Gérard Depardieu dans « L’Homme qui rit » : un dernier nanar pour la route

–A Madiana–

Par Vincent Malausa
Chroniqueur cinéma

LE PLUS. Ce jeudi 27 décembre, c’est l’anniversaire de Gérard Depardieu ! Et comme cadeau, quoi de plus beau que de jouer dans le nouveau film de Jean-Pierre Améris,  « L’Homme qui rit ». L’ex-monstre sacré du cinéma devenu une bête de foire médiatique réussit-il à faire oublier la polémique ? Vincent Malausa, chroniqueur cinéma au Plus, est loin d’être convaincu.

 L'homme qui rit (Thierry Valletoux / Inognita / Europacorp)

« L’homme qui rit » de Jean-Pierre Améris (Thierry Valletoux/Inognita/Europacorp)

CINÉMA. Il y a au moins une bonne raison d’apprécier « L’Homme qui rit » : celle de constater à quel point tout le délire qui a accompagné l’exil de « Depardiou » (tel qu’on le surnommait du temps de sa tentative ratée de conquête de l’Amérique) n’était que du vent. Du vent, car quand on décide aujourd’hui de mesurer de quelle perte réelle il s’agit pour ce sinistre « art national » dont l’acteur est censé incarner l’esprit et la lettre, le bilan touche au néant absolu.

 

Pars vite et reviens tard

 

Depuis qu’il s’est embarqué dans son rôle médiatique d’usine à gaz ou de citerne ambulante (pets, rots, insultes et arrogance de grand patron se relâchant en public), l’acteur pouvait se défendre au seul nom de son talent démesuré. Mais que reste-t-il de ce talent à l’heure où sa carrière est devenue un énorme fourre-tout désarticulé auquel cet « Homme qui rit » apporte une sorte de point final dans la nullité ?

Bande-annonce de « L’Homme qui rit » de Jean-Pierre Améris (Allociné)

Ce n’est effectivement pas le rôle majeur que le nouveau citoyen du monde tient dans le film qui va nous faire espérer son retour précipité au bercail : non seulement le film est un pathétique nanar, mais Depardieu lui-même – qui interprète Ursus, le gros charlatan en roulotte qui recueille Gwynplaine – n’y est qu’une sorte de pantin caricaturant à outrance tout ce qu’il est devenu à coup de tirades ronflantes, de cabotinage théâtreux et de folklore bohème plus proche des ficelles grossières d’Hector Malot que de l’ampleur romanesque de Victor Hugo.

 

Une œuvre liquidée

 

De l’œuvre trouble, remuante et déréglée de Hugo ne subsiste d’ailleurs absolument rien : on a l’impression que Jean-Pierre Améris filme ce monument de romantisme noir à l’atmosphère hallucinée et délétère de la même manière que s’il mettait en scène une pièce de théâtre de boulevard avec Georges Beller et Marie-Ange Nardi.

 

L’imaginaire déréglé et les corruptions vénéneuses du récit hugolien ne sont pour Améris qu’un tremplin vers le kitsch le plus consommé : quelques pincées de sous-gothisme burtonien (avec Marc-André Grondin en Johnny Depp passé par la case Michou), une suite d’images d’Épinal engluées dans une mare de pétrole et un soupçon de profondeur politique digne d’une AG de lycéens en grève (la fougue pré-révolutionnaire de Gwynplaine réduite à quelques discours pathétiques).

 

Difficile de s’attarder plus longtemps sur le reste : mis à part quelques instants où le film se détraque un peu (comme ces pouffements de rire des serviteurs au moment où le héros devenu marquis se fait habiller), l’ensemble est tellement simplifié qu’il finit par ressembler à l’adaptation d’une comédie musicale pompière comme il en fleurit tant aujourd’hui.

 

On ne peut redouter qu’une chose à la vision de ce sombre navet : que la société de Luc Besson à l’origine du projet profite du succès du film pour puiser dans le patrimoine de la littérature du XIXe siècle, comme elle l’a fait avec les genres qu’elle passe son temps à fossoyer (action, kung fu, etc.)…

 

On imagine déjà ce que serait une adaptation d' »Une Saison en enfer » (avec Grondin ou Duris en Rimbaud) ou d' »À rebours » (avec Depardieu en des Esseintes) entre les grosses pattes du plus sinistre liquidateur du cinéma populaire français.

 

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