De la cérémonie 2021 des “Molières”, et de la fermeture des salles de spectacle…

– par Janine Bailly –

Théâtres occupés, “Molières” bloqués ? La 33e édition de la cérémonie aura-t- elle lieu ? Une opération “Coups de théâtre !” sera-t-elle programmée à la télévision ?

À la Martinique

Si nous avions jusqu’alors le rare privilège de garder salles de spectacles et de cinéma ouvertes, si le Festival des petites Formes, proposé par la structure Tropiques-Atrium-Scène nationale, a pu se dérouler jusqu’au bout sans encombre, l’information tombée ce mardi 30 mars vient refermer sur nous l’espoir. La situation se dégradant, les cas de Covid explosant – suite à des « vidés » de Carnaval (voir sur le site Montraykreyol) ? suite à des manifestations où le masque et la distanciation physique n’étaient pas forcément de rigueur ? –, la fermeture des salles au public est annoncée, et devrait – pour le moment – durer du 1er au 19 avril 2021. Une information donnée, selon Martinique Première, aux organisateurs de spectacles hier soir, lundi 29 mars. Des mesures qui devraient être également renforcées par la prolongation du couvre-feu. Chez nous aussi, voici que, seule, la “servante” reste autorisée à veiller au cœur de salles éteintes ! Voici que n’auront pas lieu les séances de cinéma déjà programmées pour le premier avril, ni hélas la pièce de théâtre les Gravats, attendue le 16 avril au théâtre Aimé Césaire…

Communiqué : En raison de la décision préfectorale de fermer les équipements culturels martiniquais – y compris les cinémas –, le Festival International du Film Documentaire de Martinique, Les Révoltés du Monde, a décidé d’adapter sa 5ème édition, qui devait se dérouler du Jeudi 15 au Samedi 24 Avril 2021. La compétition au cinéma Madiana et les projections en communes seront donc reportées, les projections scolaires et les journées professionnelles partiellement maintenues.

Le report, à priori en mai, de la compétition au cinéma Madiana, et des dix projections prévues dans nos communes partenaires, reste soumis à l’évolution de la situation sanitaire en Martinique. Nous serons à l’affût de nouvelles mesures préfectorales, annoncées au plus tard le 16 avril, avant de nous engager sur des dates. Seront maintenues aux dates prévues 45 projections scolaires sur  52 envisagées, entre le Jeudi 15 et le Vendredi 23 Avril 2021, et  6 masterclass sur les 8 organisées, les 14, 15 et 16 Avril, entièrement en distanciel.

Grâce au soutien de tous les partenaires qui s’impliquent durablement pour donner au Festival un rayonnement national et international, l’équipe d’organisation reste mobilisée pour assurer le succès de cette prochaine édition, et répondre ainsi aux nombreuses attentes que le public a d’ores et déjà exprimées.

En France

Alors qu’en raison de la crise sanitaire les théâtres sont tous fermés en France depuis fin octobre 2020, que le mouvement d’occupation des salles se poursuit, il serait question que la cérémonie des “Molières” passe son tour, et la télévision prévoirait de diffuser des spectacles, au cours de ce printemps, lors d’une semaine spéciale… Mais de Jean-Marc Dumontet à Michel Field, les avis divergent encore !

Michel Field, directeur du Pôle Culture et spectacles vivants de FranceTélévision – diffuseur traditionnel de la cérémonie –, s’exprime dans un entretien donné au Parisien : pour lui, « ça n’aurait pas de sens de faire des “Molières” sur une saison où il n’y a pas eu de pièces ». Si, faute de spectacles à récompenser, l’idée de remettre les fameuses statuettes avait été écartée dès le mois de janvier par l’Académie, les professionnels du théâtre espéraient tout de même une cérémonie événementielle “labellisée Molières” pour soutenir leurs pairs. Il n’en sera rien. «  On verra si on fait une soirée spéciale à la rentrée, mais là, dans le brouillard actuel, non », déclare encore Michel Field… L’an passé, la 32e cérémonie avait été l’un des premiers événements du monde culturel à se tenir, dans une forme adaptée aux restrictions sanitaires, à la sortie du premier confinement. « C’est important d’avoir un moment où les projecteurs sont braqués sur le théâtre, aujourd’hui plus que jamais », soutenait alors au HuffPost Jean-Marc Dumontet, président de cette Académie. Mais un an plus tard, alors que les “Césars” se sont, eux, tenus coûte que coûte pour “faire exister” le cinéma, les “Molières” et le monde du théâtre n’auraient pas cette chance… A priori, pas de distribution des prix cette année, mais un grand rattrapage en 2022 avec L’année Molière, qui célébrerait les 400 ans de la naissance à Paris, le 15 janvier 1622, du plus célèbre de nos dramaturges français.

