L’après Irma : reconstruire le même modèle et toujours sans… les populations!

— Par Max Dorléan, du GRS —
Après avoir étalé leur totale incurie et leur manifeste irresponsabilité durant la phase antérieure et les 2 jours suivant le passage d’Irma, la France (cinquième puissance mondiale) a cherché, par la voix de Macron, de son gouvernement et de ses différents experts de service à reprendre la main, face à la masse des critiques qui leur ont été adressées.
La main sur le cur, Macron – comme les siens – s’est précipité auprès des populations de St Martin et de St Barthélémy pour déclarer vouloir reconstruire vite, mais avec une intransigeance redoutable concernant le respect des procédures, règles, et principes qui n’auraient, à ses yeux, dû faire l’objet d’aucune distorsion. Une forme larvée de critique des différentes autorités (gouvernements antérieurs ?, responsables et élus locaux), trop souples pour leurs intérêts divers, en matière de respect de règlementations, normes, comme par exemple la délivrance de permis de construire à tout va (permis de construire sur la zone des 50 pas géométriques, déclassement de zones non constructibles, VRD non réalisés…), la bétonisation à outrance, le mauvais ou l’absence d’entretien des canalisations, des déboisements inconsidérés…
Sans le moindre doute, la reconstruction à venir n’est rien d’autre que la reproduction du même modèle de développement choisi pour St Martin et de St Barthélémy – et autres iles de notre région Caraibe – à savoir un modèle basé sur le tout-tourisme, sur l’importation de l’essentiel de ce qui est consommé, sur l’absence de production diversifiée significative, riche en emplois (qualifiés notamment) autre que la banane, sur le tout-automobile…C’est-à-dire un modèle bien connu de chez nous, producteur de chômage et précarité croissantes, d’injustices sociales et de pauvreté grandissantes pour un nombre chaque jour plus important, et de richesses toujours plus grandes pour une minorité.
Et évidemment, comme le modèle en cours est néanmoins porteur de puanteur, il faut donc l’aménager pour le rendre « propre » et supportable, corriger le laisser-faire et laisser-aller grotesques, dénoncer le clientélisme et pourfendre les brebis galeuses, criminaliser les élus(e)s et autres corrompus, sans néanmoins remettre en cause sa logique fondamentale.
Des rustines sur le capitalisme
Ce qu’a fait, sans perdre une minute, toute une cohorte d’experts en tous genres. Experts en urbanisme, en architecture et en construction, financiers de service et autres experts, tous rivalisant d’ingéniosité pour apporter les nouvelles réponses en adéquation avec les niveaux actuels de cyclone. Rien que des réponses techniques (murs et toitures des logements plus résistants…) qui passent toutes à côté de l’essentiel, à savoir la question environnementale avec le réchauffement climatique, résultat direct de la mise en oeuvre de décennies d’ultralibéralisme. Un réchauffement climatique – pointé depuis des années par des scientifiques indépendants et par quelques grands experts mondiaux du GIEC – auquel il faut sérieusement s’attaquer, pour non pas courir indéfiniment derrière ses effets (phénomènes climatiques de plus en plus violents), mais pour faire un sort à ses causes (productivisme, concurrence débridée, accumulation indéfinie, marchandisation de tout…c’est-à-dire le fonctionnement ordinaire du capitalisme), ce qui passe par la réduction drastique des gaz à effet de serre, contraire dans l’immédiat, aux intérêts des puissants de ce monde.
Car, à quoi cela sert-il de construire des logements toujours plus résistants – et jusqu’où – qui ressemblent à des forteresses, si tous les 10, 15, 20 ans, il s’agit de revoir à la hausse les normes de leur construction ? Que signifie, comme de prompts experts l’ont indiqué à St Martin, qu’il faille des murs qui résistent à des vents de plus de 300-350 km/h, si quelques années après, on constate leur inadéquation face à la montée en puissance des toujours plus puissants nouveaux phénomènes climatiques ?
Non, ce qu’il faut, ce ne sont pas des rustines sur le capitalisme et le modèle de développement mis en place à Saint-Martin, à Saint-Barthélémy, en Martinique et en Guadeloupe comme dans toute la Caraïbe. Ce qu’il faut, c’est un modèle respectueux de l’environnement comme de l’humain et de ses intérêts essentiels. Car le modèle existant ne fait le bonheur que des capitalistes de l’hôtellerie, de l’import-export, de l’agrobusiness…, des bureaux d’études (qui ne font souvent que du copier-coller de ce qui se fait dans les métropoles comme dans le domaine de l’architecture) – et est en totale opposition avec les intérêts de l’immense majorité de la population. Et celle-ci, tant en matière de reconstruction qu’ailleurs, il ne lui est rien demandé, surtout pas de dire son mot sur cette fameuse reconstruction à venir, à quoi doit elle ressembler, et au profit de qui elle doit fondamentalement être réalisée.
Max Dorléans, GRS (Groupe révolution socialiste)