Guyane : constat d’une crise qui restera profonde et qui sera durable !

— Par Jean-Mrie Nol, économiste financier —

Depuis le 27 mars dernier, la Guyane vit au rythme d’une grève qui semble près de se terminer en eau de boudin . Entre revendication d’un peuple dans la tourmente et proposition du gouvernement , il semble que la Guyane se dirige dans une impasse .                                                                                 
Le consta

t de la situation est sans appel : Services publics en déliquescence , insuffisance des infrastructures actuelles , immigration mortifère ,vie chère, chômage important des jeunes ,dépendance accrue au spatial , demande illusoire de plus d’autonomie pour régler les problèmes dans le contexte actuel : La Guyane est à la croisée des chemins avec un mouvement social qui semble se diriger vers une sortie de crise non maîtrisée !  La principale source de tous les problèmes de la Guyane est incontestablement l’immigration incontrôlée et ça on ne le dit pas assez ! La Guyane est un territoire qui maîtrise très mal ses frontières avec une immigration provenant majoritairement du Brésil , du Guyana , ou du Suriname. Cet afflux de migrants constitue une réelle source d’insécurité. Le département de la Guyane est une passoire. Les flux migratoires ne sont pas du tout régulés. Des migrants arrivent principalement du Brésil , du Guyana ou du Suriname voisin. Soit ils restent dans le Sud et participent à une économie parallèle, à des trafics internationaux. Essentiellement dans l’orpaillage et la pêche . Une véritable mafia.L’autre forme d’immigration ressemble à ce que connaît Mayotte. Des femmes viennent accoucher sur le sol de Guyane, donc en France, pour que leurs enfants bénéficient du droit du sol et naissent Français.

Les Guyanais voient des immigrés profiter des transferts sociaux de la métropole. Cela développe beaucoup de colère et de frustration .  Cette immigration incontrôlée sera appelée à perdurer voire à s’intensifier avec le nouveau développement induit par les mesures gouvernementales du plan d’urgence  . Plus d’activité économique , plus d’écoles , plus d’hôpitaux , plus d’argent pour le RSA, seront un véritable appel d’air pour les immigrés des régions voisines comme le Surinam et le Brésil durement frappé actuellement par la crise .C’est la politique de l’impuissance qui attend la collectivité de Guyane car à tout considérer ce sera au choix le chien qui se mord la queue ou le tonneau des  Danaïdes pour les finances de l’ETAT et ce au détriment financier des autres collectivités d’outre-mer telles la Guadeloupe et la Martinique . (Dans la mythologie grecque, les Danaïdes sont les cinquante filles du roi Danaos condamnées, aux Enfers, à remplir sans fin un tonneau troué ).

Malgré un secteur public important et la présence du centre spatial, l’argent manque dans les caisses et la collectivité de Guyane n’a de cesse de réclamer toujours plus d’argent à l’Etat et ce en dépit d’un récent changement statutaire . La collectivité demeure impuissante à sortir la Guyane de la pauvreté. Nous allons dresser le constat d’une Guyane qui ne travaille pas assez dans la mesure ou la productivité des travailleurs guyanais est inférieur de 30% à celle des travailleurs de l’hexagone . Malgré cette faible productivité, les salaires eux, sont relativement élevés. Les fonctionnaires présents sur place bénéficient d’une surrémunération. Ces salaires ont pour effet de tirer les prix vers le haut. La conséquence, dans ces circonstances, c’est qu’on embauche a minima. D’où ce chômage très élevé. Qui génère de l’insécurité. Avec 22% de chômage et 44% de pauvreté, la Guyane peine à maintenir la tête hors de l’eau. D’un point de vue économique et social , 60 % de la population guyanaise est composé d’inactifs et 52% sont illéttrés .   

