compile ces trois versions pour un dictionnaire de la musique et des musiciens édité en 18807. Cette édition avec ornementation est actuellement la plus connue et la plus interprétée. Un des premiers et plus anciens enregistrements a été réalisé en anglais en 1963 par le Chœur du King’s College de Cambridge, dirigé par David Willcocks, et chanté en anglais par le célèbre soprano Roy Goodman âgé de 12 ans. L’œuvre originale s’est perdue, mais le Miserere garde encore aujourd’hui le privilège de compter parmi les œuvres de musique baroque les plus connues et les plus enregistrées.

source : Wikipedia