Le cri des femmes, récompensé : Nathacha Appanah remporte le Goncourt des lycéens

— Par Hélène Lemoine —

Jeudi 27 novembre, Nathacha Appanah a réalisé un parcours exceptionnel dans le paysage littéraire français : quelques semaines après avoir été couronnée par le Prix Fémina, l’écrivaine mauricienne reçoit le prix Goncourt des lycéens pour La Nuit au cœur, publié chez Gallimard. Seule femme finaliste de cette 38ᵉ édition et unique autrice de la dernière sélection, elle s’impose face notamment à Laurent Mauvignier, tout juste lauréat du prix Goncourt avec La Maison vide.

Dans ce treizième roman, Nathacha Appanah tresse trois récits marqués par les violences masculines. Elle y ravive la mémoire de Chahinez Daoud, mère de trois enfants, assassinée et brûlée vive par son mari en 2021 près de Bordeaux ; évoque la mort de sa cousine Emma, écrasée par son époux à l’île Maurice en 2000 ; et dévoile enfin sa propre histoire, celle de la jeune femme qu’elle fut, vivant sous l’emprise d’un compagnon violent jusqu’à ses 25 ans. À travers ces destinées brisées, l’autrice mène une enquête intime et littéraire contre l’effacement, pour redonner voix aux disparues et mettre en lumière les mécanismes de domination qui les ont condamnées.

« Un grand cadeau », a-t-elle déclaré, jointe par téléphone lors de l’annonce depuis Rennes, remerciant les lycéens pour leur sensibilité à ces récits douloureux. Une porte-parole du jury, composé d’élèves issus d’une cinquantaine de lycées, a salué une écriture capable de conjuguer « complexité, justesse et poésie », tant les délibérations ont été marquées par l’émotion suscitée par ces trois trajectoires féminines.

Cette année encore, la sélection du Goncourt des lycéens reprenait presque intégralement celle du Goncourt, à l’exception de David Diop, écarté conformément au règlement qui interdit de remporter le prix à deux reprises. Aux côtés de Nathacha Appanah figuraient ainsi David Deneufgermain avec L’Adieu au visage, Paul Gasnier avec La Collision, David Thomas avec Un frère, et Laurent Mauvignier avec La Maison vide.

Créé en 1988 à Rennes et organisé par la Fnac et le ministère de l’Éducation nationale, le Goncourt des lycéens permet chaque année à près de 2 000 élèves de débattre, lire et rencontrer les écrivains de la sélection. Il s’est imposé comme un prix prescripteur, capable d’entraîner la vente de plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. La remise officielle à l’Élysée, en présence du président de la République et des treize lycéens délégués, viendra couronner cette édition marquée par l’engagement des jeunes lecteurs et par la voix puissante d’une autrice qui fait de la littérature un acte de mémoire et de résistance.