Le refus de voter l’interdiction des activités rémunérées des eurodéputés pour les lobbys : une polémique européenne

Par trois fois Max Orville, député Renaissance martiniquais, a voté contre l’interdiction

À l’approche des élections européennes prévues du 6 au 9 juin, la question de l’intégrité émerge comme un enjeu central dans la campagne. Manon Aubry, tête de liste de La France insoumise (LFI), a suscité une vive controverse en attaquant ses principaux adversaires, y compris de gauche, sur le terrain de la probité.

Dans un article récent publié dans Libération, Aubry a appelé à l’interdiction des activités annexes rémunérées des eurodéputés, susceptibles de créer des conflits d’intérêts, afin de réduire leur vulnérabilité aux influences des lobbys. Cette proposition exclut les droits d’auteur et les indemnités d’élus. Pourtant, cette mesure a été rejetée à plusieurs reprises par une grande partie des eurodéputés français, selon les comptes rendus de votes.

Seules les délégations de La France insoumise et du Parti socialiste, ainsi que le groupe écologiste dans son ensemble, ont soutenu unanimement cette proposition lors des différents scrutins au Parlement européen au cours des deux dernières années. À l’opposé, les élus de droite et d’extrême droite, tels que Les Républicains, le Rassemblement national et Reconquête !, ont largement rejeté cette mesure.

Le débat a été soumis au Parlement à trois reprises, mais à chaque fois, l’amendement visant à interdire les activités rémunérées pour le compte d’entités inscrites au registre des lobbys a été rejeté. De manière notable, Max Orville, député de Martinique, a voté contre à chaque occasion.

Dans un revirement surprenant, certains eurodéputés de la délégation macroniste, dont la tête de liste Valérie Hayer, ont initialement soutenu l’idée avant de voter en bloc contre lors du dernier scrutin, contribuant ainsi à son rejet définitif. Ce retournement est d’autant plus frappant que lors de la campagne de 2019, les candidats de Renaissance s’étaient engagés à interdire « toute activité rémunérée incompatible avec l’intérêt général ».

Interdire les activités annexes rémunérées

Le Parlement a été amené à se prononcer à trois reprises sur l’interdiction pour les eurodéputés des activités rémunérées pour le compte d’entités inscrites au registre des lobbys :
– amendement 8 à la résolution du 16 février 2023
– amendement 23 à la résolution du 13 juillet 2023
– amendement 5 au vote final du 25 avril 2024

Les votes des les Ultramarins élus députés européens

Par trois fois Max Orville député « Renaissance » martiniquais a voté contre
Stéphane Bijoux député « Renaissance » réunionnais 1er vote : abstention | 2ème et troisième votes :contre
Younous Omarjee, député « LFI » réunionnais 1er et 2ème vote : Pour | 3ème vote : absent
Maxette Pirbakas, députée élue sur la liste R.N. : absente aux trois votes! Lire=>

Interrogé à ce sujet, le groupe macroniste a argué que la mesure n’était pas appropriée dans le contexte de la proposition sur l’organe éthique, tandis que certains responsables ont exprimé des inquiétudes quant à l’impact sur la capacité des eurodéputés à maintenir des liens avec le monde professionnel.

Malgré ce revers, Manon Aubry reste déterminée. Elle a promis de représenter la proposition au Parlement si elle est réélue. Cette polémique soulève des questions cruciales sur l’éthique et la transparence au sein des institutions européennes, mettant en lumière les tensions entre les intérêts individuels des eurodéputés et l’exigence de servir l’intérêt général.

Source: Jean Samblé d’après le journal Le Monde

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La réponse de Max Orville à Madinin’Art :

 » Depuis 2019, la délégation l’Europe Ensemble a été a la manœuvre pour fonder un organe européen chargé des questions d’éthiques.

L’idée est de créer au niveau européen un organe équivalent à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en France. Car sur ce sujet, c’est la France qui est le bon élève européen.

En tant que membre de la commission des affaires constitutionnelles (AFCO), j’ai participé et soutenu la création d’un tel organe dès le travail en commission parlementaire.

Nous souhaitons que cet organe, avec l’aide d’experts indépendants, fixe des règles éthiques pour l’ensemble des institutions européennes.

Lors de la dernière plénière d’avril 2024, nous avons finalement obtenu gain de cause pour la création de cet organe interinstitutionnel chargé des questions d’éthiques. Nous aurions souhaité un accord plus ambitieux, mais il s’agit d’une première étape historique vers plus de transparence et probité.

La France insoumise, et son groupe politique au Parlement européen, aurait déposé des amendements pour « interdire la rémunération des eurodeputés par des lobbys ». C’est une conclusion plutôt simpliste.

Déjà, car nous souhaitons que l’organe éthique, qui est un organe indépendant, soit en charge de fixer les règles. Si les députés européens verrouillent le travail de cet organe, il ne sera pas efficace. Avec la résolution d’avril 2024, nous laissons le champ libre à cet organe européen pour fixer ses règles.

Ensuite, car l’amendement de la France insoumise mélange activités connexes et rémunérations par les lobbys. Il ne faut pas tout mélanger. J’ai voté contre ces amendements car je ne veux pas empêcher mes collègues médecins ou agriculteurs de continuer leur activité tant qu’elle est compatible avec l’exercice de leur mandat. Cela permet également de garder un ancrage dans la réalité du terrain. J’ai voté contre ces amendements car je ne veux pas empêcher mes collègues de publier des ouvrages. Cela permet de faire connaître l’Europe et de lancer des réflexions.

Pourtant, je reste fermement opposé aux rémunérations directes des lobbys, tout comme ma délégation et mon groupe politique. C’est pour cela que nous avons négocié dans la résolution de juillet 2023 des dispositions très claires sur la rémunération des députés. Nous n’avons pas attendu l’amendement d’affichage du groupe La Gauche (LFI), c’est ma collègue Nathalie Loiseau qui était rapporteure pour ce texte.

Face à l’interdiction totale prônée par LFI, la délégation l’Europe Ensemble a choisi une approche plus mesurée : l’interdiction des pratiques néfastes et l’autorisation des activités qui peuvent parfois enrichir le mandat de député européen. »

Max ORVILLE