Jeunes issus de l’immigration : quels obstacles à leur insertion économique ?

La maîtrise du français, facteur clé de l’insertion des enfants d’immigrés

immigration-3— Par Pierre-Yves Cusset, Hélène Garner, Mohamed Harfi, Frédéric Lainé et David Marguerit —

« Les inégalités se creusent dès la maternelle et compromettent l’accès aux filières les plus favorables à la poursuite d’études supérieures »

Alors que la France s’interroge sur les fractures qui traversent son modèle de société, et que le gouvernement prépare des mesures visant à favoriser la participation des habitants des quartiers prioritaires à la citoyenneté et à l’activité économique, il est indispensable de partir d’une analyse qui démêle les multiples causes des difficultés d’insertion économique que rencontrent les « jeunes issus de l’immigration ».
Ces difficultés sont identifiables en matière d’éducation, d’emploi, de conditions de vie et de logement ; elles sont particulièrement marquées pour certaines catégories de population, dont les enfants ayant deux parents immigrés, les descendants d’immigrés d’Afrique, les garçons. Ces difficultés reflètent d’abord la situation socioéconomique de ces jeunes et de leurs parents, exposés aux défaillances de nos politiques publiques : obstacles à l’entrée sur le marché du travail des jeunes et des peu qualifiés, réussite scolaire tributaire de l’origine sociale, absence de fluidité du marché du logement, existence de discriminations. Les constats sont similaires pour les habitants des quartiers de la politique de la ville.
Qu’il s’agisse de l’éducation, de l’emploi ou du logement, l’analyse fait cependant apparaître qu’une part importante des écarts de résultats avec les populations sans ascendance migratoire directe ne s’explique pas par les seuls facteurs sociodémographiques observables. Un tel constat plaide pour que les politiques de droit commun soient complétées par des politiques spécifiques visant à lutter contre les inégalités. C’est pourquoi France Stratégie fera prochainement des propositions permettant d’orienter nos politiques publiques dans un sens plus favorable à ces populations qui cumulent les difficultés.

Lire le rapport : http://www.strategie.gouv.fr/publications/jeunes-issus-de-limmigration-obstacles-insertion-economique
La conclusion :
Les jeunes descendants d’immigrés restent particulièrement touchés par les diffcultés d’insertion professionnelle, et encore davantage depuis la crise de 2008, malgré les mesures qui ont pu être prises successivement, tant en matière d’éducation que d’emploi.
Cette situation aecte plus particulièrement les jeunes descendants d’immigrés africains (y compris le Maghreb) : taux de chômage, pour les moins de 30 ans, deux fois supérieur à celui des autres jeunes et taux d’activité des jeunes femmes sensiblement inférieur à celui de leurs homologues sans ascendance migratoire directe. Moins qualifiés, ces jeunes sont plus exposés à la précarité dans l’emploi, sourent de trajectoires heurtées et intègrent
moins la fonction publique d’État. Ces diffcultés se traduisent par un niveau de vie inférieur et par des situations de pauvreté plus fréquentes.
Plusieurs types de facteurs, en partie liés, sont avancés pour expliquer les dicultés particulières rencontrées par les jeunes descendants d’immigrés : un milieu socioéconomique plus modeste que celui du reste de la population ; des parcours scolaires plus diciles, avec davantage de sorties du système éducatif sans diplôme et des niveaux de diplôme moins élevés, tout particulièrement pour les garçons ; des orientations moins favorables avec un faible taux de poursuite dans le supérieur, et, pour ceux qui sont orientés vers les filières professionnelles, un moindre accès à l’apprentissage ; une concentration spatiale au sein de quartiers et communes cumulant les dicultés économiques et sociales.
Toutefois, ces facteurs ne peuvent expliquer à eux seuls les écarts mentionnés en termes d’insertion économique. Même une fois neutralisés les effets de structure (origine sociale des parents, niveau de diplôme, localisation), un risque de chômage plus élevé persiste pour les descendants d’immigrés. Cet écart non expliqué renvoie à des facteurs non pris en compte dans les enquêtes, dont des phénomènes de discrimination.
Au regard de ce constat, l’attention aux origines de ces jeunes, nés et socialisés en France, doit-elle être le point de départ d’une diérenciation entre les citoyens français en fonction de leur ascendance migratoire ? Il convient certes de mobiliser les politiques de droit commun : politiques de l’emploi, de l’éducation et du logement, renforcement des politiques de lutte contre les discriminations. Mais au vu des dicultés spécifiques qui ont été identifiées, il est urgent de réfléchir aux moyens de compléter ces politiques par des mesures particulières en direction des quartiers de la politique de la ville d’une part, des descendants d’immigrés de l’autre. Ces actions doivent s’accompagner de mesures permettant d’assurer à ces populations une plus grande représentation politique.