— Par Jean-Marie Nol —
«Crier haro sur le baudet.» Cette drôle d’expression continue de faire vivre le mot «haro». Elle désigne une «manifestation d’indignation, de réprobation envers quelqu’un/quelque chose qu’on désigne comme responsable», ainsi que l’indique le Trésor de la langue française.C’est à La Fontaine que l’on doit la postérité de l’expression. Dans sa fable Les Animaux malades de la peste, le lion, le loup et d’autres puissants décident d’accuser un âne innocent d’être à l’origine de l’épidémie ; toute la faute est remise sur le baudet: «A ces mots on cria haro sur le baudet». Vous l’aurez compris dans le sujet qui nous préoccupe et dans le contexte d’actualité du congrès des élus de la Guadeloupe, le baudet c’est l’article 73 du statut de départementalisation. Depuis plusieurs années et encore ce mois ci le 17 juin 2025 , la Guadeloupe est le théâtre d’un débat institutionnel majeur : celui d’un éventuel changement de statut. Ce débat, aujourd’hui relancé avec insistance par nos élus à travers les congrès successifs et la promesse d’une « loi organique relative à l’évolution statutaire de la Guadeloupe », peine à convaincre une population de plus en plus sceptique. Face aux urgences concrètes – eau, routes, éclairage public, emploi, pauvreté, logement, transports, sécurité – pour lesquelles nos élus montrent une impuissance criante, comment croire que le salut viendrait soudainement d’un changement structurel, d’un basculement institutionnel ?
Le discours dominant laisse entendre que le statut actuel regi par l’article 73 serait l’obstacle principal au développement du territoire ,et donc de ce fait, il faudrait pour pouvoir régler les problèmes basculer dans le régime d’autonomie de l’article 74 . Pourtant, ce raisonnement masque difficilement une réalité plus dérangeante : l’inefficacité persistante des acteurs politiques en place. Car s’ils évoquent l’idée d’une collectivité unique en vantant une meilleure efficacité, une rationalisation des coûts ou encore des économies d’échelles promises avec une réduction du nombre d’élus, les exemples voisins – notamment en Martinique et en Guyane – démontrent plutôt le contraire : depuis le passage à la collectivité unique il n’y a eu aucune économie d’échelles mais bien au contraire l’on a noté une explosion de la masse salariale, un clientélisme renforcé, et une confusion des compétences. Ce sont les mêmes logiques de cooptation, les mêmes pratiques de « moun a moun » qui semblent se perpétuer, avec pour seul changement un pouvoir encore plus concentré dans une bulle bureaucratique.
Alors que certains fantasment déjà sur la figure d’un « Président de la Guadeloupe » tout-puissant, d’autres s’inquiètent à juste titre : faut-il vraiment confier encore plus de responsabilités à des élus qui n’ont pas su gérer l’essentiel ? Peut-on sérieusement envisager d’élargir leurs compétences aux domaines fiscaux, au droit du travail, ou encore à l’encadrement de la formation professionnelle quand on constate le naufrage d’organismes comme Guadeloupe Formation ? Peut-on croire qu’un pouvoir normatif et réglementaire aurait changé quoi que ce soit face à la crise de l’eau, à l’augmentation des violences (à ce jour 28 homicides dont la plupart par armes à feu), à l’inefficacité des politiques publiques ?
Pendant que l’on nous parle d’avenir institutionnel, la Guadeloupe souffre au présent. Et les comparaisons deviennent éloquentes. La Réunion, avec un statut pourtant identique au nôtre – Région et Département – a su construire un modèle de développement solide, structuré, cohérent, où les infrastructures répondent aux besoins de la population, où l’eau coule quotidiennement aux robinets, où la planification territoriale ne se résume pas à des promesses. La Réunion, qui a rendu immuable son statut de Région monodépartementale (avec un conseil régional et un conseil départemental) en l’inscrivant dans la Constitution française, est pourtant de loin le territoire le mieux administré et incontestablement le plus développé des dernières colonies françaises ( sic ..)
C’est peut-être moins une question de statut qu’une question de méthode, de responsabilité, de volonté politique.
