Fillon : « J’invite les parlementaires à dire ‘non’ à la révision constitutionnelle »

reforme_constitutionTRIBUNE – François Fillon, candidat à la primaire de la droite, explique pourquoi les modifications proposées par François Hollande sont « un aveu de faiblesse » plus qu’un « choix sûr et fort pour la République ».

« Contre les terroristes, il faut être implacable et la nation doit être unie. Les élus de l’opposition et moi-même n’avons jamais marchandé notre soutien au gouvernement lorsqu’il fut décidé de frapper l’État islamique en Irak, puis en Syrie. C’est sans réserve que nous avons répondu présents lorsqu’il a fallu prolonger l’état d’urgence. C’est sans état d’âme que nous nous prononçons pour les sanctions les plus lourdes à l’égard des assassins et traîtres à leur patrie.

N’ayant jamais eu la main tremblante face à la menace djihadiste, je me sens qualifié, avec bien d’autres parlementaires, pour dire que la réforme de notre Constitution, décidée par François Hollande, apparaît plus comme un aveu de faiblesse que comme un choix sûr et fort pour la République.
« La solidité de la République se juge à sa capacité à se poser les varies questions »

Je ne méconnais pas le pouvoir des symboles, mais le débat a tourné au ridicule. La majorité se déchire, la garde des Sceaux démissionne avec fracas, le gouvernement se livre à de piètres contorsions juridiques qui échappent au bon sens des Français, tandis que de très nombreux juristes affirment que la Constitution n’a pas besoin d’être modifiée pour appliquer l’état d’urgence, ni pour déchoir les terroristes… D’une certaine façon, nos adversaires sont en train d’atteindre l’un de leurs objectifs : celui de discréditer nos institutions et d’enfiévrer ceux qui sont censés les incarner avec sang-froid. La solidité de la République se juge à sa capacité à se poser les vraies questions pour riposter aux défis.

Plutôt que de se disperser dans un rafistolage constitutionnel, il faut s’interroger sur l’efficacité de notre stratégie contre l’État islamique et sur les conditions d’une vraie coalition internationale pour l’abattre. Il faut tirer tous les enseignements des attentats qui ont révélé des brèches dans nos dispositifs de sécurité et de renseignement. Il faut réagir devant les impuissances de l’Europe et les failles de notre pacte national, qui est en dépression économique et morale. La victoire contre le fanatisme passe aussi par des victoires contre le chômage de masse, la mollesse de la croissance, l’insécurité, la panne de notre système d’intégration, le désenchantement de l’idéal français et la déliquescence du projet européen… Au lieu de cela, on s’écharpe sur la question de la déchéance de nationalité, qui existe déjà dans nos lois!
« Nul n’est tenu de céder au chantage de la peur »

Les articles 23-7 et 25 du Code civil permettent d’ôter par décret la nationalité à tout Français qui aurait manqué de loyauté à l’égard de son pays. Quant à l’article 131-10 du Code pénal, il prévoit la possibilité d’infliger aux criminels des peines complémentaires (déchéance, incapacité). Il suffit donc de modifier au Parlement les lois existantes pour les adapter, si nécessaire, à la situation actuelle de la menace.
Pour ce qui est de l’état d’urgence, il fonctionne depuis trois mois et sera prolongé avec l’appui probable du Parlement. Le 22 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a jugé que le dispositif législatif de l’état d’urgence était solide. Le Conseil d’État l’a confirmé par sa décision du 27 janvier 2016. Il n’y a donc nul besoin de modifier la Constitution pour lutter de façon exceptionnelle contre le terrorisme.

Par cette révision constitutionnelle, le pouvoir veut se donner les apparences de l’action. C’est une faute! La posture est le masque de la fébrilité. Il faut au contraire affirmer le sang-froid de la France et la solidité de son droit.

Le Président et son gouvernement escomptent que l’émotion submerge toute critique à l’encontre de ce projet inutile. Ils invoquent l’unité nationale autour d’une réforme qui n’a pas de sens et qui a divisé le sommet de l’État lui-même. J’invite les parlementaires à dire « non ». Nul n’est tenu de céder au chantage de la peur et de marcher au pas. Face au terrorisme, la résolution et le calme valent mieux que les initiatives improvisées. S’il faut encore renforcer notre arsenal pour dissuader et sanctionner les terroristes, faisons-le par la loi, sans triturer notre Constitution.

Notre texte suprême n’est pas un outil de communication. Se rendre pour si peu au Congrès à Versailles, tiendrait plus d’une comédie que d’une réponse déterminée de la République. »

François Fillon

dimanche 07 février 2016

Le Jdd.fr