Cuba : pour l’inclusion culturelle

—par Lohania Aruca Alonso—

pop_cubaÀ l’heure actuelle  les changements économiques et leurs effets ou conséquences, ont lieu  dans la même mesure ainsi que les changements qu’ils provoquent sur les domaines social et culturel. Tout cela va de pair. Il est plus difficile de constater ces faits dans les domaines de l’idéologie et de la politique où les contradictions entre les groupes et/ou les classes sociales, qu’on peut considérer comme tout à fait normales par les circonstances historiques contemporaines, émergent en même temps que les changements qu´ ont lieu et dont on a parlé plus haut – sans pour autant oublier, ni diminuer,  l’importance du défi qui posent aux jugements et à la gestion politique lesdites contradictions, à cause de leur grande complexité et de la difficulté de les résoudre de façon immédiate et heureuse.

En revanche, il est vrai que pour l’instant il n’y a pas une explication théorique cohérente, conséquente et sans préjugés, sur laquelle asseoir le renouveau ; l’analyse profonde et autocritique est encore en attente, autant de l’évolution prétérite avec sa charge des réussites et des torts de sa projection présente et ses possibilités futures. Ceci est un autre défi : « le changement des mentalités » nécessaire et associé forcement à l’inévitable changement générationnel.

La célébration d’une fête religieuse afro-cubaine à Miramar (jadis un quartier résidentiel exclusif de la moyenne et haute bourgeoisie), un « toque de santo » on l’appelait, ou un « bembé », à cent mètres des rues Línea et G, dans El Vedado un vendredi soir, attire l’attention des vieux havanais, et des vieilles havanaises aujourd’hui ; certains sont surpris, d’autres, contrariés. Car dans le passé, à l’époque coloniale et pendant l’étape néocoloniale de notre République (1902-1958) et même si on avance jusqu’aux premières décennies de l’actuelle Révolution cubaine, ces réunions religieuses et/ou festives, avaient lieu uniquement dans les quartiers les plus pauvres et isolés de la ville « capitale de tous les Cubains » : Jesús María, Pueblo Nuevo, Cayo Hueso, etc. et dernièrement, dans quelques zones de Alamar.

Je ne peux pas parler sur ce qu’arrive et comment cela ce passe dans d’autres villes, car je n’ai pas l’expérience nécessaire pour le faire. Néanmoins, le fait exposé  indique que quelque chose bouge et se transforme au sein de notre société car, indépendamment du métissage croissant qu´a lieu dans la couleur de la peau des Cubains et des Cubaines, des valeurs relativement nouvelles se révèlent par rapport à la compréhension et à la tolérance, que dépassant les vieilles préjugées, s’ouvrent un chemin parmi nos concitoyens et concitoyennes, notamment chez les jeunes de la population urbaine.

A-t-il ce phénomène ou non un lien avec la mobilité économique et sociale qui s’impose, due au besoin de survivre et de résister coûte que coute, depuis l’étape du dit « période spéciale » ? Je ne dispose pas d’une étude accomplie à ce sujet ; mais j’en contourne le besoin afin d’argumenter ce qu’on peut  constater de façon directe sur le terrain socioculturel : la reconnaissance de la culture populaire. Cette dernière, sans aucun doute, occupe un autre niveau  et plus haut, depuis la praxis à travers la recherche et la critique culturelle.

Le récente réaffirmation de la rumba en tant que haute valeur culturelle, patrimoine de « tous les Cubains » ; son étude, non seulement à partir de la musique, mais également des Sciences Sociales, de l’Histoire, ou de l’Anthropologie ; la création du Palais de la Rumba dans le quartier de Cayo Hueso ; les actions de diffusion nationale et internationale sur cette manifestation de la culture populaire havanaise et cubaine, organisée par des émigrés cubains en Italie, regroupés en « Timbalaye », devient un exemple concret de ce que je viens de décrire. Une autre forme de reconnaissance à faire ressortir dans cette réflexion, parmi les nombreuses formes qu’on peut constater concernant la croissance du patrimoine culturel national, c’est également le « punto güajiro » ou « punto cubano », il s’agit également d’un héritage historique et artistique précieux de notre culture paysanne.

