L’ ego en politique martiniquaise…

Par Roland Tell —

Comment comprendre le manque de dialogue social dans la gouvernance CTM ? Une telle question oblige à distinguer entre le Soi essentiel de la création politique, et l’Ego dictatorial, constamment centré sur lui-même. Quand l’individualité prend le pas sur la personne, notamment chez celui qui dirige, ce qui se manifeste alors, c’est l’étroitesse de l’égo, se sentant toujours menacé, et voulant accaparer le pouvoir pour lui-même. La personnalité n’apparaît jamais en cas de crise sociale, comme lors des mafestations des quarante agents contractuels, licenciés sans raison, par volonté présidentielle.

La personnalité n’apparaît pas, parce que l’esprit d’ouverture et de dialogue s’est éclipsé, caché dans l’étoffe et l’apparât de la gouvernance ! L’esprit de fermeture, plus que de fermeté, surabonde alors en morgue, en dédain, en mépris, pour le petit peuple agitateur des « contrats aidés ». Alors, le pouvoir de Cluny se fait intériorité à soi-même, comme dans la classe de collège, où s’est révélée naguère la racine première d’une individualité sévère. C’est pourquoi aussi, selon un poète, la vulgarité dit toujours « je », au sens d’égo centré sur lui-même. A la longue, l’égo politique se fait aujourd’hui égo matériel, catalyseur à la fois d’agressivité et de crainte.

Comment ne pas voir, en effet, sous le feu des caméras, ces femmes licenciées, qui se couvrent la tête, afin de ne pas être reconnues de l’exécuteur du licenciement ? Certes, elles souffrent, ces femmes, dans leur humanité bléssée, mais plus encore dans leur subjectivité de mères de famille, non seulement par l’opération de licenciement, dont elles sont victimes, mais surtout par le sacrifice de leur personnalité entière, dans leurs justes revendications. Se couvrir la tête accentue encore leurs souffrances, puisqu’elles semblent se désintéresser de leur humanité même, alors qu’auparavant, dans les défilés de la rue, dans une volonté désespérée, elles se voulaient presque en état de guerre !

Mésaventure ordinaire de l’histoire politique d’aujourd’hui, dans une Martinique, qui méconnaît le dialogue social. Il est donc inévitable qu’une tragédie, sociale ou politique, finira par surgir dans cette Collectivité, sans boussole, sans intelligence tactique, où l’excentricité calculée d’un semblant de dictateur tient à lui seul, à son gré, toutes les puissances du monde social ! Tout cela, ne manifeste-t-il pas, de plus en plus, un état général de désordre politique ? Comment faire pour mettre de la raison et de la créativité, dans une telle gouvernance, où la folie d’en haut – la folie des grandeurs, se laisse aller, de plus en plus, à l’ivresse particulière, qui consiste à déranger systématiquement les rapports habituels entre la vie politique et la vie sociale ? Tous ces états anormaux, ces bas instincts aujourd’hui victorieux, étrangers à la logique politique, à la bonne santé du pays-Martinique, quand donc cesseront-ils ?

ROLAND TELL