En mon âme et conscience

— Par Luc Reinette —

Assis au chevet de ma mère âgée de 102 ans, placée sous oxygène depuis plus d’un an pour raisons de santé, mais forte de toutes ses facultés en dehors de la marche, nous regardions ensemble sur l’écran de télévision le reportage sidérant réalisé dans les coulisses des Urgences et de la Réanimation du CHU, lorsque soudain elle me posa cette question : ‘’Et du ne dis rien ?’’

Je lui expliquai que j’étais un simple militant et que l’Organisation à laquelle j’appartiens (FKNG) s’était déjà exprimée, qu’elle avait adopté une position de neutralité vis-à-vis du vaccin, mais avait demandé aux Guadeloupéens, de par leur condition de colonisés, d’exercer leur droit à la souveraineté pour sortir du cadre français, car dans ces moments exceptionnels que nous vivons et face à l’obligation vaccinale et à l’application chez nous du Pass sanitaire, il n’y avait pas d’autre choix que de se soumettre ou se démettre.

« Ce n’est pas suffisant me répondit-elle, et tu le sais bien.. C’est sur la base d’analyses et de convictions que tu as prôné l’Indépendance de la Guadeloupe depuis l’âge de 12 ans et c’est sur la base de ces mêmes convictions et de ton idéal de liberté que tu t’exprimes et agis encore aujourd’hui.

Comme moi aux premiers jours et toi depuis avril 2021 je crois, tu es vacciné, et tu l’as fait en toute conscience et en toute indépendance..’’

Certes, lui ai-je répondu, mais que vaut ma parole, ma parole à moi qui ne suis pas médecin, dans le climat délétère actuel où les Guadeloupéens s’affrontent sans merci dans un contexte qui frôle l’hystérie qui voit des menaces-y compris physiques- fuser de toutes parts ? Et d’ailleurs qui attend ma parole ?

Malicieusement elle me répondit : ‘’Il y a déjà pour commencer l‘une de mes infirmières, qui prétend ne pas être seule à le penser, et qui me demande jour après jour devant la catastrophe qui nous frappe et les pertes humaines qui s’accumulent : pourquoi votre fils Luc ne dit rien ?’’

Depuis cette entrevue, habité par une conscience malheureuse, tout en restant à l‘écoute du monde, je me suis quelque peu retiré de celui-ci en m’asseyant tantôt face aux montagnes majestueuses de notre Pays pour en contempler les contours, tantôt face à la mer -comme je le faisais avec mon vieux père jadis- pour scruter l’horizon et y trouver une réponse. Que faire, et que dire dans ce tumulte général?

La haine insensée et irrationnelle qui caractérise actuellement les relations entre Guadeloupéens, et les fakes-news qui abreuvent les réseaux sociaux (souvent reprises par des personnes à priori intelligentes) ont alors convoqué dans mon esprit deux tragédies humaines qui me hantent encore:

La première c’est la tragédie du RWANDA où un peuple composé de deux ethnies principales s’est entretué entre avril et juillet 1994 dans un hallucinant déferlement de haine qui provoqua le massacre de 800.000 personnes principalement TUTSIS, par des civils HUTUS excités par la fameuse Radio des Mille Collines dénommée RTLM. Faisons donc attention à ce que les réseaux sociaux qui peuvent véhiculer le meilleur comme le pire ne jouent pas demain le rôle criminel et manipulateur de cette Radio des Mille Collines ! Et même si la France a une évidente part de responsabilité dans la tragédie rwandaise, la vérité, aussi pénible soit-elle, nous contraint à dire que les premiers responsables de cet épouvantable pogrom sont les Rwandais eux-mêmes.

