Dire le Coronavirus en chansons ?

Avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de pertinence ou d’impertinence, plus ou moins de justesse et de subtilité, des chanteurs ont voulu exprimer leur ressenti. Ou faire un constat post-confinement. Ou tirer des leçons de ce que nous venons de vivre. Si Pierre Perret semble convaincre, Renaud quant à lui désespère ceux qui par-delà les années lui sont restés fidèles !

« Corona song », la nouvelle chanson de Renaud : embarrassante ? La question est posée.

S’il est resté discret durant le confinement, qu’il a passé dans sa résidence de l’Isle-sur-la-Sorgue, le chanteur a pris ses fans par surprise, ce mercredi 8 juillet, en dévoilant un titre sur le Covid-19. Nombreux sont ceux qui ont manifesté leur consternation après avoir écouté la chanson intitulée « Corona Song ». Très vite, l’effet de surprise a cédé la place à une grande consternation. Sur la forme comme sur le fond, « Corona Song » constitue le geste le plus embarrassant d’un homme qui jusqu’à présent s’est relevé de tout. Heureux pour Renaud que le ridicule ne tue pas : cette chanson franchit allègrement les limites du genre. Les réactions des fans ne se sont pas fait attendre, exprimant une grande tristesse devant le spectacle du clip. Chez une amie qui fait d’ailleurs une apparition dans la vidéo, Renaud, son bandana lui recouvrant mal le visage, est flanqué de musiciens torse nu. Il ânonne — on a l’impression qu’il a gardé son masque pour chanter — sur une mélodie de Thierry Geoffroy. À nos confrères du Parisien, ce dernier explique que « cela a pris dix jours » : une heure aurait sans doute suffi !

Le chanteur a dû égarer son dictionnaire de rimes au moment de rédiger un texte qui accorde « coronavirus » avec « connard de virus » et « crevard de virus ». Un enfant de cinq ans ferait mieux. On souffre pour l’auteur de ces merveilleuses chansons qui ont rythmé les années 1980 et 1990. Auparavant, quand il réagissait à l’actualité, Renaud le faisait avec des pièces comme « Miss Maggie », écrite dans la foulée du drame du Heysel, en 1985, ou « Putain de Camion », suite à la disparition brutale de Coluche l’année suivante.

Aujourd’hui, l’homme aurait été plus avisé de s’abstenir et de nous laisser sur le souvenir de son dernier album en date, « Les mômes et les enfants d’abord », qui tout en ayant des limites ne compromettait pas sa dignité d’artiste. « Coronavirus, connard de virus », tel est le refrain du titre où le chanteur prend fait et cause pour le controversé Professeur Didier Raoult, dans le clip visible sur Youtube et Facebook. « Quand je pense au brave Docteur Raoult / Conchié par des confrères jaloux / Par des pontes, des sommités / Qui ont les moules (qui ont peur, ndlr) de perdre du blé», l’entend-on déclamer de sa voix difficile, usée par les années et les excès passés. Beaucoup plus ennuyeux pour nous, ce confinement l’a poussé à composer une chanson contre cette situation si intolérable qu’il serait temps qu’elle commence à cesser, ma bonne dame, et que ce serait un coup des Chinois que ça m’étonnerait pas : d’ailleurs, « dans ce pays, on bouffe du chien, des chauves-souris et du pangolin »…

Certains réclament qu’on laisse au chanteur vieillissant « le droit de s’amuser entre potes ». Ce sera sans nous, alors, et nous nous rappellerons plutôt… comme le chantait un certain Renaud Séchan, dit Renaud, que « le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants / Et les Mistrals gagnants ». En souvenir de celui qui a autrefois ému, ravi, réveillé ou agacé la France, faisons preuve d’indulgence, et sauvons de ce clip la dédicace finale, un message écrit de sa main sur fond noir : « Pour tous les potes qui ont souffert de ce putain de virus, pour tous les soignants, amitiés ». Mais cela suffira-t-il à ramener ses fans à de meilleurs sentiments ?