Dès lors, cette fuite en avant institutionnelle ressemble pour beaucoup à une diversion. Car ce que les Guadeloupéens réclament, ce ne sont pas de nouveaux pouvoirs pour leurs élus, mais une réelle capacité à répondre aux enjeux du quotidien, à gérer efficacement les ressources existantes, à mériter leur confiance. Avant de rêver à une Guadeloupe avec une seule assemblée, un seul président, un pouvoir accru, peut-être faut-il d’abord prouver que l’on est capable de gouverner avec justice, transparence et efficacité dans le cadre actuel.
Alors que la Guadeloupe s’enfonce dans une crise multidimensionnelle – économique, sociale, environnementale – une frange de ses élites politiques agite, une fois de plus, le chiffon rouge de l’autonomie. Le dernier congrès des élus n’aura été, en réalité, qu’un théâtre institutionnel où l’on a joué une pièce déjà vue, usée jusqu’à la corde : celle du changement statutaire comme panacée universelle. Sous couvert d’une réforme administrative prétendument anodine, les élus ont tenté de vendre aux Guadeloupéens un projet de bascule vers un régime d’autonomie de type article 74, calqué sur celui de la Nouvelle-Calédonie. Une démarche à la fois trompeuse et dangereuse.
Ce qui fut présenté comme une simple fusion des assemblées régionales et départementales s’apparente en vérité à une transformation profonde des institutions locales, accompagnée d’un transfert massif de compétences, et donc de responsabilités. Pourtant, les réalités observées dans les collectivités dites “autonomes” ou à statut particulier sont peu engageantes. La Martinique, avec sa collectivité unique, croule sous les demandes de financement, notamment dans le secteur de l’agriculture et du BTP, sans parvenir à répondre à la crise sociale et économique. En Nouvelle-Calédonie, la situation est plus alarmante encore : le gouvernement autonome annonce une cessation de paiement. Ironie du sort, ce modèle d’autonomie brandi comme solution ultime est précisément celui qui révèle ses plus grandes failles.
L’autonomie fait peur, à raison. Elle évoque, dans l’imaginaire collectif guadeloupéen, une première étape vers l’indépendance, le saut dans l’inconnu, voire la perte de l’appui financier de la République. Et ces craintes ne sont pas infondées. Rien qu’en 2024, l’État français a débloqué quelque 830 millions d’euros hors de ses compétences pour soutenir la Guadeloupe, dans des secteurs aussi vitaux que l’eau, la canne, les programmes de rénovation urbaine ou encore les aides aux communes. Que se passerait-il si demain, dans un contexte de crise budgétaire nationale aggravée, ces flux venaient à se tarir ? L’autonomie signifierait, de facto, une prise en charge de ces dépenses par des collectivités déjà exsangues.
Mais au lieu d’alerter sur ces risques encourus , nos élus préfèrent brandir la promesse d’un pouvoir plus étendu, d’une “liberté normative” nouvelle. Ils évoquent la création d’un Parlement guadeloupéen de 60 membres, doté de compétences réglementaires en matière fiscale, sociale, syndicale, et même migratoire. Ce serait une révolution institutionnelle. Pourtant, la plupart des Guadeloupéens ne connaissent même pas le contenu exact de la fameuse « loi organique » que les élus appellent de leurs vœux. On leur vend une utopie sans en mesurer les conséquences.
Dans les faits, les collectivités uniques, loin de réduire les coûts, ont vu leur masse salariale augmenter. L’exemple martiniquais et guyanais est édifiant : chaque président nouvellement élu y recrute « son monde », dans une logique de clientélisme bien connue. L’effet est immédiat : une inflation des dépenses de fonctionnement, une paralysie des services, et une dégradation continue des finances publiques. Qu’adviendra-t-il en Guadeloupe, où les mécanismes de favoritisme et de népotisme sont déjà ancrés ? L’histoire donne une idée assez claire de la réponse.