L’économie de la Guyane reste trop faible.Contrairement à ce qui est dit , la Guyane est très soutenue par la France métropolitaine à cause du spatial , au point que son économie est très fortement dépendante des transferts venus de celle-ci. Les activités productives de la Guyane restent très limitées, elle importe pratiquement tout, nourriture comprise. Mais elle se trouve dans une situation globale bien meilleure que ses voisins, d’ou cette immigration massive qui oblige sans cesse à mettre à niveau les services publics et les infrastructures , d’ou l’imposant cahier de revendication touchant principalement aux équipements ( écoles , routes , hôpitaux , tribunaux , préfecture de police et autres commissariats et gendarmeries .

L’économie guyanaise repose presque entièrement sur le secteur public. Ce sont les services publics qui fournissent de l’emploi. Et c’est pareil pour les investissements . Selon l’Insee, un tiers des actifs étaient dans la fonction publique en 2014. Et le ministère du Budget affirme que ce sont 1,6 milliard d’euros, soit 40% du PIB régional, qui ont été transférés par la France métropolitaine en Guyane la même année. On constate que la Guyane hors spatial, est assez dépendante des transferts métropolitains à l’instar des autres départements d’Outre-mer. Le problème, c’est l’insuffisance de la production locale, lorsque vous injectez des transferts métropolitains, la quasi majorité repart sous forme d’importation. Ainsi, les effets multiplicateurs sont très faibles. L’enjeu principal, c’est d’améliorer la capacité de production de l’appareil économique guyanais afin de répondre à la demande intérieure.
En fait, il y a deux Guyane, car son économie est très duale, et ce contrairement à la Guadeloupe ou la Martinique .

D’un côté, il y a cette Guyane très moderne, avec le centre spatial guyanais, d’où décollent les fusées Ariane, et qui réunit 15 % de la population active.

De l’autre, une Guyane peu développée, qui couvre un territoire immense de forêts, avec un peu d’agriculture et d’exploitations aurifère et pétrolière, et une ville de Cayenne qui a du mal à se moderniser. Très peu d’industries, et, surtout, très peu de compétitivité. Son économie est surtout tertiaire, avec beaucoup de services publics, commerces, transports,…

Au final, le territoire est très dépendant des transferts publics de la métropole. Financements publics extérieurs, État et institutions publiques représentent en effet près de 90 % de la création de richesse du territoire.

Si la région est aussi dépendante du public, c’est parce que le secteur privé y est très mal développé . La Guyane, 30% moins productive que la France dite métropolitaine , souffrirait d’une trop faible attractivité . La main-d’œuvre y est moins qualifiée : 50% de la population est peu voire pas diplômée. De plus, les coûts de production y sont particulièrement élevés et les entreprises rechignent à s’y installer dans les secteurs productifs .

Pour satisfaire ses besoins, la Guyane est dépendante des importations, y compris en bois alors que la forêt couvre 96% de son territoire ! En 2015, elle a importé 1,2 milliard d’euros de produits, alors qu’elle n’a récolté que 138 millions de ses exportations. Son économie n’est tournée que vers la consommation, d’où un déficit commercial particulièrement difficile à combler.

Seul le spatial, dépendant de l’investissement public, permet de dynamiser un peu l’économie du territoire. Véritable vitrine industrielle avec 12 lancements réussis en 2015, le secteur représente 16% du PIB et 12% de l’emploi, selon l’Insee. Il génère 25% des recettes fiscales. Mais cela ne suffit pas car à côté, les autres secteurs font grise mine. Le secteur primaire ne représente par exemple que 3% du PIB. Pourtant l’or et la forêt sont là. Les ressources naturelles sont relativement nombreuses en Guyane, mais elles peinent à être réellement exploitées, faute d’investissement. Quand elles ne sont pas pillées.De plus, malgré les avantages fiscaux concédés par l’hexagone , le territoire est contraint d’emprunter pour s’en sortir , car la population, elle, ne cesse d’augmenter. Il y avait 250 337 habitants en Guyane en 2015, il pourrait y en avoir 574 000 d’ici 2040, selon les prévisions de l’Insee. Avec plus de 40% de jeunes de moins de 20 ans. La croissance démographique, à la fois due à la natalité et à l’immigration, absorbe la moindre augmentation du PIB , et c’est en cela qu’on pourra parler de choc dans les années qui viennent .
A cela, s’ajoute «un problème de gestion» de la part des élus locaux . La collectivité territoriale croule sous les dettes. En 2015, le ministère des Finances notait qu’il manquait 27 millions d’euros dans les caisses guyanaises. Résultat : la Guyane ne parvient même plus à payer ses fournisseurs , d’ou un crédit exceptionnel immédiat de 80 millions d’euros promis par le gouvernement à la collectivité. «Il faut souvent que les entreprises attendent 70 jours avant de recevoir leur dû», note un économiste .

