La crise de l’essence n’est pas finie.

-Par Dolto, économiste—
 
crise_essenceLa sortie de crise du conflit de l’essence est intéressante à de nombreux égards. Par exemple, avant la crise, nous croyions savoir des choses sur la fixation des prix de l’essence que nous ne savions pas vraiment. Et nous ignorions beaucoup de choses dont nous sommes certains aujourd’hui à savoir qu’a notre sens cette crise n’est pas finie et qu’elle rebondira mais sous une autre forme . En bref, la crise n’est donc plus observable. Mais elle n’a pas disparu pour autant. Elle est devenue souterraine. Nous avons dû entièrement revoir un grand nombre de nos hypothèses notamment sur une baisse annoncée du prix de l’essence pour le consommateur . Mais nous avons beaucoup appris non sur la stratégie à venir de la SARA qui demeure opaque , mais dans le domaine des revenus des pétroliers , dont la corrélation réside dans le système des prix réglementés. Or Intellectuellement, ce système est virtuellement condamné par une nouvelle donne sur le marché des carburants et ça les pétroliers le savent maintenant depuis l’offensive du gouvernement sur leurs marges et c’est pourquoi ils ont opéré un repli tactique en donnant des gages provisoires aux gérants , mais il s’agit en fait d’un marché de dupes , car disons le tout net les promesses n’engagent que ceux qui y croient/les écoutent .                 A l’heure où les gérants de stations services disent s’être battus pour l’avenir de leurs entreprises , la sortie de cette grève n’est qu’un trompe l’oeil , car force est de constater que le problème de l’avenir de la SARA et donc du modèle économique et social actuel de la filière carburant reste entier . Il suffirait  , pourtant pour perenniser l’entreprise de raffinage en Martinique, que les compagnies pétrolières investissent 50 millions d’euros sur le site de la SARA pour adapter les installations à la demande du pétrole importé dans la zone Caraibe ou Nord Américaine . Soit epsilon des profits de Total.Une miette, comparé aux 13 milliards d’euros de profits que réalise quasi chaque année le géant pétrolier français.                                                                                 
 
Que subsistera-t-il des incidences de  » la grève  » sur les prix pour les consommateurs ?
C’est une question fascinante vu l’intensité des tensions ces derniers jours autour de cette question de l’essence , car la réponse est «presque rien à terme » , en dépit d’une baisse provisoire à court -terme dans les prochains mois . Mais le mot-clé dans ce cas est la visibilité à moyen et long terme car si l’on tient aux déclarations de ce mercredi 6 février 2014 de l’Union française des industries pétrolières (Ufip) , on comprend que les prix de l’essence loin de baisser dans les prochaines années vont au contraire augmenter sensiblement .
  • Les prix à la pompe des carburants augmenteront fortement en France d’ici à 2016, a prévenu ce mercredi l’Union française des industries pétrolières (Ufip). Mais pas à cause de la volatilité des cours du baril de brut.

Mauvaise nouvelle pour les automobilistes. Sans tenir compte des cours du pétrole, « il faut s’attendre à une augmentation très significative des prix à la pompe, essentiellement en raison de mesures fiscales« , a prévenu mercredi le président de l’Union française des industries pétrolières, Jean-Louis Schilansky, lors d’une conférence de presse.
Le représentant des pétroliers a fait ses calculs. En 2016, le gazole, principal carburant vendu à la pompe en France avec plus de 80% des volumes, devrait se renchérir de 8,5 centimes le litre par rapport à 2013, et l’essence de 7,7 centimes.

De nouvelles taxes bientôt en vigueur
Et l’Ufip de désigner les responsables de cette hausse :  la TVA, qui est passée de 19,6 à 20 % cette année, la contribution climat énergie, la taxe carbone, qui s’appliquera à partir de 2015 et les certificats d’économies d’énergies (CEE).
La taxe carbone représentera à elle seule 4 centimes dans l’augmentation attendue du gazole d’ici 2016, et les CEE environ 2,7 centimes.
« En 2016, c’est 4 milliards d’euros de taxes ou de simili taxes qui seront prélevées sur les automobilistes » a résumé Jean-Louis Schilansky.Les vendeurs de carburants français, dont le géant Total et la grande distribution, vont en effet être mis trois fois plus à contribution dès l’an prochain dans le cadre du dispositif des CEE, qui oblige les fournisseurs d’énergie à réaliser ou faire réaliser par des tiers des économies d’énergie, sous peine de pénalités.
« Dans la mesure où les marges de distribution sont extrêmement réduites, il est impossible pour les opérateurs d’absorber ce surcoût, qui sera donc répercuté au consommateur », a expliqué M. Schilansky. Autres facteurs de hausse, le relèvement de 7 à 7,7% de l’obligation d’incorporation de biogazole et la future obligation d’acheminer une partie des produits pétroliers raffinés importés dans l’Hexagone par des navires sous pavillon français.

