« Féminin-pluriel », une exposition à l’Atrium

— Par Selim Lander —

Il y a un paradoxe. Tandis que le mouvement Me too et la vague woke présentent une vision victimaire des femmes, ces dernières n’ont jamais été autant mises en lumière, honorées et, plus concrètement, placées aux niveaux les plus élevés de la société (chef d’État, PDG de grands groupes internationaux). Un paradoxe dont on doit se réjouir, évidemment, l’inverse – celui où les femmes se considéreraient à tort comme égales de l’homme – n’ayant rien d’attrayant.

Après les nombreux événements qui ont eu lieu à la Martinique, le mois dernier, autour de la journée du 8 mars consacrée aux droits des femmes, voici donc une exposition d’art plastique, principalement de peinture, regroupant quinze artistes, parmi lesquels quelques hommes, ce qui ne devrait pas nous surprendre. Le manifeste qui accompagne l’exposition défend en effet deux idées qui ne sont qu’en apparence contradictoires. La première essentialise les genres : le féminin, tout en étant le domaine de l’intime, serait ouvert sur l’inachevé, l’illimité ; le masculin, fermé sur ce qui est par contraste achevé, fixerait les règles et les limites. Pour le dire autrement, le féminin serait dionysiaque, le masculin apollinien. Mais, deuxième terme de la démonstration, il serait erroné d’assigner les femmes et les hommes respectivement au féminin et au masculin, en réalité les contours entres les genres seraient essentiellement flous, comme illustré de manière exemplaire dans le tableau intitulé « Gender line », par Nadia Burner, le portrait d’un personnage androgyne.

Nadia Burner – Gender line

Hélène Raffestin – La Vierge Marie

Cette exposition n’est cependant pas qu’un manifeste et l’art n’obéit plus guère à des règles. On peut néanmoins s’amuser à plaquer la grille de lecture précédente – que l’on résumera par « ouvert/fermé » – aux œuvres exposées ici et vérifier s’il y a bien des artistes « ouverts » ou « fermés » tant chez les hommes que chez les femmes. Par exemple, pour s’en tenir aux premiers, Raymond Médélice, avec ses poupées de son, serait « ouvert », tandis que Hector Charpentier serait « fermé » en raison de son dessin classique et, de surcroît, sa vison très traditionnelle de la beauté féminine.

Mais chaque visiteur a ses critères d’appréciation des œuvres, ce qui explique pourquoi on voit prospérer des artistes défendant des esthétiques et des manières de faire (poiesis) aussi différentes. Sans compter qu’il y a le « faire » et le « faire savoir », certains des artistes les plus en vogue dans le domaine de l’art contemporain (au sens le plus institutionnel du terme) ayant su atteindre la notoriété grâce au second plutôt qu’au premier.

Marie Gauthier – Lévitation

 

Ce n’est heureusement pas ce qui risque de parasiter le regard dans cette exposition. Le visiteur est entièrement libre de décider ce qui lui plaît ou pas en fonction de ses propres critères : le sujet, la palette, la technique et la maîtrise de la technique, la ressemblance avec ce que l’on aime déjà, l’humour (comme dans la peinture de Hamid reproduite en tête de cet article), etc.). Autant dire que le choix entièrement subjectif des quelques œuvres reproduites ici ne saurait donner une juste idée de cette exposition dans sa diversité et sa richesse.

Féminin pluriel, exposition collective, Tropique Atrium, Fort-de-France, du 8 avril au 4 mai. Commissaire : Marie Gauthier.