From Liverpool… ou la « laïcité » revisitée

Carnet de route 1

— Par Roland Sabra —

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Pourquoi la tartine de confiture tombe-t-elle toujours du côté de la marmelade ? Pourquoi votre ordinateur tombe-t-il toujours en panne au moment même où vous aller en avoir le plus besoin ? C’est le vendredi soir vers 22 heures, alors que je devais m’envoler le samedi matin pour Liverpool que mon Asus Eee PC Seashell prenait l’eau. Sans m’en avertir. Un Seashell prendre l’eau? J’aurais dû m’en douter et choisir un autre modèle. Il s’est éteint tout d’un coup au cours d’une simple opération de maintenance. Que faire ? Le laisser à Paris ? L’emporter hors d’usage chez les Anglais ? Lui et moi c’est une histoire qui dure. Ensemble nous avons fait des dizaines et des dizaines de milliers de kilomètres, usé de bien des types d’adaptateurs électriques. Il y a le chinois, le sud-africain, l’indien, le nord-américain, le brésilien, l’européen et l’anglais puisque chacun sait que l’Angleterre ce n’est pas tout à fait l’Europe comme les charmants habitants de ce non moins charmant pays s’entêtent à nous le rappeler en toute occasion. Bon c’est vrai ce Seashell se faisait de plus en plus molokoï. Mais ce n’est pas parce qu’il est vieux et mal en point que je vais m’en débarrasser. En vieillissant je m’attache aux vieilles choses. Bizarre non?
L’Angleterre a du bon, sinon je n’y serai pas. Il y a des « Computer Clinic ». Enfin j’en ai trouvé une à Liverpool. Le médecin m’a expliqué que mon pronostic était foireux, que si j’avais parié j’aurais perdu, que lui bien qu’Anglais ne faisait pas de pari, du moins pas dans son boulot, qu’il se contentait dans son activité présente de faire un diagnostic et que celui-ci portait non pas sur le disque dur mais sur la carte vidéo, qu’il fallait changer, que cela me couterait 80£ ; soit plus que la valeur vénale, c’est bien le mot, de ma machine…
Je l’a déjà dit et je le répète en vieillissant je m’attache aux vieilles choses. J’ai donc choisi à l’encontre du calcul coût/avantage des économistes libéraux de faire réparer ma vieille machine pour un coût de 80 X 1,33 = 106 , 40 Euros ! La baisse de l’Euro est bien « « assommante » et trébuchante », pour mes finances.

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A l’école,  puisque la première chose que j’aurais faite après avoir quitté l’enseignement comme prof sera d’être retourné en classe comme élève, j’ai intégré un groupe de débutants!!!. Nous sommes six. Trois femmes et trois hommes, trois musulmanes, un musulman, un chrétien et un athée. L’une portant niqab, une autre tchador et la dernière tête nue. Le niqab est très classe : un Versace ! L imprimé du tissu l’affiche. Des fois qu’on ne saurait pas ! Contraint de réviser ma conception de la laïcité je sympathise avec le regard sous niqab. On se regarde. Ses pupilles brillent; je devine le sourire sous le masque. Visite de la ville avec un guide. Devant un  immense Atlas les affichant « Deo gratias »   « bene pendentes » je m’adresse au groupe et déclare  » Si vous en doutiez, c’est un homme ». Nos regards se croisent de nouveau. Elle rit sous cape, sous casque. Elle est jeune. Très jeune, L’âge de mes petits enfants… si j’avais la chance d’en avoir. Son chaperon me tire la gueule. Il ne m’adressera plus la parole, inquiet de qui pourrait s’approcher des deux niqab dont il a la surveillance puisqu’un autre plus ordinaire, si tant est que la chose soit ordinaire, s’est joint au groupe.   Devant la tour de la télévision avec sa couronne panoramique qui contenait un restaurant avant qu’il ne brûle l’unique commentaire d’un étudiant allemand sera : « Celle sur l »Alexanderplatz à Berlin  est plus haute! » Rassuré d’avoir la plus longue, la plus grande il part courtiser une compatriote. Gross Deutchland! pour toujours semblable à elle-même!  Beaucoup d’étrangers donc, avec une forte proportion en provenance du golfe persique ou arabique en l’occurrence, on peut y ajouter une bonne pincée d’hispanisants de toutes origines, un ou deux lusophones, trois au quatre allemands, une louche de français dont trois caribéens, en sus de votre serviteur. J’accomplis enfin un rêve qui ma poursuivi toute mon enfance et mon adolescence : être  le premier d’une école, le numéro 1; the best one. Personne n’est plus âgée que moi ! Le premier de l’école en âge c’est moi.  Les profs ? un peu de tout, on les devine payés au lance-pierre, quelques unes, elles aussi tcha-Dior-isées.
La question qui revient toujours, inépuisable, est comment peut-on être anglais? Comment peut-on par cinq degrés Celsius se promener en teeshirt ou en sandales ? Comment vivre dans cet urbanisme pavillonnaire « hachelémisé » et « briquettisé », s’étendant sur des miles et des miles? Comment se repérer dans un univers où tout semble relever d’un logique de duplication?  Après une semaine je demande encore aux chauffeurs des bus de m »indiquer « Crucian Way » la station où je dois descendre; sûr de ne pouvoir la reconnaitre. Je demeure loin de l’école. Quarante minutes de transport! Dans le bus les écoliers sont comme les maisons qu’ils habitent, vêtus d’uniformes à l’air « gristounet ».
Liverpool ville négrière. Le thé au lait, est la deuxième boisson bue après la bière. Il est servi très chargé en sucre… de canne. Ma première visite touristique a été pour l’International Slavery Museum. Impressionnant. Une photo du Cap 110 et des photos de l’œuvre de Valère. Un mot sur la Martinique. Beaucoup de matériel pédagogique pour les classes.

Mon hôte 67 ans est veuf depuis peu. Il partage ses vieux jours avec  une bergère allemande obèse de quatre ans d’âge. Elle s’appelle Izziwizzy , sa chienne . La maison est une niche. Des poils partout. Des poils partout. Des poils ect. Et une accumulation de bibelots à trois livres six pences, tous plus kitch les uns que les autres. Mon régime alimentaire hypo calorique est sous la menace d’un Waterloo ou plutôt d’un Trafalgar. Mike, c’est le nom de mon hôte, construit des maquettes de bateaux, des modèles réduits bateaux anglais et il cuisine. De la cuisine anglaise. Fish and Chips. Potatoes et plats en sauce.
Comment aimer les anglaises? Est-ce pour lutter contre l’uniformisation des habitations et des tenus d’écolières qu’elles arborent un telle excentricité vestimentaire. Ah ! les filles de mon pays ( air connu) d’adoption. Refoulez l’ethnocentrisme il revient au galop…
A suivre…

Liverpool; le 25/11/2014

R.S.