La seconde, c’est la tragédie du SIDA en Afrique du Sud, où le Président d’alors Mr Thabo MBEKI (1999-2008), personnage décrit comme froid, arrogant, autocratique, voire paranoïaque, a nié publiquement le lien de causalité entre VIH et SIDA, et refusé en conséquence de fournir des médicaments anti-sida (antirétroviraux) à son peuple. Il était dans le déni total, et niait la transmission virale du SIDA pour accréditer l’idée que sa seule cause en était ‘’la pauvreté et l’exploitation coloniale’’ (sic). Pire, il a soutenu sa Ministre de la Santé, le Dr Manto MSIMANG, hostile aux antirétroviraux et favorable à des thérapies alternatives à base de citron, d’ail et de betteraves ! Le Président MBEKI, condamné alors par la communauté internationale (y compris africaine) a été considéré dès 2005, comme responsable de la mort de plus de 365.000 Sud-Africains, pauvres pour la plupart. Durant la mandature de Thabo MBEKI, plus de 5 millions de Sud-Africains ont été infectés par le SIDA ! Nous devons garder à l’esprit que dans un article paru dans le Journal LIBERATION en 1990, il était dit de sources sures que des pays comme l’Inde et la Chine -entre autres- misaient à terme sur la disparition par le SIDA de millions d’Africains, dont les élites, pour occuper des territoires dont ils auraient besoin pour leur expansion économique et démographique.

Ici en Guadeloupe, nous sommes lassés – en spectateurs impuissants et blasés – de voir chaque semaine sur nos écrans des étrangers en la personne d’un Préfet colonial, Monsieur ROCHATTE, d’une Directrice de l’ARS au comportement martial, Madame DENUX et d’une Rectrice Madame GANGLOFF-ZIEGLER, rigide comme une barre, prétendre parler au nom des politiques d’ici et décider doctement de nos vies en égrenant des chiffres, alors que des Guadeloupéens seraient mieux à même d’occuper ces fonctions.

Je dis bien Préfet colonial, qui, alors que notre voisin Haïti vient à nouveau d’être frappé par un violent séisme, n’a pas daigné répondre à une demande d’audience présentée par une demi-douzaine d’organisations politiques et associatives visant à faire cesser les violations aux droits de l’Homme dont sont victimes chez nous les expatriés haïtiens. C’est le même qui vient de s’opposer à l’ouverture d’une Ecole Panafricaine par l’Association RACINES, au motif qu’elle serait subversive ! En cela il ne diffère pas de l‘un de ses prédécesseurs qui en 2008 avait expulsé le petit JEPHTE, écolier alors âgé de 4 ans, en direction d’Haïti, pays qui venait d’être frappé et dévasté par 3 cyclones successifs ! Nous sommes par ailleurs fiers d’être de ceux qui ont réussi à faire revenir en Guadeloupe le petit JEPHTE…

L’imminence de la rentrée scolaire 2021 a été l’occasion pour le Conseil Régional, le Conseil Départemental et l’Association des Maires de Guadeloupe de se prononcer de manière unanime pour un report de la rentrée scolaire. Chacun pensait légitimement que leur décision suffirait. Hélas non, il fallait encore attendre le point de vue du Préfet colonial et de la Rectrice dont la réponse s’est fait attendre.. Finalement ces derniers ont botté en touche s’en remettant à la décision du Gouvernement français !

Une leçon de plus pour ceux qui pensaient qu’en Pays dominé on pouvait envisager une certaine ‘’domiciliation du pouvoir’’ en additionnant simplement les compétences respectives de Collectivités que des journalistes avisés devraient cesser de présenter comme Majeures, mais tout simplement comme principales, les français nous considérant toujours comme des mineurs devant demander la permission..

Disons le tout net, la gestion de la crise Covid chez nous par la France a été défaillante et préjudiciable à maints égards ; en témoignent les excellents résultats obtenus par nos voisins de la Caraïbe soumis aux mêmes contraintes virales, mais dotés d’un pouvoir de décision que nous n’avons pas.

Soyons conscients du fait qu’au moment même ou nous parlons ou que nous écrivons, notre Pays subit de plein fouet une invasion de type inconnu à ce jour et à laquelle il faut collectivement résister : c’est là l’URGENCE ! Et l’envahisseur est ce variant Delta dont la progression chez nous est fulgurante !

Il faut désormais considérer que le champ de bataille est partout…

Le champ de bataille est partout, dans les Cliniques et Hôpitaux du Pays où les Aides-soignants, les Infirmiers, les Médecins, et les Directeurs se battent jour et nuit, jusqu’à épuisement, contre le virus pour sauver des vies dans notre Pays où 60 % des personnes souffrent de surpoids (donc de comorbidités) et où 30% sont en situation d’obésité. Ils méritent tous notre respect…

Le champ de bataille est partout, chez les malades à domicile ou dans les cabinets médicaux où infirmières libérales ou médecins se battent avec un courage qui force l’admiration contre ce même virus.

