— Par Florent Grabin, Président de l’Association écologique P.U.M.A. —
Dans le Sud de la France hexagonale, la salinisation des terres, amplifiée par le réchauffement climatique et les activités humaines, inquiète au plus haut point. Les concentrations de sel dans les eaux et les sols atteignent des records. Avec ses 220 kilomètres de façade littorale, l’Occitanie est en première ligne dans la guerre souterraine entre eau douce et eau salée ; la salinité venant contaminer les terres par intrusion d’eau de mer dans les nappes phréatiques.
Et chez nous en Martinique où en est-on ?
Cette salinisation connue aussi sous le nom de biseau salé nous concerne au plus haut niveau et nous interpelle à plus d’un titre. Prenons le cas de Rivière-Salée, au quartier Trénelle, où passe la RN 5, les travaux de cette chaussée ont été réalisés sans tenir compte de cette réalité documentée. Lors de son rehaussement pour permettre le passage des véhicules, la correction de ce problème d’eau salée n’a pas été prise en considération.
En effet, nous pouvons observer les conséquences du biseau salé sur la production agricole de ce secteur. De même, il serait opportun d’analyser les eaux de la nappe phréatique de cette zone afin de connaitre le niveau de sel qui s’y trouve. Quand nous interrogeons les services en charge de cette surveillance nous observons que c’est au ‘’doigt mouillé’’ que cette réalisation est faite, ce qui fausse totalement la récolte des données et de fait les réponses apportées.
Dans tout le littoral Martiniquais nous voyons les conséquences de cette pratique sur le bâti et le réseau eau et assainissement, où l’on commence à percevoir la dégradation des buses en béton et autre canalisation en amiante ‘’Eternite’’.
Nombreux sont ceux qui rêvent d’avoir une villa les pieds dans l’eau, d’ici quelques années, c’est l’eau viendra vers eux inévitablement. Ceux qui n’auront pas le temps de reconsidérer leur patrimoine sont condamnés à admettre que ce biseau salé va attaquer toutes les ossatures en béton en contact avec ces sols gorgés de plus en plus de sel.
Cependant, les places seraient inexorablement très chères et de plus en plus chères, d’où l’intérêt de commencer à réfléchir sur l’aménagement des zones de replis. Cet évènement naturel va nous contraindre à réaménager notre Martinique. Sommes-nous prêts ?
Ne pas commettre les erreurs du passé.
Mécaniquement nous devrions reconsidérée impérativement notre manière de penser, car nous sommes arrivés à la fin d’un cycle environnemental. Toutes les îles de la Caraïbe sont au même niveau que nous, ce qui fait que nous ne pourrons pas migrer vers elles.
Lorsque nous analysons certaines décisions administratives telle que celle prise par le Gouverneur en poste en 1902 qui, pour rassurer la population de Saint-Pierre et du Prêcheur, est venu s’installer dans la zone et a péri avec les plus de 30 000 morts lors de l’éruption de la Montagne Pelée. C’est son attitude péremptoire qui a conduit le Maire de Fort-de-France à exploiter le Morne Desaix en remblayant une grande partie de la ville qui était une grande mangrove.
Plus récemment, la tempête tropicale « Beulah » avait été, à juste titre, considérée en (1967) comme un cataclysme d’une violence exceptionnelle. « Dorothy », en 1970, l’aura été deux fois plus. Pour les experts, elle a été ‘’la tempête centenaire’’. 324 mm d’eau tombés en 9 heures seulement, soit 324 litres par mètre carré. Bilan : 44 morts, près de 200 blessés dont 53 graves, près de 5 000 sinistrés.
Autre décision administrative préjudiciable : la Direction Départementale de l’Equipement (DDE) en 1970 avait sous la pression politique octroyé la permis de lotir cette cité Dillon, sans tenir compte du passé écologique de cette zone toujours inondé lors des grandes crues. Depuis la nature nous a imposé plusieurs voies d’accès. Et ce sont les habitants de la cité Dillon qui ont dans la nuit, tracée l’actuelle route de Dorothy pour rejoindre dans les hauteurs celle de la Pointe des Grives, autrement ce sont des milliers de personnes qui auraient péri par noyade. Preuve irréfutable que nous ne voyons pas le monde du même balcon.
Des exemples de ce type nous en avons à la pelle pour faire comprendre que le temps est compté. Cette grande transformation va actionner les ingénieries financières, techniques et de la construction des infrastructures. Il faut prévoir un énormissime investissement, en quantité, en qualité ou en humilité. Afin d’éviter les erreurs du passé, nous avons l’impérieux devoir de préparer les esprits pour déjouer toute tentative destructrice des compétences pour la réussite de cette transformation.
Nous constatons localement un réel déni politique et administratif qui retarde les réflexions et actes urbanistiques pour l’élaboration des différents documents. Nous, PUMA, proposons l’étude de la création d’une digue dans la Baie de Fort-de-France et son lieu d’implantation afin de protéger tout le bâti. D’autres nous contestent et proposent la déconstruction des zones inondables, ou éventuellement de reconstruire plus loin. C’est aussi une idée dans le débat qu’il faut impérativement quantifier afin de comparer les deux propositions.
Nous ne partons pas d’une page blanche. Il devient impérieux de tenir compte des erreurs urbanistiques de la Ville de Fort-de-France qui a toujours voulu ‘’rester prolétaire’’ selon sa municipalité. Profitons de ce moment que nous impose la nature afin de corriger ce qui peut encore l’être.
Concernant le comparatif financier entre les deux propositions, nous pouvons présager que la différence sera abyssale tout en considérant les nombreux obstacles tels que les blocages des écologistes, le temps administratif dans l’obtention des autorisations, l’indemnisation des propriétaires, sans oublier les innombrables contentieux prévisibles.
En considérant la réalité des futurs évènements climatiques, nous pensons que le moment est venu pour que l’Etat s’active dans sa mission régalienne de protection de notre territoire ; ce, en invitant nos politiques à mettre en œuvre tous les outils relevant de leurs compétences avant qu’il ne soit trop tard. C’est dans la prévention et l’anticipation que se gère la montée des eaux et non dans l’urgence comme la réparation des dégâts d’une vague de submersion.
Gageons que ces éléments permettront de mettre un terme à nos élucubrations et qu’enfin les grandes initiatives seront prises pour lancer les divers travaux de réaménagement de notre territoire Pour Une Martinique Autrement.
Pour l’association écologique PUMA
Le Président
Florent GRABIN