Alors que la Guyane est bloquée depuis plus de deux semaines et que le mouvement de contestation commence à s’essouffler sérieusement , le milliard d’euros promis par le gouvernement ne satisfait pas le collectif guyanais «Pou la Gwiyann dékolé». Il demandait 2,5 milliards d’euros au début du mouvement de contestation  : il en réclame 3,1 aujourd’hui. Une chose est sure, les moyens budgétaires ne sont pas disponibles pour aller au-delà de l’enveloppe proposée par la ministre d’Outre-mer et du premier ministre malgré des demandes relevant pour certains de la folle  surenchère de la part des Guyanais. Aujourd’hui le point à prendre en compte est le risque de blocage qui pourrait amener à un recul. Conséquence : un appauvrissement de la population d’un point de vue économique à l’instar de ce qui s’est passé en Guadeloupe, Martinique et la Réunion en 2009.

La crise en Guyane pourrait-elle faire effet boule de neige dans les Outre-mer ? « Ce n’est pas un risque négligeable ,car ce que l’on constate, c’est que les conditions se sont dégradées partout dans l’ensemble des géographies ultra-marines  » dit un économiste spécialiste de l’outre-mer  .Les autres territoires ultra-marins comme la Guadeloupe ou la Martinique partagent le même modèle économique. Actuellement, ce dernier modèle dit de départementalisation est en train de s’essouffler. Avec une croissance quasi nulle en France , c’est l’épuisement des transferts en provenance de la France métropolitaine qui explique en partie cette affaiblissement. Alors que le processus de rattrapage n’est pas encore terminé. En effet, des territoires comme la Martinique et la Guadeloupe accusent un retard de près de 15 ans tandis que pour la Guyane c’est 25 ans et pour Mayotte, c’est 40 ans d’écart. Face à cette impasse, deux possibilités pour les populations : généraliser les conflits en tentant d’avoir d’autres transferts métropolitains ou bien changer de modèle. Ce qui supposera que toutes ces économies se développent autour d’une construction plus endogène, moins dépendante de la France métropolitaine , en créant plus de richesse de manière locale. Le développement de la Guyane ne viendra pas de Paris. Il faut que les Guyanais se retroussent les manches, pour augmenter leur productivité. Ils doivent travailler plus intensément en cassant l’assistanat ambiant .                                                                                                                                                                                      

 Le modèle économique et social Français, sous sa forme actuelle, habitue encore les citoyens de Guyane , Martinique et Guadeloupe à un train de vie qui n’est virtuellement plus abordable car il est financé à crédit depuis 1974, date du dernier budget voté à l’équilibre en France . Depuis, la dette à littéralement explosée et pourrait alors devenir insoutenable avec la remontée probable des taux d’intérêts. La solution , quelque soit le gouvernement en place à l’issue des prochaines élections présidentielles , ne peut être que radicale : la poursuite de réformes structurelles lourdes tout en continuant à marche forcée la réduction des déficits .