Le rêve d’un “Président unique de la Guadeloupe”, cumulant les pouvoirs régionaux et départementaux, séduit sans doute certains élus. Mais les Guadeloupéens, eux, n’en sont pas dupes. Ils constatent que le modèle bicéphale actuel, s’il n’est pas parfait, offre un équilibre utile. À La Réunion, ce système a été conservé et même constitutionnalisé. Résultat : l’île affiche les meilleurs indicateurs de développement des Outre-mer, avec un réseau de transport efficace, une gestion de l’eau maîtrisée, et des infrastructures de qualité. Le développement est donc possible sans passer par l’autonomie.
Plus inquiétant encore est le constat d’une incompétence chronique de la part des élus locaux face aux défis quotidiens. Qu’ont-ils fait pour résoudre la crise de l’eau, dont ils ont pourtant la pleine responsabilité ? Que font-ils contre la violence des jeunes, les trafics, les carences éducatives ? Les Guadeloupéens, eux, voient bien que leurs élus échouent à répondre aux besoins fondamentaux, et cela, sous le régime actuel. Imaginer qu’un pouvoir élargi réglerait magiquement ces défaillances relève de l’illusion.
La structure même de l’économie guadeloupéenne devrait inciter à la plus grande prudence notamment en matière de fiscalité . L’essentiel des recettes locales repose sur des taxes vouées à disparaître ou à se réduire drastiquement : taxes sur l’essence, droits de mutation, octroi de mer. Or, la transition énergétique et les exigences de l’Union européenne condamnent ces leviers à court ou moyen terme. Comment compenser ces pertes ? Avec quels outils ? En vérité, aucune réponse crédible n’est apportée à la suite du rapport du cabinet parisien Levebvre mandate par les élus lors du dernier congrès . C’est là une arnaque intellectuelle ..
L’intelligence artificielle et la robotisation menacent, par ailleurs, une économie insulaire largement fondée sur les services. Des pans entiers de l’emploi guadeloupéen pourraient être automatisés sans que les élus n’aient anticipé cette rupture. À cela s’ajoute la vulnérabilité de l’île au changement climatique. Ouragans, élévation du niveau de la mer, destruction des écosystèmes… autant de périls qui pèseront lourdement sur le tourisme, l’agriculture, la pêche – trois secteurs clés. Or, ces enjeux supposent des investissements massifs que seule la solidarité nationale, dans le cadre de la République, peut garantir.
À l’image de la Nouvelle-Calédonie, qui, malgré son autonomie avancée, demeure dépendante financièrement de la métropole, la Guadeloupe ne saurait survivre sans transferts publics. La seule évocation de l’autosuffisance économique et financière relève de la fiction. L’île ne dispose ni d’une économie solide, ni des infrastructures, ni de la gouvernance, ni des ressources humaines nécessaires pour gérer seule des domaines aussi vitaux que le développement économique, l’éducation, la santé, l’eau ou les déchets.
En définitive, l’obsession autonomiste semble être un écran de fumée. Une manière, pour certains élus, de masquer leur incapacité à gouverner efficacement aujourd’hui, en promettant un hypothétique sursaut demain. Mais les Guadeloupéens n’ont plus besoin de promesses vides. Ils ont besoin d’un plan stratégique ambitieux, ancré dans le réel. Une vision d’avenir bâtie sur l’innovation, l’éducation, la résilience climatique et la diversification économique. Il faut briser les monopoles, promouvoir l’économie bleue, l’agriculture durable, les énergies renouvelables, et doter la jeunesse des compétences de demain.
Autrement dit, plutôt que de poursuivre le mirage d’une autonomie institutionnelle, la Guadeloupe doit se réapproprier sa capacité à agir au sein même du cadre républicain. Là se trouve la véritable émancipation : dans la compétence, la rigueur, la projection, non dans les slogans. Dans un monde bouleversé par l’IA, le réchauffement climatique, et – demain peut-être – un pouvoir central d’extrême droite, l’avenir se gagnera sur le terrain de la résilience économique et sociale, pas dans les chimères statutaires.
Il est temps d’ouvrir les yeux. L’autonomie, telle qu’elle est proposée aujourd’hui, n’est certaine ment pas la panacée et encore moins ni une solution, ni une nécessité. Elle est, au mieux, un leurre, au pire, un piège. La Guadeloupe vaut mieux que cela , et la problématique qui nous questionne nécessite une démonstration plus en détail et oblige à répondre à la question de savoir si au juste la Guadeloupe a-t-elle les moyens de son autonomie ?
