Internet : un danger potentiel pour la Guadeloupe et la Martinique ?

— Jean-Marie Nol —

Le marché du e-commerce est en constante évolution en Martinique et en Guadeloupe et occupe une place de plus en plus importante dans les habitudes de consommation et d’achat des guadeloupéens et Martiniquais
. Pour illustrer les proportions que prennent ce phénomène, voilà les chiffres clés du e-commerce en Guadeloupe en 2018 :

1. Les achats et préférences en ligne à la Guadeloupe.

85 000 guadeloupéens ont acheté sur un site internet durant ces 6 derniers mois.49% ont l’intention d’acheter à nouveau sur internet durant les 6 prochains mois.44% des cyber acheteurs achètent un produit immédiatement après s’être renseigné.80% des internautes qui se renseignent sur un site vont acheter sur ce même site.68% n’ont pas de préférence entre les sites en ligne et les autres. Seuls 5% des acheteurs ne se renseignent pas avant d’acheter.

2. Les produits en ligne les plus achetés à la Guadeloupe.

Les voyages et billets d’avion représentent 37% des achats en ligne, soit un panier moyen de 1 201€……….6 achats sur 10 sont des vêtements, chaussures, ou de la lingerie, soit 59%, et le panier moyen est de 88€.Les produits culturels comme la musique et les films correspondent à 31% des achats en ligne, soit un panier moyen de 38€. Nous sommes en présence d’un phénomène dont nous sous estimons la dangerosité pour l’avenir économique de notre pays. Et pourtant ça c’est grave !
Le Web marchand, l’ami nous fait faire des économies, mais qui va détruire notre niveau de vie et mettre en faillite la grande majorité des commerces de la Guadeloupe.

L’internet a 20 ans, il a changé nos vies en nous donnant un accès rapide à l’information, à la culture, à la connaissance. Ce sont aussi les réseaux sociaux, qui amènent de nouvelles façons de communiquer ou le web marchand, qui permet de nouvelles manières d’acheter et de consommer des Biens et des Services.

Mais les processus commerciaux du Web Marchand, du E-commerce vont tuer l’économie guadeloupéenne . Comment ? C’est malheureusement très simple.

Voilà une question qui vient régulièrement hanter mes observations de la scène du commerce de détail tant dans le centre ville de pointe à pitre que de basse-terre . J’ai vu disparaître au cours des dernières années de nombreuses enseignes de commerce traditionnel, alors que le commerce en ligne bondit d’une année à l’autre. On peut certainement s’interroger sur ce que l’avenir nous réserve sur ce front.
Le paiement d’un Service par Carte Bancaire sur un site web est extrêmement simple : Il suffit de mettre sa commande dans un panier virtuel, de remplir le formulaire de paiement avec son numéro de carte, de sécuriser le paiement d’une manière ou d’une autre et de se faire instantanément livrer le Service qu’on vient d’acheter.

Mais analysons un peu plus en détail le processus sous l’angle unique de la facturation et du flux de trésorerie qui paye cette facture. Dit autrement : quelle est la société qui facture et qui encaisse l’argent ?
C’est tout simplement une société étrangère à la Guadeloupe. Dans ce nouveau modèle économique, le consommateur est totalement satisfait, car il paie nettement moins cher, mais posons nous la question de savoir à quel prix pour l’économie et l’emploi en Guadeloupe ?

Prenons le cas d’une entreprise guadeloupéenne , qui avait un modèle économique traditionnel, c’est à dire que les magasins payaient des droits de franchise, payaient des loyers, employaient des salariés, payaient de la publicité, de la TVA, des charges et taxes, etc.

Aujourd’hui, quand vous achetez sur internet , il n’y a aucune activité économique en Guadeloupe ni rentrée d’argent , à part peut-être l’octroi de mer . Tout est géré en France hexagonale ou aux Etats Unis, de manière centrale et unique pour le monde entier, la facturation est externe à la Guadeloupe.

Qu’est ce que ça veut dire ? Tout simplement que des millions d’euros , quittent aujourd’hui la Guadeloupe et partent à l’étranger. En échange, il n’y a aucun emploi créé en Guadeloupe , aucun loyer, aucune taxe, pas de TVA, pas d’Impôts sur les Sociétés.
C’est la théorie de la destruction créative.

Vous pouvez dire : « C’est la théorie de la destruction créative. On détruit des emplois dans des centres-villes obsolètes pour les recréer ailleurs dans des secteurs modernes comme les centres commerciaux de destreland ou milenis(eux mêmes d’ores et déjà condamnés à terme par l’ultime étape d’une fuite des ressources financières dans le net ». C’est malheureusement vrai, mais là, on les(les ressources financières) perd désormais en Guadeloupe pour les recréer à l’étranger et on remplace des flux de trésorerie qui restaient en Guadeloupe , qui faisaient tourner l’économie locale par une sortie définitive d’argent vers l’étranger.

La seconde remarque que je fais est que la valorisation des importations est nettement supérieure avec ce processus, donc ce phénomène vient aggraver la balance commerciale de la Guadeloupe qui devient encore plus déficitaire .Nous sommes en train de jouer avec le feu et ce avant même que la révolution numérique et l’intelligence artificielle finisse le travail de destruction massive de l’économie guadeloupéenne. A méditer…..

Jean-Marie Nol