Fin de règne au Vatican et démission de Benoît XVI

–Fuites, magouilles, complots… La guerre pour la succession du pape Benoît XVI est lancée. Une course au pouvoir où tous les coups sont permis.

–C’est absolument inédit et incroyable. Même à l’époque de la guerre froide, quand la CIA et le KGB essayaient d’infiltrer le Vatican, jamais un proche du pape n’avait trahi », souligne Marco Politi, vaticaniste au quotidien Il Fatto Quotidiano. « C’est digne d’un roman de Dan Brown, mais en pire, parce que c’est vrai ! » s’exclame l’historien Philippe Levillain, auteur du livre Le Moment Benoît XVI (Fayard, 2008).

Le majordome du pape, Paolo Gabriele, jeté en prison et dont le procès pour vol aggravé a commencé le 29 septembre ; le président de la banque du Vatican, Ettore Gotti Tedeschi, limogé du jour au lendemain ; des lettres confidentielles adressées à Benoît XVI, à son secrétaire particulier, le prêtre Georg Gänswein, ou à son secrétaire d’Etat (l’équivalent d’un Premier ministre), Tarcisio Bertone, qui se retrouvent à la une des journaux… Bienvenue dans l’univers impitoyable du Vatican !

C’est le journaliste Gianluigi Nuzzi, déjà auteur de l’ouvrage Vatican S.A. Les Archives secrètes du Vatican (Hugo & Cie, 2011), qui a mis le feu aux poudres en publiant le 19 mai dernier en Italie (où il s’est déjà vendu à 180 000 exemplaires), le livre Sa Sainteté. Les Documents secrets de Benoît XVI.

Cette enquête, qui vient de paraître en France*, révèle et décrypte quantité de textes confidentiels tout droit sortis du bureau du pape, remis à l’auteur par des corbeaux très haut placés, dont le fameux majordome Paolo Gabriele, assigné à résidence dans l’attente de son jugement.

Des affaires de pédophilie chez les Légionnaires du Christ aux arrangements avec les traditionalistes en passant par l’influence du Saint-Siège sur l’Etat italien, tous les dossiers qui défraient la chronique depuis des années sont passés en revue.

Le livre recèle aussi quelques perles comme cette requête de l’entreprise Renault qui souhaite rencontrer le secrétaire particulier du pape à propos de « la donation au Saint-Père d’un véhicule électrique doté d’un système de technologie avancé ».

La marque française lui a depuis offert, le mercredi 5 septembre, une nouvelle « papamobile », ainsi qu’un autre véhicule électrique. On découvre aussi cette demande de Mercedes pour « un rendez-vous urgent » afin d’« apporter des améliorations techniques à la papamobile ». Sans parler des 100 000 euros de truffes offertes à Benoît XVI par un Piémontais qui ont régalé les sans-abri de la cantine de Caritas !

Complots, intrigues, trahisons, rumeurs… Les fuites révèlent une ambiance délétère. Sur les bords du Tibre, nul ne pense en effet que le majordome, excellent bouc émissaire au demeurant, soit l’instigateur du Vatileaks (formule inventée par analogie aux fuites divulguées par le site Wikileaks).

« Il est impossible que Paolo Gabriele, un homme simple, soit le cerveau de cette opération », estime Politi. Avant de désigner ceux qui tirent les ficelles : « Il y a un réseau de dissidents organisé à la Curie (le gouvernement du Vatican, NDLR) qui a utilisé la presse comme boîte postale pour avoir une résonance médiatique internationale dans la guérilla qu’il mène contre Bertone. »

Crise de gouvernement
En déclenchant un tel scandale, ces prélats espéraient sans doute obtenir la tête du secrétaire d’Etat… Quoi qu’il en soit, aux yeux du vaticaniste italien, ces fuites sont symptomatiques d’une crise de gouvernement car « les documents les plus importants du Vatileaks ont trait à des questions politiques et économiques qui mettent en cause le cardinal Bertone».

Homme de prière, grand théologien, Benoît XVI goûte peu les arcanes de la politique et semble en retrait par rapport aux affaires du monde – à l’exception notable du dossier des prêtres pédophiles où il a imposé la transparence et la coopération avec la justice civile. « Le gouvernement, c’est pas son truc ! », remarque, un brin désinvolte, un spécialiste en poste au Vatican qui compare la situation actuelle à ce qu’il a connu « à la fin du pontificat de Jean Paul II ».

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