Bien évidemment, derrière ce résultat positif il y a des multiples antécédents. Une politique de récupération de la culture populaire qui s’est manifestée, depuis les années soixante et soixante-dix (en 1976 a été crée le Ministère de la Culture, proche de son 40ème anniversaire) à travers la relecture et l´ inclusion de la même –au début à partir du folklore – dans la danse, la musique, le cinéma, le théâtre, les musées locaux ou nationaux ; pour seulement citer l’un des très actifs, à savoir la Maison Musée d’Afrique ;  la création des organisations non gouvernementales de grand prestige telle la Fondation Fernando Ortiz, pour n’en citer qu’une, avec ses recherches, les formations continues, la qualité des publications scientifiques (Revista Catauro) et ses prix décernés ; ou l’Union des écrivains et des artistes de Cuba (UNEAC) à l’époque sous la direction du Poète National Nicolás Guillén. En ce qui concerne le Bureau de l’Historien de la Ville de la Havane, il mériterait un article à part.

Il s´est écoulé beaucoup d´eau sous ce pont jeté entre la culture élitiste ou « savante » ou « académique », héritée de la colonie et la néo colonie, et la culture populaire (on entend par culture populaire : celle qui naît et se construit dans le peuple et s’enracine en lui via la praxis, sans intervention d’académie scientifique ou artistique ; en aucun cas elle est liée à la grossièreté, la vulgarité, ni avec d’autres vices qui filtrent le bon sens, la décence et la pudeur collectives propres au peuple) que bien évidemment coexistait avec l’autre, mais sans être suffisamment  reconnue, respectée et sans réussir à conquérir des espaces publics ou des publications de prestige culturel et scientifique comme c’est le cas de nos jours.

Un autre élément à considérer, pour l’instant, c’est la diffusion à travers les médias. Dans ses débats, l’Association de Radio, Télévision et Cinéma de l’UNEAC a décidé d’inclure le sujet de la culture populaire et ses manifestations. Il s’agit d’un pas en avant très important dans l’examen et la prise de conscience des problèmes d’inclusion culturelle due à la fonction de formation et d’orientation des goûts dans la population qui a lieu via ces médias et d’autres technologies de communication plus modernes.

Il faut remarquer que la déclaration de la culture populaire en tant que trésor commun, rapportée dans cet article, est un élément fondamental, d’indéniable importance pour l’auto reconnaissance de notre population (résidente ou émigrée) dans le long et lente processus identitaire et de consolidation de notre nationalité ; dans le tri constant de la culture nationale pour élever, depuis la base urbaine et rurale, de n’importe quel endroit, les indispensables manifestations de la pensée et des arts qui servent à la construction de la singularité cubaine, le sentiment d’appartenance à un pays insulaire, petit mais extraordinairement riche et divers par sa nature, son histoire et sa culture.

Très prochainement aura lieu le 8ème Congrès de l’UNEAC, et dans ce domaine hiérarchisé le large sujet de l’inclusion culturelle, par l’inclusion sociale, devra être pris en compte et examiné soigneusement. Le blason de la nation cubaine, devra également être plus fort et dans la qualité de sa forge on constate l’influence directe de la contribution et l’acceptation du populaire, la richesse de l’élément local, la correcte sélection et interprétation par la critique et l’histoire de la culture, sa diffusion par tous les moyens d’éducation et d’orientation culturelles. L’inclusion dans la critique artistique et littéraire des spécialistes de tout le pays, sans nuisibles distinctions géographiques, a permis à La Gaceta de Cuba (UNEAC) de rehausser la cible des critères d’analyse de l’art et la littérature cubaines, et cela est un véritable succès culturel.

Il faudra rechercher et faire de l’histoire encore avant de savoir avec certitude combien et quels sont les ingrédients de « l’ajiaco » de Don Fernando Ortiz , et comment cohabitent les uns avec les autres de la façon la plus intégrale et intelligente, dans uns société qu’aspire à être véritablement humaine, et à notre « bien vivre » américain. Instruire et éduquer les générations futures avec plus de connaissance, de capacité pour apprécier et comprendre tous les éléments composants de leur propre culture, dépendra aussi de nouveaux programmes d’étude, mis en place dès l’école primaire jusqu’au lycée. Ce lien culture – éducation est une autre dimension à ne pas négliger, mais plutôt à prioriser, dans le sujet ci exposé.