Le champ de bataille est partout, y compris et en particulier dans nos foyers, où chacun de nous doit alors se battre seul et au corps à corps contre cet ennemi invisible. Alors, oui, ma conviction profonde c’est que le meilleur bouclier dont nous disposons aujourd’hui pour nous défendre c’est le vaccin, qu’il soit américain, chinois, cubain ou demain guadeloupéen.

J’affirme que le vaccin est nécessaire, même s’il n’est pas suffisant : Il ne constitue pas l’alpha et l’oméga, mais sauve très souvent la vie, à défaut de protéger totalement du virus.

J’affirme que nos ‘’rimèd razyé’’ sont utiles, même s’ils ne sont pas suffisants : ils nous rendent plus forts et plus résistants.

J’affirme qu’il n’y a ni incompatibilité ni opposition entre les deux, que l‘on peut se faire vacciner comme je l’ai fait et utiliser à bon escient notre pharmacopée pour renforcer nos défenses. Le Dr Henri JOSEPH dont nous admirons tous les travaux et l’engagement pour le Pays nous indique bien que le médicament contre le Covid, objet de ses recherches, n’est pas encore prêt.

La question essentielle que je voudrais poser à mes camarades patriotes est celle-là : Nous nous battons pour l’accession à la souveraineté de notre Pays et c’est là une cause partagée et sacrée. Et si à l‘instar de nos voisins Cubains, Barbadiens, Dominicais, Ste Luciens ou Trinidadiens nous étions en charge de notre Pays et avions comme eux la mission de garder à tout prix notre Peuple en vie, ne serions nous pas favorables à un vaccin qui nous préserve collectivement ?

Qui pourra soutenir que la réponse ne serait pas OUI et que notre préconisation ne serait pas la vaccination la plus large? Qui pourrait soutenir que nous dirions à chacun de faire comme bon lui semble? Alors osons penser comme si nous étions libres !

Je pense à cet instant particulièrement au mari de la Secrétaire Générale de l’UGTG, Mme Maïté NTOUMO, qui est actuellement en réanimation. J’en parle non par simple amitié, ni pour le fait que nous ayons soutenu ensemble les frères haïtiens en juillet 2021 sur la Place de la Victoire, mais pour dénoncer les propos ignobles proférés par ceux qui, utilisant de façon malsaine les réseaux sociaux, ont voulu en faire une information à sensation. Hélas ! Avant nous respections nos malades, nos blessés, comme nos morts…

Nous sommes en réalité des milliards à travers le monde à être confrontés à cet ennemi commun qu’est le COVID, ennemi malin et mutant en permanence. La Guadeloupe n’est pas une Ile séparée du monde et les Hommes, les Femmes et les Enfants d’ici ne diffèrent pas de ceux d’ailleurs. Nous sommes des humains, tout simplement des humains partageant une même Planète et un même désir impérieux de vie.

Je réaffirme ici – s’il en étant besoin – et en forme de mise en garde, mon opposition catégorique à l’obligation vaccinale et au Pass sanitaire qui bloqueraient notre vie sociale et économique et transformeraient la Guadeloupe en un univers anxiogène, irrespirable et privatif de liberté.

J’ai conscience que mon propos réconfortera certains et déplaira à d’autres. J’ai conscience aussi du fait que je perdrai des amis et aussi des camarades de longue date, tout en me faisant de nouveaux ennemis. J’en serai navré, mais persisterai dans ma conviction, ayant toujours pour unique guide l’intérêt supérieur de mon Peuple et de mon Pays. A ceux qui mettraient en doute ma loyauté à la cause nationale -et c’est leur droit- je dirai que la cause nationale dont nous nous réclamons, plus haut encore que la loyauté exige de la droiture, donc du courage pour dire ou pour faire les choses, même lorsqu’elles dérangent.

Et pour le reste, comme disait une poétesse Sud Américaine dont j’ai oublié le nom : ‘’Je vole au dessus des querelles, car j’ai longtemps fréquenté les oiseaux..’’

J’assume ici ma parole libérée et donc ma part de vérité dictée par mes seules convictions, car je suis persuadé que chacun d’entre nous a quelque part un devoir de responsabilité vis-à-vis du Pays, devoir qu’il assume ou pas, à travers ses actes, à travers ses silences ou à travers ses paroles..

Gwadloup 26/8/2021 Luc REINETTE