Malgré tout, la France ne parvient plus à financer ses dépenses sur la base de ses seules recettes fiscales : le système social vit donc… à crédit. Avec une croissance zéro en Guadeloupe et une récession en Martinique et Guyane comme cela s’avérera fort probable fin 2017, nous pourrons dire adieu au mode de vie auquel nous sommes tellement attachés : école gratuite pour tous, système de santé au top, protection sociale….etc..Croissance zéro ! L’expression a quelque chose de glaçant. Derrière la récession on imagine le rebond. Mais là ce deuxième zéro pointé consécutif illustre bien la panne économique, mais surtout psychologique et morale que subira la Guyane : investissement des entreprises en recul du fait du désordre ambiant , commerce extérieur réduit à epsilon avec le repli du centre spatial , et la consommation des ménages n’y résistera pas sur fond d’inflation et de vie encore plus chère. Alors oui, tout le monde attendra et implorera le retour d’une dynamique de la croissance avec l’injection de milliards au sein de l’économie guyanaise, car tous les dispositifs sociaux en dépendent et le mode de vie repose sur des «sociétés fondées sur la croissance» : notre dynamique sociale, notre imaginaire sont construits autour de l’idée que la croissance doit croître indéfiniment afin de maintenir notre niveau de vie et nos avantages sociaux. Si les ménages français ont le moral dans les chaussettes, c’est qu’ils s’inquiètent de la situation de l’économie (91% se disent préoccupés sur cette question).

Les Français savent qu’il va se passer quelque chose en 2017…d’ou leur profond attentisme en ce qui concerne les élections présidentielles ,  car ils savent confusément que , depuis 40 ans la France est dans une phase de déclin : on suit la pente, c’est devenu presque confortable… mais les Guyanais peuvent-ils, veulent-ils imaginer vraiment la fin du décrochage avec le plan et pacte d’avenir  proposé par le gouvernement et éviter le précipice au bout du chemin statutaire d’autonomie ?

La croissance n’est pas pour demain et la solvabilité de la collectivité de Guyane se dégradera à terme en dépit des 500 millions promis par l’Etat , car les mêmes causes produiront les mêmes effets en pire si l’on considère que dans dix ans la population guyanaise devrait encore doubler. Ne faut-il pas dire enfin la vérité aux Guadeloupéens et Martiniquais ?

Ce qu’il faudrait faire aujourd’hui,à l’instar de ce que nous proposons pour la Guadeloupe et la Martinique , c’est changer le modèle économique guyanais. Il faut définir un nouveau modèle basé sur un réel pacte de compétitivité, productivité et croissance , et mettre au tour d’une table, l’ensemble des acteurs afin de constituer un nouveau projet de développement et de société., voire un nouveau statut plus adapté selon les Guyanais mais là ce sera à leurs risques et périls , car changer le statut pour plus d’autonomie , c’est exactement le dessein recherché par la France pour ne plus déverser autant de transferts publics en outre- mer .

Économiquement,nous réitérons que la Guadeloupe et encore plus la Martinique pèseront sensiblement moins dans dix ans qu’il y a dix ans. En effet, un hypothétique redressement de la croissance économique de la France conditionné à la mise en place de mesures aptes à stimuler l’activité économique permettrait certes de limiter la dégradation du PIB des deux îles, mais la diminution demeure inéluctable en raison de la contrainte budgétaire .

Aujourd’hui, beaucoup d’entre nous se méfient des institutions politiques.Ces dernières ont gagné en autonomie et revendiquent leur propre souveraineté, mais peinent à satisfaire les demandes des citoyens et à notre sens cela va s’accroître à partir de 2017 avec les intentions affichées du nouveau président de s’attaquer à la dépense publique sachant d’ores et déja que l’effort financier de l’Etat français pour l’outre- mer s’élève à 18 milliards d’euros.…Une chose est certaine : La facture est appelée non à augmenter mais à s’alléger dans les années à venir

jean marie NOL

Economiste financier