— Contre-Chroniques d’Yves-Léopold Monthieux —
Oui, on ira écouter l’historien, comptable du passé, avec des mots …choisis plus que comptables : « multitude », « kyrielle », « chapelet », « cortège », « nuée »…de “massacres”, et j’en passe. Oui, il faut connaître le passé pour préparer l’avenir. L’historien s’en charge. Mais quand prendra-t-on le chemin de l’Avenir ? Qui crèvera la bulle du passé et ouvrira le chemin du futur, afin de ne pas se laisser noyer dans notre propre histoire ? Il se fait tard, messieurs-dames les projeteurs !
Dernier tué par le « colonialisme », Hilmany, mort l’arme à la main, il y a 50 ans, dans un corps à corps sanglant, …un mort de trop ! Son adversaire, le gendarme, n’a eu que le bras sectionné. Un demi-siècle, cependant, sans aucun mort tué par le colonialisme, en Martinique. Plus de ces morts opportunes à attraper dans son filet idéologique. Mais en 6 mois 15 jeunes gens nous ont quittés et tous les morts se valent, ceux du passé et ceux d’aujourd’hui. Aujourd’hui : des tués, des tués et encore des tués. Tués souvent par de futurs tués, dans l’immense silence des historiens croqueurs des tués du passé ; chroniqueurs, sociologues et comptables du présent ; prévisionnistes, prédicteurs, visionnaires (dans un pays où il y en a tant, en veux-tu en voilà) et qui n’avaient pourtant rien prévu de ce qui se passe aujourd’hui.
Pourtant, en ce début de siècle en Martinique, des élus, journalistes, intellectuels, clercs, pasteurs, auteurs littéraires, poètes, comédiens, musiciens, droit-de-l’hommistes… n’ont pas un mot, une prière, un vœu, une production artistique, pour regretter l’hécatombe qui endeuille au quotidien la Martinique. Les mêmes n’ont jamais autant dénoncé la répression coloniale, autant compris les gangsters, autant manifesté leur solidarité avec les casseurs téléguidés, affublés de leurs masques de “vie chère”. Un appel solennel du préfet aux Martiniquais, comme jadis, constituerait un casus belli prompt à réveiller les dormeurs nationalistes et servir d’éteignoir à tout le reste.
Et puis voilà un ministre schizophrène, en guise de rachat pour soi-même ou de bénédiction pour d’autres, tombe ou se jette dans le panneau et leur accorde une tribune, malgré les évidences mafieuses mises au grand jour par le Monde et l’ancien professeur. Quitte à se faire une fois de plus, mais plus gravement que jamais, les jouets du prochain grand raout, aux effets nécessairement éphémères, s’ils adviennent. Éphémères pour la baisse des prix, bien sûr, pas pour les objectifs masqués qui ne songent qu’à durer. Des élus n’ont jamais autant « motionné » que pour interdire à tout jamais la présence policière « coloniale » en Martinique, en particulier les CRS. Mayday, mayday, le temps devenant très mauvais, “ce n’est pas moi, c’est les autres” ! Des SOS s’envolent vers l’Etat, le responsable suprême, le responsable exclusif. Haro sur cet ancien professeur, jugé immonde parce que disant vrai, coupable d’avoir écrit 6 mois trop tôt ce que le Monde écrit aujourd’hui de sa plume d’Or, sous les mines déconfites des directeurs de conscience tropicaux.
Haro sur ce policier qui, traversant les écrans et la Toile de haine, appelle, par une tirade émouvante sur l’internet, à « arrêter de compter les victimes et à se lever pour protéger les vivants ». Oui, un appel de lui seul, seul face à l’aréopage ci-dessus évoqué, qui se pique de tout savoir et de donner des leçons à la terre entière. Au rythme de la chanson : “l’État, l’État, l’État…”
Fort-de-France, le 10 juin 2025
Yves-Léopold Monthieux