La Martinique au quotidien

Par Julie Ostan-Casimir

Que consommons-nous en Martinique ? Pourrions-nous bénéficier d’une communication claire, bénéficier de garanties, sur les produits qui nous sont fortement proposés, provenant du Costa Rica ou du Chili pour ne citer que ces 2 pays?

Le chlordécone pesticide toxique a été utilisé pendant plus de vingt ans dans les bananeraies en Guadeloupe et Martinique. Il est classé cancérogène possible dès 1979 par l’Organisation Mondiale de la Santé.

Il a contaminé sols, rivières, bétail, poissons, crustacés, légumes-racines… et la population elle-même.

Une molécule pour faire jaunir les bananes plantain a été utilisée en Martinique, nous écrit ces jours derniers le journal France-Antilles.

Un usage d’éthéphon, produit accélérant la coloration des fruits, sur des bananes plantain commercialisées sur l’île, a été découvert, a annoncé jeudi 25 août le parquet de Fort-de-France, ajoute France-Antilles. Dans le monde agricole, l’éthéphon est une molécule connue sous le nom commercial de « cérone » ou encore éthéverse. Son utilisation est autorisée et encadrée, notamment dans la culture de l’ananas. Le produit ne peut être utilisé dans la banane, car dans cette culture, il est potentiellement dangereux. Une enquête est donc ouverte, déclenchant des missions de contrôle en matière de sécurité sanitaire des fruits et légumes. La presse écrite, les chaines de T.V, radios se déchainent, en parlent en long et en large.

Il existe une politique et législation de l’Union Européenne sur les pesticides, ces produits chimiques « fabriqués ou naturels ne contenant pas d’organisme vivant ».

« La législation de l’Union européenne sur les pesticides vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, et à améliorer le fonctionnement du marché intérieur. ».

Et nous avons l’impression d’être protégés.

Le sommes-nous vraiment ?

Qu’observe-t-on dans nos hyper marchés ?

Ainsi un étal débordant de patates douces, bien grosses et rosées, lavées est exposé aux yeux et porte-monnaie du consommateur. Le client se précipite, car la présentation est belle. Il faut un moment de réflexion pour s’interroger sur l’origine du produit. Et tout en bas, au pied de l’étalage, (il faut chercher pour trouver) une pancarte inscrit l’origine et le cout au kg. La provenance est le Costa Rica. Un mètre plus loin, sont placées quelques patates douces, petites, fanées et non lavées, récoltées en Martinique. Le cout est le même.

Le Costa Rica et le Chili entre autres ont la possibilité d’exporter leurs productions vers l’Europe et la Martinique en conséquence. Quelles actions de surveillance sont menées sur la Martinique? Quelles garanties avons-nous pour consommer en toute quiétude ces produits ?

Bien des légumes et fruits qui nous sont proposées ont comme origine le Costa-Rica, la République dominicaine, le Chili, La Dominique, et autres pays.

Une recherche sur la toile nous apporte les informations suivantes, concernant l’utilisation de pesticides au Costa Rica, au Chili entre autres pays.

– Le Costa Rica est un pays exportateur de produits agricoles. En 2016, les exportations agricoles ont rassemblé 27% du total des ventes costariciennes, la part la plus importante en termes de secteur d´exportation. Selon PROCOMER (agence de promotion du commerce extérieur), on dénombre 631 entreprises costariciennes exportatrices dans le secteur agricole, exportant 323 types de produits vers 111 destinations. Les exportations se dirigent principalement vers l´Amérique du Nord (48%) et l´Union Européenne (43%).

Le Costa Rica est le deuxième plus grand utilisateur de pesticides au monde, utilisés quotidiennement dans la production agricole. Les statistiques nationales ont démontré que seulement 1.7% des produits issus de l’agriculture costaricienne sont biologiques.

– En 2018, le Chili était le 9e producteur mondial de raisin, avec 2 millions de tonnes produites; le 10e producteur mondial de pomme, avec 1,7 million de tonnes produites.

Le Professeur Patrizio Tonelli assistant à l’école de santé publique de l’université du Chili et chercheur à la faculté des sciences sociales d’Amérique latine (FLACSO, Chili), nous parle dans un article « du gout amer des fruits chiliens vendus en Europe(2021). »

« Favorisé par sa situation géographique et par les politiques de ses gouvernements successifs depuis trente ans, écrit-il, le Chili est devenu l’un des principaux exportateurs de fruits vers l’Europe. Cette activité est très lucrative, en particulier en raison du recours massif à des travailleuses saisonnières soumises à des conditions de travail précaires qui provoquent chez elles de graves problèmes de santé : douleurs musculosquelettiques et intoxications par les produits phytosanitaires, entre autres. «Nous voyons les résultats des pesticides sur nos enfants, mais personne n’en parle, cela reste caché. Pourtant les femmes donnent naissance à des enfants qui ont des malformations, des problèmes osseux», est-il précisé. En effet, les problèmes de santé que connaissent les ouvrières et ouvriers agricoles du secteur fruitier par suite de l’emploi de produits chimiques sur les cultures font froid dans le dos. »

La croissance des exportations agricoles de ces dernières décennies s’est accompagnée d’une augmentation des importations et de l’usage de pesticides hautement toxiques pour la santé humaine. Les données disponibles montrent que les quantités de produits chimiques agricoles importés sont passées de 5577 tonnes en 1984 à 32545 tonnes en 2008.

Le brouhaha médiatique auquel nous avons assisté, ces temps derniers avec l’utilisation par certains de l’hétéphon, provoquant une baisse de la consommation des bananes plantain, a au moins attiré l’attention sur le manque de surveillance, de vigilance, de contrôle d’autant que le monde agricole était parait-il au courant. Il nous semble que l’utilisation de ce produit va vite être réglée, mais que nous dit-on de ces légumes et fruits d’origines diverses importés en quantité importante et qui apparaissent dans notre quotidien depuis déjà quelques années.

Nous nous interrogeons fortement sur l’action effective de nos autorités sur ces circuits d’importation et de commercialisation forte. Les contrôles phytosanitaires serait-ils à géométrie variable ?

Julie Ostan-Casimir