Dans un monde qui se recompose à une vitesse vertigineuse, où les anciens équilibres géopolitiques cèdent sous la poussée de nouvelles forces militaires , économiques, technologiques et idéologiques, la question des rapports de force entre l’État français et ses territoires d’outre-mer retrouve toute son acuité. Il ne s’agit plus seulement de savoir qui détient la force brute, militaire ou économique, mais de comprendre comment celle-ci s’articule avec la justice, les valeurs, les ressources, et la capacité d’adaptation des sociétés. Ce dilemme ancien, formulé par le philosophe blaise Pascal dans ses Pensées – « il faut donner de la force à la justice pour résister à la force de l’injustice » – prend une résonance particulière dans le contexte actuel de la Guadeloupe. Car au-delà des débats institutionnels, c’est bien une question de rapport de force – interne et externe – qui se joue.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde a connu un renversement de l’ordre établi. L’Europe, longtemps dominatrice, a cédé sa place aux trois superpuissances du XXe siècle, les États-Unis , la Chine et l’URSS, avant de voir émerger un monde plus multipolaire. Cette nouvelle donne bouleverse toutes les hiérarchies : stratégiques, économiques, technologiques. Le monde s’est fragmenté, les certitudes se sont érodées, et le « libre-échange » est devenu une idéologie autant qu’un terrain de conflit. Les principes économiques qui sous-tendaient la mondialisation – comme les avantages comparatifs de l’économiste Ricardo ou la destruction créatrice de l’économiste Schumpeter – sont remis en cause par les ravages sociaux qu’ils provoquent, notamment dans les économies périphériques. Dans ce brouillard géopolitique et économique, la Guadeloupe tente de repenser son avenir.
C’est dans ce climat de tensions internationales, d’instabilités économiques et d’incertitudes technologiques que l’archipel s’engage dans un débat institutionnel aux allures de fuite en avant. L’idée d’un changement statutaire vers l’article 74 de la Constitution, promesse d’une autonomie accrue, est agitée comme un remède aux maux structurels de la société guadeloupéenne. Mais cette aspiration se heurte à un mur de réalités financières, économiques et sociales. L’exigence de plus de responsabilités locales est louable en apparence. Elle traduit une volonté de s’émanciper, de se prendre en main, de sortir de l’ombre de la tutelle post coloniale parisienne. Mais cette ambition, sans un projet économique solide, sans vision claire, sans moyens budgétaires durables, risque de se transformer en impasse.
Le paradoxe est cruel : demander plus de pouvoir et de liberté d’action dans la mise en œuvre des politiques publiques, tout en exigeant plus d’argent de l’État. En effet, la revendication d’une transition vers l’article 74 s’est accompagnée d’une demande de compensation budgétaire de 1,2 milliard d’euros. Une somme considérable dans un pays comme la France dont la dette publique a dépassé les 3 300 milliards d’euros en 2024, soit 113 % du PIB. Le contexte national n’est pas propice aux largesses. L’État est déjà confronté à des déficits financiers chroniques, des engagements européens contraignants, une crise du modèle social, et une inquiétante stagnation économique. Les marges de manœuvre budgétaires sont quasi inexistantes. Il paraît donc irréaliste d’espérer un soutien financier massif pour accompagner une autonomie institutionnelle de la Guadeloupe, sans contreparties drastiques et sans remise en question profonde du modèle économique actuel de la Guadeloupe .
Ce constat renvoie à une autre évidence : il ne peut y avoir de souveraineté institutionnelle sans souveraineté économique. Or, la Guadeloupe reste profondément dépendante des transferts de l’État français. Retraites, santé, éducation, aides sociales, subventions : l’ensemble du modèle économique et social repose sur cette solidarité républicaine. L’illusion serait de croire qu’un simple changement statutaire pourrait préserver ces acquis tout en gagnant en indépendance. En réalité, la fin du lien constitutionnel fort que garantit l’article 73 ouvrirait la voie à une désolidarisation financière assumée de l’État. Et cela, dans un contexte où les défis à venir exigent plus que jamais un cadre stable et solidaire.
