Côté Culture, côté Ciné  : « Lands of murders », un film de Christian Alvart

Programmation restreinte et en VF 👿 à Madiana

Avec Trystan Pütter, Felix Kramer, Nora von Waldstätten

Nationalité Allemand
 / 2h 09min / Thriller
Le film de Christian Alvart, scénariste et réalisateur allemand, est sorti ce 22 juillet sur les écrans de France

Synopsis : Dans une région reculée de l’Allemagne tout juste réunifiée, deux inspecteurs enquêtent sur la disparition inquiétante de deux adolescentes. L’un a des méthodes modernes d’investigation, tandis que l’autre n’hésite pas à user de pratiques moins orthodoxes. Leur recherche les met sur la piste d’une affaire de bien plus grande envergure. Au cœur d’un climat post-RDA sous tension, ils vont devoir mettre de côté leurs divergences pour faire avancer l’enquête.

Lundi 10 août à 19h 15 et 22h / Mardi 11 août à 19h15, 21h et 22h

La presse en parle :

La Septième Obsession (Maryline Alligier) : Lands of Murders est cependant avant tout un film sur l’incertitude, et son écriture cherche et réussit à lui donner forme.

Le Figaro (Éric Neuhoff) : Le mur de Berlin est tombé ; les préjugés restent debout. On voit qu’il y a des pays, des époques, où il n’est pas toujours facile de manier le droit et la justice… Ce remake réussi de «La Isla minima» offre une plongée saisissante dans l’Allemagne tout juste réunifiée.

Le Parisien (Michel Valentin)

Si le contexte géographique et historique est différent, troquant l’Espagne post-franquiste du début des années 80 pour l’ex-RDA laissée groggy par l’effondrement du communisme (des décors trouvés en Ukraine), le reste de l’histoire et les personnages se révèlent particulièrement fidèles au film originel, et en conservent la noirceur désabusée.

Positif (Baptiste Roux)

Mais, là où le film de Rodríguez jouait des silences et des demi-teintes, « Lands of Murders » chausse les godillots du manichéisme et du vérisme malaisant, convoquant toutes les figures du thriller de seconde zone : le relais de chasse comme repaire de sévices, la dégénérescence des « Ossis », les friches industrielles sinistrées, les hectolitres de binouse, etc.

Le Monde (Philippe Ridet)« Lands of Murders », une copie mais pas en toc.

Remake ou copié-collé d’un film espagnol de 2014, ce thriller évoque et incarne la difficile réunification de l’Allemagne après la chute du Mur, en 1989… Des films construits sur la confrontation de deux flics que tout oppose, il y en a des tonnes. Lands of Murders se classe dans le haut du panier. 

L’avis éclairé de Jean Paul Brighelli : une analyse percutante et admirablement documentée, avec aussi un zeste d’humour, se trouve sur le blog de Jean Paul Brighelli, le 29 juillet, sous le titre « Lands of murders : le film de votre été ». Que l’on adhère ou pas aux idées, politiques, de son auteur, l’article vaut la peine d’être lu. En voici une partie seulement :

J’avais dit il y a cinq ans tout le bien que je pensais de La Isla mínima, le sublime film de Roberto Rodriguez. Eh bien Christian Alvart, avec Land of murders, en a fait une version allemande, tout aussi glauque, tout aussi politique (non, je ne demanderai pas pour la centième fois pourquoi les Espagnols, les Allemands, les Anglais, les Argentins, les Américains et tous les autres savent faire des films politiques, et pourquoi les Français se cantonnent dans l’observation microscopique du nombril d’acteurs surestimés). Aux verts gluants du modèle initial, tirés des marais du Guadalquivir, répondent les bleus froids de Görlitz, ville improbable des confins de la Saxe, arrosée par la Neisse et par des flots de bière. Au couple de flics espagnols, l’un « moderne », l’autre formé par la police franquiste, répond un couple de flics allemands, un Wessi muté là par représailles, et un Ossi qui a appris dans la STASI les bonnes mauvaises manières de faire parler un témoin — ou de punir un criminel avant que les tribunaux et les droits de l’homme s’en mêlent. « Borderline », dit Philippe Ridet dans le Monde. Que dirait le « quotidien de référence » si un poulet français expliquait la vie et la voie des aveux aux racailles de chez nous comme Markus Bach (joué par Felix Kramer, énorme) le fait avec une spontanéité touchante dans ce film ?

« Mais nous avons déjà vu La Isla mínima », me direz-vous… Nous connaissons l’histoire — des jeunes filles enlevées, violées, mutilées, torturées, et jetées dans les marais puants qui entourent une ville morte que des Wessis achètent à la découpe en sucrant 20% des salaires… Sachez-le, amis européanistes, c’est à ce genre de travail de boucherie sociale qu’ont servi vos sacrifices sur l’Euro — calqué sur le mark pour aider à la réunification des Allemagnes, et de fait utilisé pour enfoncer dans la crasse, la misère et l’exploitation des Ossis, laissés pour compte du Reich reconstitué. Le Monde, poliment, en reste aux questions (« Les « Ossis » ont-ils gagné au change, en troquant le communisme agonisant pour le capitalisme triomphant ? Les « Wessis » sont-ils des bienfaiteurs ou des équarrisseurs de ce qui reste de la splendeur de la RDA ? ») alors que le film donne des réponses.

Peu importe que vous connaissiez la fin. Après tout, quand les spectateurs du XVIIe siècle allaient voir jouer Phèdre, ils connaissaient la trame de l’histoire — ils avaient appris leur mythologie. Aucun « suspense » chez Racine, juste un fabuleux exercice de style pour dire quelque chose sur son temps et son Dieu.

Même chose ici. Christian Alvart (à la réalisation, au scénario et à la photographie, ce garçon est doué) est un remarquable styliste — c’est ce qui manque le plus aux films hexagonaux ces derniers temps. Et un directeur d’acteurs sans doute impitoyable, tant les greluches sont niaises, les tueurs sadiques et les flics impitoyables.

(…)

Bien sûr, ça se passe à la fin des années 1990, avant qu’Angela Merkel donne à tous sécurité, Europe et prospérité — non, je rigole… Un grand film, pas de chez nous : comment imaginer un équivalent de ce très beau et très puissant remake dans notre beau pays, où il n’y a aucune friche économique, grâce aux Allemands qui ont respecté notre outil industriel, aucune jeune provinciale rêvant d’ailleurs (ah, Paris…) et pas plus de sadiques que de suppressions d’emploi post-confinement.

Jean-Paul Brighelli, dans le blog « Bonnet d’âne »