Allourdissement de charges et menaces réelles sur l’existence de la SARA 

Ces hausses de prix ne profiteront pas au secteur du raffinage, dont le déclin de la rentabilité ne pourra être enrayé qu’au prix de nouvelles fermetures ou réductions de capacités.
Le secteur souffre d’une surcapacité structurelle en Europe, mais surtout de plus en plus d’une concurrence accrue des raffineries américaines, qui bénéficient pour leur part d’un avantage compétitif grandissant grâce à l’essor des hydrocarbures de schiste aux Etats-Unis, qui leur donne accès à des matières premières bon marché. En outre, de nouveaux acteurs font leur entrée au niveau mondial, en Asie et au Moyen-Orient.
« Toutes les raffineries sont menacées », a dit M. Schilansky. « La France a déjà fermé beaucoup de raffineries », qui sont passées de 12 à 8 depuis 2009. C’est donc probablement l’avenir de la SARA qui est d’ores et déja en cause car elle est une raffinerie plus vulnérable que les autres raffineries françaises, qui risquent toutes d’être touchés par ce mouvement . Shell avait enclenché le mouvement, Total lui a emboîté le pas. Depuis 2003, Shell et BP ont ainsi réduit de 40 % leurs capacités de raffinage européennes, contre 24 % pour Total. Mais le mouvement est européen, entre 2015 et 2030, ce sont une quarantaine de petites raffineries qui devraient avoir fermé en Europe, selon les ambitions portées par le patronat, poursuivant la tendance amorcée dès la fin des années 1970. Des compagnies qui, en se séparant une à une de leurs raffineries européennes, font pousser à l’autre bout du monde des usines modernes et flambant neuves, en Asie et au Moyen-Orient, Chine et Inde en tête.

Total investit… en Arabie saoudite mais pas aux Antilles !

Ainsi, la compagnie pétrolière française Total et son homologue saoudienne Aramco s’apprêtent à terminer , début 2014, l’une des raffineries les plus grandes et les plus complexes au monde, à Jubail, dans l’est de l’Arabie saoudite, dotée d’un système productif moderne permettant d’adapter le ratio gazole-essence souhaité. Le groupe n’arrête pas d’investir (145 milliards d’euros entre 2010 et 2015), essentiellement dans de nouvelles installations. Des sommes qui pourraient en partie servir à la reconversion des sites européens et notamment de la SARA qui ne procèce plus à aucun des investissements stratégiques necessaire à la survie du site mais bien au contraire  distribue à ses actionnaires dont Total 98% des bénéfices réalisés.

Le raffinage en Martinique est une activité sans aucun avenir de croissance

« Le gouvernement ne peut pas agir sur le coût de l’énergie, mais il peut alléger certaines des charges qui pèsent sur les raffineries, notamment des réglementations, afin de leur donner une bouffée d’oxygène », plaide M. Schilansky . Le nombre de stations-service en France a quant à lui continué à décroître: elles étaient 11.476 l’an dernier, soit 186 de moins par rapport à 2012. Mais « pour la première fois », la part de marché des enseignes traditionnelles (gérées par des pétroliers comme Total ou des indépendants) a progressé (+1 point à 38%) par rapport aux stations exploitées par des grandes surfaces, grâce à « l’émergence des stations d’enseignes à prix bas ».

Manifestement, le problème du carburant cher aux Antilles ne se réglera pas aussi bien par le décret Lurel que beaucoup de personnes le croient…La question est bien plus complexe qu’une simple opposition entre l’Etat et les pétroliers , ou entre les gérants de station service . Je pense donc que les véritables questions   sous-jacentes non évoquées par le décret Lurel résident dans la question essentielle du maintien et de l’avenir de la SARA . Et c’est pourquoi ce conflit de l’essence rebondira sur de nouvelles bases dans les prochains mois ou prochaines années .  La reprise de la distribution du carburant dans les trois DFA sert des objectifs politiques, car elle permet d’annoncer une économie pour le consommateur , que les problèmes sont surmontés avec la réduction à 9% des marges de la SARA et que la crise est derrière nous. Mais la vraie question est: est-ce suffisant pour le consommateur ? Tant que nous ne verrons pas baisser sensiblement le prix de l’essence donc le sort des personnes et entreprises qui souffrent actuellement , nous ne progresserons pas sur la lutte contre la vie chère et, bien sûr, la question du chômage. Nous sommes donc au tout premiers stades de la problématique . Il en faudra bien plus pour surmonter tout cela, car les incertitudes sont nombreuses pour l’avenir , avec le risque d’un nouveau conflit encore beaucoup mais beaucoup plus dur à prévoir sur cette question de l’essence avec des conséquences sociales importantes à attendre .Alors que retenir de ce conflit qui vient de se terminer comme un clap de fin d’un théâtre d’ombres chinois , on veut pouvoir en rire comme les gérants , en pleurer comme les citoyens pris au piège , s’en moquer comme les pétroliers ,s’en féliciter de la sortie sans trop de casse comme l’Etat , sans réaliser l’extraordinaire cruauté de cette mise à nue d’un dossier désormais miné !

Dolto