Le génie populaire des musiques séculaires

m_d_c_d_mPleins feux sur des patrimoines menacés et des expressions rares, comme les joutes poétiques pratiquées par des dockers. Des rendez-vous exceptionnels.
Le 18e Festival de l’imaginaire met à l’honneur des artistes féminines. Il ne s’agit nullement d’exclure la gent masculine, bienvenue au sein de la riche programmation. Dans tous les cas, Arwad Esber, directrice du festival et de la Maison des cultures du monde (MCM), s’attache à braquer les feux sur des patrimoines menacés. Ainsi en est-il, comme l’illustre brutalement l’actualité, des chants égyptiens coptes (28 et 29 mars, sous la direction du professeur Michael Ghattas, Institut du monde arabe, ou IMA).

Conférences et films complètent le tableau

Figurent à l’affiche l’oudiste Omar Bashir (4 avril, MCM), fils du regretté maître Munir Bachir ; le chanteur sénégalais soufi Papa Djimbira Sow (11 et 12 avril, IMA) ; d’éminentes chanteuses iraniennes (17 et 18 mai, Auditorium du Louvre) ; des Pygmées Aka du Congo (24 et 25 mai, musée du Quai Branly)… Libres d’accès, des conférences et des films complètent le tableau à merveille. Si l’on a manqué l’exceptionnel week-end consacré au « don ca tai tu », on écoutera l’édifiant CD, Vietnam – Don ca tai tu, musique de chambre du delta du Mékong, paru sur le label Inédit, qu’a lancé la MCM en 1985. Porté par un luth en forme de lune, une cithare à seize cordes, un monocorde, une vièle à deux cordes et une guitare occidentale adaptée aux besoins du genre, le don ca tai tu s’avère être le style traditionnel qui résiste le mieux à l’envahissante variété occidentale.

Depuis 2012, le prix Maison des cultures du monde donne chaque année à un jeune chercheur « la possibilité de valoriser les formes de musique ou de spectacle rares qui constituent son terrain de recherche, explique Arwad Esber. Le lauréat invite à Paris, dans le cadre du Festival de l’imaginaire, les artistes ou praticiens de l’expression musicale qu’il étudie. » De Suzy Felix, qui a remporté le prix en 2012, on découvrira le projet « Trovo des villes, trovo des champs » (5 et 6 avril, MCM), sur les joutes chantées de Carthagène et des Alpujarras (Espagne). « Le trovo, qui fleurit surtout dans les milieux populaires et paysans, s’est déplacé depuis le XIXe siècle au gré des grandes migrations qui ont résulté de la misère et de la faim, précise Arwad Esber. Toute une population a été précipitée sur les routes, à la recherche de pain, vers les mines d’Almeria, puis de Carthagène-La Union. » Véritables poètes, bien que non professionnels, les troveros conviés à la Maison des cultures du monde sont des agriculteurs et des dockers. Le Festival de l’imaginaire apporte un éclairage précieux sur des pratiques artistiques séculaires, où sont à l’œuvre génie populaire et résistance.

Festival de l’imaginaire, jusqu’au 1er juin, Paris, Maison des cultures du monde et autres lieux : www.maisondesculturesdumonde.org.

CD, Vietnam – Don ca tai tu, musique de chambre du delta du Mékong (Inédit-Maison des cultures 
du monde-Socadisc).

Fara C.

http://www.humanite.fr/culture/le-genie-populaire-des-musiques-seculaires-562194