« L’écologie politique à l’extrême droite », un livre de Stéphane François

Le livre de Stéphane François, intitulé « L’écologie politique à l’extrême droite », offre une analyse approfondie et nuancée des relations entre l’idéologie écologique et les mouvements politiques d’extrême droite en France. L’ouvrage soulève des thèmes peu explorés jusqu’alors, notamment la corrélation entre la pensée écologique et les idées nationalistes au sein de l’extrême droite. En déployant une réflexion argumentée, l’auteur remet en question l’idée préconçue selon laquelle l’écologie serait intrinsèquement associée à la gauche politique.

L’analyse débute en remettant en cause l’axiome établissant que l’écologie serait automatiquement une cause de gauche. Selon François, l’écologie repose davantage sur la préservation de valeurs conservatrices, telles que le respect envers la nature, les cycles naturels et les traditions. Cette perspective transcende les orientations politiques, ce qui amène l’auteur à souligner que des mouvements de droite, dès le XIXe siècle, ont également manifesté un intérêt précoce pour les thématiques écologiques, associant la protection de l’environnement à la préservation des valeurs traditionnelles et au rejet de la modernité.

L’extrême droite, en particulier en Allemagne, a entretenu une relation précoce avec l’écologie, ce qui a débuté à la fin du XIXe siècle avec l’émergence de mouvements écologistes au sein des cercles de la « réforme de la vie » et du mouvement « Völkisch ». Ces groupes entretenaient une attitude ambivalente envers la modernité, tout en exprimant une nostalgie pour un monde enraciné dans des traditions. Ils ont été les premiers à s’élever contre les nuisances environnementales et l’urbanisation, fusionnant ainsi leur inquiétude environnementale avec des idéaux nationalistes et anti-modernes.

Le livre explore également l’évolution de l’écologie politique après la Seconde Guerre mondiale, aussi bien en France qu’en Allemagne. Dans les années 1930, certaines factions de droite ont exprimé un intérêt pour l’écologie, mais après la guerre, l’écologie a pris une teinte plus marquée à gauche, bien que des éléments conservateurs aient subsisté, notamment parmi les hippies qui promouvaient un retour à la nature tout en s’inspirant de penseurs réactionnaires.

Stéphane François approfondit ensuite la connexion entre l’ethno-différentialisme et l’écologie, démontrant la corrélation entre la préservation des identités culturelles et ethniques et la sauvegarde de l’environnement. Certains anthropologues de gauche, tels que Lévi-Strauss et Robert Jaulin, ont développé des thèses ethno-différentialistes qui, parfois, ont évolué vers des conceptions de nature raciale. L’extrême droite a incorporé cette idée pour préserver des sphères culturelles distinctes et favoriser une perspective ethnocentrique.

Le livre se penche ensuite sur l’intérêt de l’extrême droite française, y compris du Rassemblement National (RN), pour les questions environnementales. Cependant, malgré les tentatives du RN de verdir son discours, il n’a pas encore adopté de propositions écologiques substantielles, focalisant son attention sur le nationalisme et la résistance à l’occidentalisation du monde. Les thèmes écologiques demeurent relativement périphériques au sein de ce parti politique.

L’ouvrage de Stéphane François propose une exploration approfondie et équilibrée des liens entre l’écologie et l’extrême droite en France. L’auteur met en doute les conceptions simplistes de l’écologie comme étant exclusivement associée à la gauche et révèle les éléments conservateurs, nationalistes et ethnocentriques qui ont également façonné le paysage politique de l’écologie à travers les époques. L’auteur met en garde contre la récupération de l’écologie par des mouvements politiques extrémistes et insiste sur l’importance de saisir la complexité de ces dynamiques pour une compréhension plus approfondie des enjeux politiques contemporains.

Pour aller plus loin :
https://reporterre.net/N-en-deplaise-a-Hugo-Clement-l-ecologie-est-forcement-politique
https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/21/dominique-bourg-et-cyril-dion-le-dereglement-climatique-n-est-pas-une-realite-naturelle-mais-un-probleme-hautement-politique_6170397_3232.html
https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/200423/lutter-pour-le-climat-est-inherent-au-combat-contre-l-extreme-droite
https://www.radiofrance.fr/franceculture/les-eco-intellectuels-100-penseurs-pour-comprendre-l-ecologie-4374606
https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/04/14/l-enjeu-du-manque-d-eau-trou-noir-de-la-pensee-du-rassemblement-national_6169442_823448.html
https://www.humanite.fr/politique/elections-2022/l-extreme-droite-regarde-du-cote-de-l-ecologie-des-la-fin-du-xixe-siecle-745060
– Stéphane François était l’invité du podcast 20 min pour comprendre, partie 1 le 20 février 2023. A écouter ICI. Partie 2, le 27 février 2023, à écouter ICI.
– Recension de l’ouvrage sur la Cliothèque, le 13 juin 2022. A lire ICI.
– Entretien avec l’auteur sur Street Press, le 24 mai 2022. A lire ICI.
– Analyse de l’auteur sur Mediapart, le 20 avril 2022. A lire ICI.
– Entretien avec Stéphane François dans la revue POUR, n°239, de la FSU, mars 2022. A lire ICI.