Depuis l’année 1987, où la première cérémonie eut lieu le 23 mai, au théâtre du Châtelet à Paris, les “Molières” récompensent, chaque saison, les comédiens, productions et spectacles les plus remarquables, plébiscités par les critiques et acclamés par le public. Les nommés sont issus aussi bien des théâtres privés que des établissements publics. Existent également les catégories “Musique” et “Humour”, qui récompensent les spectacles musicaux ainsi que les meilleurs one-man shows, ou seuls en scène. En remplacement de cette soirée, devenue incontournable, Michel Field prévoit cependant « une semaine d’exaltation du théâtre avec un “prime” par soir sur chacune des antennes », un ensemble d’émissions théâtrales sur les différentes chaînes de l’audiovisuel public… Cette semaine “Coups de théâtre !” serait programmée au printemps et inclurait notamment la diffusion de deux pièces comiques, Papy fait de la résistance, avec Martin Lamotte et Catherine Jacob, et Sept ans de réflexion, avec Guillaume de Tonquédec…  Reste maintenant à connaître l’ensemble du programme, et les dates de diffusion.

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L’annonce de l’annulation, probable ou certaine, de cette cérémonie des “Molières” 2021 tombe alors que le mouvement d’occupation des théâtres, initié par celui de l’Odéon à Paris le 4 mars dernier, continue de faire boule de neige, avec une centaine de salles occupées à travers la France, l’objectif étant double, alerter sur la situation d’un monde de la culture frappé de plein fouet par la pandémie, et soutenir tous ceux que cette crise a plongés dans la précarité.

Jean-Marc Dumontet n’est pas de cet avis… Alors que l’interview de Michel Field laissait comprendre que l’annulation était actée, le président de l’organisation des “Molières”,  interrogé, a répondu que ce n’était pas acquis. « Je n’ai pas encore annoncé que les Molières n’auraient pas lieu. J’ai dit à Michel Field que j’allais insister. Je ne désespère pas », a-t-il déclaré. « Je continue de penser qu’il faut faire les Molières. C’est un acte politique fort. »

Un débat d’importance !

Le magazine Télérama s’interroge ce jour, à juste titre, sur la pérennité du spectacle vivant, mis à mal par la crise sanitaire : le théâtre va-t-il survivre aux captations numériques ? Car s’il est vrai que le confinement a contraint le spectacle vivant à se réinventer en ligne, peut-on parler de révolution au bénéfice d’un large public, ou de trahison d’un art, le théâtre, par nature éphémère ? Le débat est ouvert !

Extraits : S’il ne veut pas être oublié, le spectacle vivant doit se faire une place dans la jungle des réseaux sociaux.… Comme Éric Ruf, administrateur de la Comédie-Française, la plupart des artistes ont pris sans sourciller la vague du numérique. Metteur en scène en 2014 d’un épique Henry VI shakespearien, Thomas Jolly est un converti de la première heure, devenu un ardent prosélyte : « J’étais persuadé que la captation de Henry VI dissuaderait le public de venir voir la représentation en vrai. C’est l’inverse qui s’est passé ». Le dynamique directeur du Quai, à Angers, veut désormais que soit enregistrée chacune de ses créations. Les captations, ajoute-t-il, sont un outil pour « désamorcer les a priori en vogue sur l’élitisme des pièces, l’ennui des représentations ». À la clef se profile l’enjeu majeur de la démocratisation. Projeté à la télévision, diffusé sur les réseaux sociaux, le théâtre s’affranchit des frontières, que ces dernières soient générationnelles, géographiques ou sociales. En se proposant à tous, il met un terme à l’entre-soi, ce reproche qui lui colle à la peau (…)

Mais… Cette inscription d’un art éphémère, art de l’instant donc périssable, dans le garde-meuble de l’univers virtuel, signe la métamorphose d’une pratique millénaire. Depuis ses origines, sa transmission s’accomplit par les récits oraux ou écrits de ceux qui en ont été les témoins. Or, la donne vient donc de changer : dans cinquante ou cent ans, de futures générations visionneront les vidéos de spectacles datant des années 2020. Elles seront en couleur, immersives, animées, éloquentes, attractives (…) Ce colossal changement d’usage ne fait pas l’unanimité (…) La chose est entendue : rien ne peut remplacer le partage du vivant dans le moment présent. Ce fameux  “Ici et Maintenant” qui forge l’ADN des représentations ! Visionner seul chez soi, sur son ordinateur, une tragédie cornélienne ou un vaudeville de Feydeau ne provoquera jamais l’intensité d’émotions collectivement vécues devant des interprètes dont le corps est en sueur (…)

D’après Louise Wessbecher du Huffpos, le site de L’Obs, et Joêlle Gayot pour Télérama

Fort-de-France, le 30 mars 2021