 

Dans le même registre, Pierre Perret, dans la fraîcheur intacte de ses 86 ans, a montré bien plus d’intelligence, bien plus d’insolence avec sa chanson sur le coronavirus, intitulée « Les confinis ».

 

« Les confinis » : Le message en chanson de Pierre Perret au gouvernement

Comme plusieurs artistes avant lui, le compositeur et interprète s’est laissé aller à un constat sarcastique sur ces trois derniers mois. Les Goguettes, Helmut Fritz, Jonathan Cohen… le coronavirus et le confinement ont inspiré plusieurs artistes qui n’ont pas hésité à «surfer» sur la vague de gel hydroalcoolique. Pierre Perret a dévoilé en juin « Les confinis », son morceau sur le sujet qui semble s’adresser tout droit à nos dirigeants. Connu pour ses compositions pour enfants ainsi que ses chansons paillardes, Pierre Perret, qui n’a rien perdu de sa verve, s’en donne ici à cœur joie et n’épargne personne, livrant un point de vue plein d’humour sur l’actualité, les médecins, les soignants, ou encore sur les consignes gouvernementales.

Sur un air enjoué, l’artiste chante le monde de la pandémie : « Pendant que les infirmières mouillaient la ch’mise, qu’les infirmiers faisaient suer l’burnous. Pendant qu’ils couraient tous dans la panade, dans les couloirs encombrés d’macchabées. Les cherchez pas pour soigner les malades, tous les docteurs étaient à la télé », chante-t-il. Puis vient le refrain, qui parle tout seul : « Ils nous ont tant confinés, puis déconfinés, puis reconfinés. Qu’on redoutait d’être in fine, des cons finis ». Didier Raoult, Donald Trump, le gouvernement, tout le monde en prend pour son grade, notamment Sibeth Ndiaye. « La porte-parole elle s’appelle Sibeth. Y’en a qui pensent qu’elle porte bien son nom. On sent bien qu’la moindre idée qui se pointe, lui déclenche un ouragan dans l’citron », assène-t-il.

Pierre Perret dénonce ensuite l’hypocrisie avec laquelle sont traités les soignants selon lui, peu considérés des mois durant, malgré de nombreuses grèves et manifestations contre les conditions jugées déplorables de l’hôpital public. « Les infirmières qui gagnent des clopinettes, même pas au smic galèrent à tour de bras. On récompense nos courageuses Cosettes, d’applaudissements, d’médailles en chocolat ».

Et pour conclure sa ballade, le chanteur rassure ses interlocuteurs : « Vous nous avez confinés, puis déconfinés, puis reconfinés. Mais vous vous rest’rez pour la vie, des cons finis »… L’enregistrement s’est fait avec le groupe « Les Ogres de Barback ». « Ça a été très drôle car on ne pouvait pas trop bouger donc on ne s’est pas vus, des enregistrements ont eu lieu à Narbonne, d’autres dans les Cévennes, c’était très rigolo ! », s’amuse Pierre Perret.

Déconfiné joyeux mais inquiet, l’auteur de « Ouvrez la cage aux oiseaux » avait confié ses craintes lors de l’émission « Les Grandes Gueules » sur RMC, le 27 avril dernier : « Tout le monde est impatient mais ce n’est pas sans risque. Je m’affole un peu à la perspective de ces vacances, mais imaginer les gens côte à côte sur les plages, ça me fout un peu les chocottes ». Évoquant son propre confinement et ses projets, le chanteur avait également lancé: « Ça baigne, mais ça commence à être long. Je n’arrête pas, je bosse toujours, j’écris tous les jours. Je répète le récital que j’étais censé faire les 11 et 12 octobre à Pleyel. Je n’en sais rien mais je continue à bosser. J’avais un bouquin qui devait sortir ce mois-ci mais il est toujours en attente ».

Pierre Perret interprétera finalement sa nouvelle et facétieuse chanson sur le confinement lors de sa tournée intitulée « Mes adieux provisoires », à la salle Pleyel en octobre prochain, ainsi que dans toute la France, en Belgique et en Suisse. Son livre, intitulé « Aphorismes and Blues », sortira le le 24 juin.

D’après Le Figaro, BFMTV, 24 Heures