L’exemple de la Martinique et de la Guyane, qui ont adopté une collectivité unique en 2015, devrait inviter à la prudence. Dépourvues de dotations suffisantes , ces collectivités font aujourd’hui face à des difficultés budgétaires majeures. Les allocations sociales non remboursées à l’euro près par l’État grèvent les budgets, les marges d’investissement sont réduites à peau de chagrin, et l’ombre de l’endettement plane. En 2023, ces seules allocations représentaient un tiers du budget de fonctionnement de la CTM. Et l’État, malgré les requêtes insistantes, reste sourd. À cela s’ajoute une inquiétude de fond : que deviendrait une collectivité guadeloupéenne autonome si elle se trouvait confrontée, comme cela est probable, à une catastrophe climatique ou sismique ? Qui paierait la reconstruction ? L’État ? L’Europe ? Personne ?
Dans cette équation périlleuse, le facteur technologique agit comme un catalyseur. L’intelligence artificielle, en bouleversant les métiers du tertiaire, menace les économies comme celle de la Guadeloupe, très administrativisées. Les fonctions support, souvent occupées par des jeunes et des femmes, sont parmi les premières ciblées. Sans réforme ambitieuse de l’éducation, sans plan de reconversion, c’est toute une génération qui risque de se retrouver sur le bord de la route. Le monde évolue plus vite que nos institutions. Et il faut s’y adapter.
Le changement climatique, quant à lui, n’est plus une hypothèse mais une certitude. Cyclones, montée des eaux, sécheresses, destruction des récifs : les Antilles sont en première ligne. Les besoins en financement pour s’adapter ou se protéger vont exploser dans les prochaines décennies. Sans financement de l’État, sans filets de sécurité, sans stratégie concertée, le risque est immense. Et à cela s’ajoute une démographie en déclin, un vieillissement accéléré de la population, et une économie incapable, en l’état actuel, de générer une richesse suffisante pour soutenir seule un modèle d’autonomie de société exigeant pour changer la donne en matière de développement.
Dès lors, faut-il encore s’étonner que certains experts regroupés au sein du cercle des économistes de la Guadeloupe s’alarment de cette tentative de changement statutaire ? Car l’autonomie, si elle peut être une voie, ne peut en aucun cas être un préalable. Elle ne se décrète pas. Elle se construit. Elle se finance. Elle s’assume. Elle implique des sacrifices, des réformes, une vision claire et partagée. Aujourd’hui, force est de constater que rien de tout cela n’est véritablement posé. L’économie guadeloupéenne n’est pas prête. Les institutions locales ne sont pas préparées. Le tissu productif est trop faible. La culture politique, encore trop marquée par le court-termisme et la défiance envers les élus , n’a pas encore intégré les exigences d’une pleine responsabilité.
Il ne s’agit pas de renoncer à toute évolution. Mais de la penser autrement. De la fonder sur le réel, non sur l’idéologie. De construire un modèle sui generis, un statut hybride entre l’article 73 et l’article 74, taillé sur mesure, qui permettrait de concilier autonomie de gestion sur certains sujets avec maintien de la solidarité nationale. Une autonomie à la carte, fondée sur un pacte de confiance entre l’État et la Guadeloupe, et non sur un ultimatum budgétaire. C’est dans cette voie de la lucidité, de la responsabilité partagée, que pourrait se dessiner un avenir stable et durable pour l’archipel.
En définitive, il ne s’agit plus de savoir si la Guadeloupe doit disposer de plus de pouvoirs. Mais de comprendre si elle en a les moyens financiers . Car dans un monde en mutation, où les rapports de force se redessinent sans cesse, où les menaces économiques, climatiques, sociales et technologiques et surtout militaires s’accumulent, le véritable courage politique n’est pas de clamer l’émancipation à tout prix, mais de poser les bonnes questions. De chercher à construire, pas à s’illusionner à partir d’une quête identitaire. De préférer la résilience à l’aventure incertaine. C’est à cette hauteur de vue que se jouera l’avenir de la Guadeloupe , et nous économistes sommes désormais prêts à y contribuer à l’aide d’une nouvelle vision prospective …
Jean Marie Nol économiste