« L’amant anonyme » du Chevalier de Saint-George : un joli cadeau

— Par Selim Lander —

L'amant anonyme (Saint-Georges)En offrant aux Martiniquais cet opéra du Chevalier de Saint-George (1739-1799), le seul de lui dont on ait conservé la partition intégrale, l’EPCC Atrium permet de mieux connaître ce musicien né esclave en Guadeloupe, qui devint la coqueluche de la Cour, puis s’illustra comme colonel des armées de la Révolution.  Au mois de décembre dernier, un spectacle musical consacré au « Nègre des Lumières » avait raconté sa vie aventureuse en l’illustrant par des extraits de ses compositions[i]. Cette fois, c’est donc une œuvre entière de lui qui est représentée, en formation d’opéra, avec une vingtaine de musiciens de l’orchestre de Pressbourg  (Bratislava, Slovaquie ) dans la fosse (essentiellement des cordes) et les chanteurs en costume d’époque. Pour le chœur, il a été à nouveau fait appel aux ressources locales, en l’occurrence la chorale de Sainte-Thérèse qui, malgré une partie plutôt restreinte, a séduit par son ampleur et sa justesse.

On n’en dira pas autant de tous les solistes qui ont manqué, pour la plupart, de puissance. Seuls les deux chanteurs qui interprétaient  le couple comique formé par Jeannette et Colin (Aude Priya, soprano et Nicola Pisanello, ténor) ayant tiré leur épingle du jeu. Magali Léger, en particulier, a déçu en Léontine, objet de la flamme de « l’amant anonyme ».

Cette nouvelle confrontation avec la musique de Saint-Georges nous a d’ailleurs conduit à revoir notre point de vue. Dans notre précédent article, remarquant déjà sa « simplicité », nous la disions pourtant « belle » (mais il est vrai que nous la comparions aux « pauvretés » qu’on entend à longueur de journées sur nos radios). À l’audition d’une œuvre complète du chevalier, on est bien obligé de constater que sa musique est non seulement « simple » mais répétitive.

Gageons néanmoins que les spectateurs qui se sont pressés en masse au point de remplir la grande salle de l’Atrium n’auront pas été déçus. Même si la musique est ce que l’on vient de dire, plus jolie que belle, même si le livret (attribué à la comtesse de Genlis) ne brille pas par son originalité, les ingrédients étaient réunis pour faire un spectacle réussi : la beauté du décor et des costumes, la grâce des danseuses (qui contrebalançait une chorégraphie bien peu imaginative), la musique somme toute plaisante, l’histoire somme toute amusante, tout cela réuni, comment n’aurait on pas passé une agréable soirée ?

À l’EPCC Atrium Martinique, les 16 et 17 avril 2015.

[i] Cf. « Le Nègre des Lumières » – Belle musique, ravissantes images (http://www.madinin-art.net/le-negre-des-lumieres-belle-musique-ravissantes-images/).