— Par Sabrina Solar —
Les familles monoparentales, dont une large majorité est composée de mères isolées, se retrouvent confrontées à une multitude de défis quotidiens. Contrairement aux familles dites « traditionnelles », elles dépendent largement des politiques publiques locales pour accéder à des services essentiels comme les crèches, le périscolaire, la restauration scolaire, les transports, le logement, la santé et la sécurité. Pourtant, ces besoins spécifiques sont encore trop souvent ignorés ou mal pris en charge par les municipalités, malgré la hausse constante de ce type de familles en France.
Les défis de la monoparentalité à l’échelle communale
En 2020, en France, plus de 8 millions de familles résidaient avec au moins un enfant mineur, dont 25% étaient monoparentales, principalement dirigées par des mères isolées. Chaque année, près de 425 000 séparations ont lieu, et de nombreuses femmes se retrouvent à élever seules leurs enfants, souvent dans des conditions de précarité. D’ailleurs, ces familles sont plus vulnérables aux problèmes de logement, de pauvreté, et d’accès aux droits sociaux, avec une surreprésentation dans les demandes d’aides alimentaires. La situation est d’autant plus compliquée que, bien que la monoparentalité soit une réalité croissante, les politiques publiques locales restent insuffisantes et trop fragmentées.
Une étude comparative pour mesurer les avancées municipales
Face à cette réalité, un collectif de mères isolées, les « Mères déters », a entrepris une étude comparative sur les politiques municipales concernant les familles monoparentales. En analysant les stratégies adoptées par 14 villes françaises, dont les dix plus grandes métropoles ainsi que des villes de taille moyenne, cette étude met en lumière de fortes disparités. Certaines municipalités, comme Montpellier, Paris, ou encore Ris-Orangis, se distinguent par une prise en charge plus cohérente et des initiatives concrètes. D’autres, en revanche, semblent ignorer les besoins spécifiques des mères isolées, malgré une situation démographique et sociale qui les rend pourtant incontournables.
Des politiques locales hétérogènes et insuffisantes
L’une des principales conclusions de cette étude est l’absence d’une approche globale et cohérente de la monoparentalité au sein des politiques municipales. En effet, si certaines villes ont intégré la question dans leurs programmes électoraux et mettent en place des actions ciblées, la majorité des municipalités ne considèrent pas cette problématique comme une priorité. Par exemple, seules quatre villes sur dix ont évoqué la monoparentalité dans les programmes des élections municipales de 2020, souvent de manière marginale, et sans mettre en place de stratégies globales.
Les services municipaux, qui dépendent des choix financiers des communes, varient considérablement : des écarts importants existent, par exemple, dans l’accès à la restauration scolaire, aux activités périscolaires, ou encore aux crèches. Dans certaines villes, ces services sont accessibles à moindre coût, tandis que dans d’autres, ils peuvent peser lourdement sur le budget des familles monoparentales. Cette inégalité d’accès, souvent liée à la logique de tarification sociale, crée des inégalités flagrantes d’un territoire à l’autre.
Le logement et l’accès aux services publics : des enjeux majeurs
Le logement représente l’un des enjeux les plus cruciaux pour les familles monoparentales, avec plus de 40% de ces familles vivant dans des conditions de logement précaires. Certaines villes ont adopté des politiques spécifiques pour faciliter l’accès au logement social pour ces familles, comme Saint-Ouen ou Montpellier, mais ce genre de dispositif reste loin d’être généralisé.
L’accès aux crèches et autres services de garde d’enfants, indispensable pour permettre aux mères de concilier travail et parentalité, présente aussi des disparités marquées. Si certaines municipalités offrent des places en crèche avec des priorités pour les familles monoparentales ou des tarifs modérés, d’autres laissent les mères isolées se débrouiller seules. Le coût des services publics varie de manière significative, allant de 652 euros annuels à Montpellier à plus de 1 267 euros à Nantes pour une famille monoparentale.
Un pacte pour les mères isolées : des propositions concrètes pour les élections municipales de 2026
Les « Mères déters » ont décidé de passer à l’action en formulant un « Pacte pour les familles monoparentales » qui sera présenté aux candidats aux élections municipales de 2026. L’objectif est de mettre en place des engagements concrets pour répondre aux besoins spécifiques de ces familles : un meilleur accès aux services publics (crèches, périscolaire, santé), une révision des critères de tarification des services, un soutien renforcé pour l’accès au logement et aux aides sociales, ainsi qu’une meilleure visibilité des dispositifs existants.
Les mères isolées réclament également une prise en compte de leurs réalités dans les politiques locales, avec des mesures concrètes pour réduire les inégalités territoriales et garantir l’accès à la dignité et à l’émancipation. Parmi les propositions avancées figurent des mesures financières pour renforcer l’équité des services municipaux et un meilleur accompagnement des familles dans leurs démarches administratives.
La nécessité d’une prise en compte globale et systématique
Enfin, cette étude révèle que, malgré la volonté de certaines municipalités, il reste un long chemin à parcourir pour que les familles monoparentales bénéficient de conditions de vie équitables partout en France. Il est impératif que les communes prennent conscience des défis spécifiques auxquels font face ces mères et adaptent leurs politiques publiques en conséquence. L’objectif n’est pas seulement de répondre aux besoins immédiats, mais aussi de permettre une véritable émancipation des familles monoparentales à travers un soutien qui soit à la hauteur des enjeux.
Dans un contexte où les arbitrages budgétaires risquent de restreindre encore davantage les marges de manœuvre des municipalités, il est plus que jamais crucial de ne pas sacrifier ces familles sur l’autel de l’austérité. Le collectif des « Mères déters » invite donc les candidats aux élections municipales à se saisir de cette problématique et à s’engager pour une justice sociale et une égalité réelle entre tous les citoyens, quelle que soit leur situation familiale.