Debout contre le non-lieu, pour la réparation du crime chlordécone

— Le n°275 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —

A l’évidence, le Pouvoir comptait sur la lassitude de la population. Avec un art consommé de jouer la montre, il s’imaginait obtenir notre passivité, au moment décisif de son plan machiavélique. Son but final est de protéger les criminels empoisonneurs, en se cachant derrière une prétendue « séparation des pouvoirs ». Mais le plan est éventré, puisque c’est le parquet qui réclame le non-lieu, c’est-à-dire le « circulez, y a rien à voir », et surtout rien à faire d’autre que se soumettre. Mais, non ! Mille fois, non !

Une série d’organisations, dont nous sommes, donnent unitairement deux rendez-vous de mobilisation.

Mercredi 7 décembre à 17h 30, à la maison des syndicats, nous invitons à un rassemblement pour partir dans une marche aux flambeaux dans Fort-de-France ! Toutes et tous, vêtu-e-s de blanc, nous irons poser des bougies en honneur des innombrables victimes du chlordécone ! Tanbou ké palé ! Fok nou la, an mas !

Samedi 10 décembre à 8h à la maison des syndicats, la population tout entière est invitée à exprimer son refus du nonlieu et son exigence de réparation à une toute autre échelle que les simulacres de « plans chlordécone ». Nous avons largement expliqué que les quelques millions ajoutés dans le « plan 4 » afin de boucher les yeux de la population, sont loin du compte. Les sommes mobilisées sont nettement inférieures aux subventions données aux gros producteurs de banane !

Dans la rue samedi, nous aurons en tête aussi bien le refus de l’impunité pour les responsables du crime chlordécone, que l’exigence de réparation.

Justice et réparation vont de pair.

Pour cette nouvelle phase, on s’oriente vers une action synchronisée de la Martinique et de la Guadeloupe ! Woulo bravo pour ça !

En France, plusieurs organisations syndicales et associatives (Union syndicale Solidaires, C.G.T., F.S.U., Confédération paysanne, ATTAC, Copernic) ont à nouveau écrit aux ministres de la justice et des colonies dans le but d’obtenir une rencontre. L’absence de réponse ne serait qu’une preuve supplémentaire de lextension du mépris au mouvement social de France. Fortement sensibilisée à cette question, à l’occasion de son séjour en ce moment même chez nous, la députée Rachel Kéké s’engage à tout faire pour une plus forte implication de son mouvement, la France Insoumise !

Il est essentiel d’obtenir l’échec de l’État dans sa tentative d’enterrer l’affaire en tuant une nouvelle fois les victimes.

Mobilisonsnous mercredi 7 ! Mobilisonsnous samedi 10 !

HOMMAGE À MARCEL MARCEL MANVILLE

Il y a déjà 24 ans, Marcel Manville, grande figure martiniquaise et internationale du mouvement d’émancipation des peuples et du communisme, mourrait au combat, au barreau de Paris, où symbole frappant, il défendait une fois encore, une victime algériene des tracasseries coloniales.

Le P.K.L.S. a organisé une manifestation d’hommage. Le G.R.S. a tenu à y envoyer un message.

Message du GRS

İl fallait oser, en mars 1944, partir comme volontaire avec Tourtet et Fanon, défendre la cause de la lutte contre l’Allemagne nazie, quand la Martinique venait de se soustraire de la férule de l’amiral Robert ; oser, quelques années plus tard, risquer de périr dans un attentat terroriste de l’OAS en plein Paris et continuer jusqu’au bout comme un des avocats du F.L.N. ; oser lancer, avec quelques autres, le Front antillo-guyannais pour l’autonomie, alors que cela suffisait pour être interdit de séjour en Martinique ; oser revendiquer une place d’avantgarde dans la défense du trotskiste péruvien Hugo Blanco, menacé de mort pour son combat aux côtés des paysans ; oser prendre son baton de pèlerin pour la création du tribunal des prud’hommes dans un pays où c’est le patronat extrémiste qui tient le haut du pavé ; il fallait aussi oser pousser à l’extrême cette pratique dans les prétoires, combinant philippiques insolentes et propos mielleux à l’égard de tel ou tel membre de ls hiérarchie judiciaire ! Cette audace n’a malheureusement pas suffi à combler, ici ou là, des négligences coupables dans certaines affaires, source parfois d’amertumes têtues.

Dans le combat politique, il lui a fallu oser organiser le fameux colloque pour « restituer Fanon à son peuple » alors que beaucoup ignoraient tout de son combat ; oser dire quelques vérités à son propre parti d’origine, le P. C. M., même sans aller jusqu’à une rupture claire avec le stalinisme et ses travers. Marcel Manville a osé lancer la création d’un parti se réclamant à la fois de l’indépendance et du socialisme, lorsque la conjonction des deux n’Était pas très à la mode ; osé défier l’image tutélaire de Cristophe Colomb en lui intentant le fameux procès ; osé prendre la parole lors de l’effondrement de l’U.R.S.S. ; osé revenir aussi sur le bilan de l’Algérie indépendante en assimilant ouvertement le parti unique au parti inique ; osé prôner et initier d’autres formes de lutte devant le piétinement électoral.

Ces audaces là Marcel Manville les a eues, fournissant ainsi un exemple dont nous avons tant besoin aujourd’hui.

Bien sûr, il nous faut passer toutes ces expériences exceptionnelles au crible de la critique et de l’autocritique. Oui, nous devons encore expliquer en 2022 que la liquidation odieuse de Maurice Bishop ou de Jean-Marie Tjibaou par des frères d’armes prétendument plus radicaux, ont fait reculer et non avancer la lutte. Oui, nous devons dire que le silence face à l’abominable tournant dictatorial de Daniel Ortega, entache le processus révolutionnaire international, et chacun est libre de supputer ce qu’aurait dit et fait à ce sujet, un défenseur des droits humains de la trempe de Manville.

En attendant, nous sommes conscient-e-s que critiques et autocritiques n’enlèveront jamais rien à cette vérité d’évidence : Marcel Manville fait partie de la lignée de combattants et de combattantes qui font honneur à notre lutte, et à notre histoire. Lui rendre hommage aujourd’hui n’obéit pas seulement à un devoir de mémoire. C’est aussi un encouragement à prôner la solidarité et le respect entre tous les défenseurs de l’émancipation humaine audelà des divergences existant entre nous, sans gommer les forces et les faiblesses de tel ou telle, à un moment où ce serait une folie irresponsable, de ne pas comprendre l’urgence qui nous étreint pour définir les priorités, et s’y accrocher.

Que vive le souvenir de Marcel Manville !